Parmi les étonnants résultats rapportés par Zhurong, le rover chinois posé à la surface de Mars, il y a les mesures du champ magnétique d’Utopia Basin. Celles-ci suggèrent en effet que le site où se trouve le rover ne possède aucune magnétisation. Des résultats qui permettent d’en apprendre plus sur la formation de ce bassin, mais également sur l’histoire de la dynamo martienne.


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    Le 15 mai 2021, le rover chinoisrover chinois Zhurong se posait sur Mars, dans le sud d’Utopia Basin. Il a rapidement mis en œuvre les multiples équipements scientifiques dont il était équipé et parmi eux, un détecteur de champ magnétique. L'objectif : mesurer la magnétisation des roches au cours de son trajet dans cette vaste plaine de la Planète rouge.

    Les scientifiques chinois chargés de l'analyse des données ont cependant été surpris. Alors que la station InSight (Nasa) posée 2 000 kilomètres plus loin au milieu d'Elysium Planitia enregistrait un champ magnétique particulièrement fort, Zhurong ne détectait... quasiment rien.

    Carte de Mars montrant la position de Zhurong dans Utopia Basin (a), l'intensité du champ magnétique total à 200 kilomètres d'altitude (b) et la carte géologique (c) © Du et <em>al.</em>, 2023, <em>Nature Astronomy</em>, CC by 4.0
    Carte de Mars montrant la position de Zhurong dans Utopia Basin (a), l'intensité du champ magnétique total à 200 kilomètres d'altitude (b) et la carte géologique (c) © Du et al., 2023, Nature Astronomy, CC by 4.0

    Erreur de mesure ? Non, affirment les chercheurs. Cette absence de signal magnétique indiquerait que le sous-sol de Mars, au niveau du site d'atterrissage du rover, ne possède aucune anomalieanomalie magnétique. Cette absence de magnétisation pourrait d'ailleurs s'étendre sur plusieurs kilomètres en profondeur, comme l'explique l'article publié dans la revue Nature Astronomy. Mais comment expliquer cette observation ?

    Dynamo planétaire, champ magnétique et magnétisation des roches

    Il faut rappeler que l'intensité du champ magnétique mesuré au niveau de la surface du sol dépend pour beaucoup de la nature des roches et de l'architecture de la croûtecroûte. Ainsi, la présence de roches volcaniquesroches volcaniques, qui sont riches en minérauxminéraux magnétiques, est généralement associée à l'observation de fortes anomalies magnétiques. La magnétisation des roches volcaniques est acquise au moment de leur formation, certains minéraux ayant la capacité de s'orienter à ce moment-là dans le sens du champ magnétique ambiant produit par la planète.

    En refroidissant, ces roches conservent ainsi un champ magnétique rémanentrémanent, qui témoigne de l’orientation et de l’intensité du champ au moment de leur formation, et cela même si le champ ambiant produit par la planète se modifie par la suite (exemple des inversions du champ magnétique sur Terre), ou s'il disparaît -- comme c'est le cas sur Mars !

    Ainsi, les mesures réalisées par InSight indiquent que la planète possédait bien un champ magnétique il y a plus de 4 milliards d'années avant que celui-ci ne disparaisse avec l’arrêt de la dynamo planétaire. Mais les résultats de Zhurong interpellent. Ils sont cependant en accord avec les mesures réalisées depuis l'orbite qui montrent que tout le bassin d'Utopia est associé à un faible signal magnétique, comme si les roches dans Utopia Basin avaient perdu toute magnétisation.

    Arrêt précoce de la dynamo martienne ou démagnétisation ?

    Deux solutions existent pour expliquer cette observation : soit les roches formant le bassin ont été « démagnétisées » par un événement bien particulier, soit elles se sont formées après l'arrêt de la dynamo martienne, il y a 4,1 ou 3,9 milliards d'années. Il faut donc se pencher sur l'histoire géologique du lieu. Utopia Basin serait en effet un immense bassin d'impact formé il y a environ 4 milliards d'années, qui a été ensuite comblé par des coulées de lavelave d'âge hespérien (3,7 à 3,2 milliards d'années). Ces roches ne présentant aucune magnétisation, ce scénario suggère que la dynamo martienne s'est donc arrêtée au moment de l'impact, voire même avant.

    Il est également possible que les roches d'âge hespérien aient bien été magnétisées, mais qu'un second et large impact aurait « effacé » ce signal magnétique par le choc produit et l'augmentation brusque de la température. La signature de ce cratère ne serait aujourd'hui que faiblement visible dans le paysage, ayant été comblé par des sédimentssédiments ou de nouvelles coulées de lave. Cependant, plusieurs indices suggèrent que Zhurong se serait bien posé au-dessus de ce « cratère fantôme ».

    Zhurong à gauche et ses capteurs (fluxgate) qui permettent la mesure du champ magnétique local. À droite, un schéma illustrant la structure du sous-sol (interprétation), avec notamment la présence d'un « cratère fantôme » ayant pénétré les roches volcaniques d'âge Hespérien (violet) © Du et <em>al.,</em> 2023, <em>Nature Astronomy</em>, CC by 4.0
    Zhurong à gauche et ses capteurs (fluxgate) qui permettent la mesure du champ magnétique local. À droite, un schéma illustrant la structure du sous-sol (interprétation), avec notamment la présence d'un « cratère fantôme » ayant pénétré les roches volcaniques d'âge Hespérien (violet) © Du et al., 2023, Nature Astronomy, CC by 4.0

    Mais, même dans ce cas, les auteurs expliquent que la magnétisation des unités volcaniques d'âge hespérien devait déjà être relativement faible pour que l'impact ait pu les démagnétiser à ce point. Cela suggère que le champ magnétique de Mars devait être en passe de s'arrêter au moment de la mise en place de ces roches.

    Zhurong apporte ainsi de nouvelles données précieuses qui devraient permettre de mieux contraindre l'évolution de la dynamo martienne et du champ magnétique de la planète.