Bien connu sur Terre, le volcanisme sédimentaire semble avoir été un processus également récurrent sur Mars. L’étude des coulées de boue produites par ce type de volcan pourrait permettre de mieux connaitre la composition du sous-sol martien.


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    Sur Mars, la surface du sol est marquée en de nombreux endroits par des traces de coulées de matériel fluide. Ces traces, qui s'étendent sur plusieurs kilomètres, sont généralement interprétées comme des marqueurs de coulées de laveslaves, par analogieanalogie avec ce que l'on peut observer sur Terre. Cependant, certaines observations ouvrent la porteporte à d'autres hypothèses.

    Des volcans, mais pas de lave

    L'étude de la morphologiemorphologie de certaines coulées présentes notamment au niveau de la marge sud de Chryse Planitia, laisse en effet penser que leur origine pourrait être différente. Bien qu'elles soient associées à des édifices en dôme, une forme caractéristique pour les volcansvolcans, plusieurs éléments morphologiques suggèrent qu'il ne s'agit pas de coulées de lave, ni de volcans « classiques ». Certaines coulées sont en effet caractérisées par une dépression centrale formant un système de chenaux bordés de levées et se terminent graduellement. Ces observations laissent penser qu'il pourrait s'agir de coulées de boue d'origine volcanique.

    Dans une nouvelle étude, publiée dans Icarus, des chercheurs apportent des preuves supplémentaires à cette hypothèse, en s'appuyant sur des modèles d'élévation du terrain. Ces données, acquises par la caméra HiRISE de la sonde spatiale Mars Reconnaissance OrbiterMars Reconnaissance Orbiter, confirment que ces chenaux ont été formés par le transport de matériel liquide, riche en boue, associé à un volcanismevolcanisme sédimentaire. Ce type de « volcanisme » est bien connu sur Terre. Dans ce cas, les volcans n'émettent pas de lave, mais de la boue ou du sablesable fortement chargés en eau. Ce mélange fluide va s'écouler le long des pentes en formant des chenaux au relief caractéristique.

    Volcan de boue en Azerbaijan. © Rashad Amrahov, imaggeo.egu.eu
    Volcan de boue en Azerbaijan. © Rashad Amrahov, imaggeo.egu.eu

    Un moyen d’étudier la composition du sous-sol martien

    L'observation, d'ailleurs assez fréquente, de ce type de processus sur Mars est particulièrement intéressant puisqu'il permet la mise à la surface de sédimentssédiments d'origine profonde. Les dépôts de Chryse Planitia pourraient ainsi être de très bons candidats pour de futures sites d'exploration. Leur étude pourrait permettre d'analyser, de façon indirecte, la composition du sous-sol martien et sa variabilité. Ils pourraient également représenter un intérêt dans la recherche de traces biologiques sur Mars.


    Sur Mars, la boue s’écoule comme de la lave

    Pour savoir de quoi sont faits certains reliefs martiens, une équipe de recherche internationale impliquant Susan Conway, chercheuse du CNRS au Laboratoire de planétologie et géodynamique (CNRS/université de Nantes/université Angers), a simulé des coulées de boue sur Mars et sur Terre. Résultat, des reliefs martiens qui ressemblent à de la lave solidifiée, comme ceux présents à Hawaï, sont en fait de la boue qui se comporte différemment de la boue terrestre.

    Article de Rémy DecourtRémy Decourt publié le 23 mai 2020

    Une équipe de recherche internationale impliquant Susan Conway, chercheuse du CNRS au Laboratoire de planétologie et géodynamique (CNRS/université de Nantes/université Angers) a décidé d'étudier des reliefs martiens dont la composition est mal connue et sujette à débat. C'est notamment le cas des plaines de Cerberus Fossae que certains chercheurs ont « interprété comme issues des laves et d'autres à de la boue ou encore d'autres comme une mer glacée », nous explique Susan Conway.

    Pour comprendre comment se comporterait un mélange de roche et d'eau une fois à l'air libre sur la Planète rouge, les chercheurs ont « reproduit en laboratoire les conditions martiennes dans une chambre basse pression et observé l'écoulement de cette boue ». Avec une pression atmosphériquepression atmosphérique 150 fois plus faible que la nôtre, et des températures le plus souvent négatives, son « comportement a été très différent des boues terrestres ». Alors que la boue sur Terre bout à 100 °C au niveau de la mer et 70 °C au sommet de l'EverestEverest, sur Mars elle « bout tout le temps en raison de la très faible densité de l'atmosphèreatmosphère martienne » !

    Les scientifiques ont simulé des coulées de boue sur Mars et sur Terre. © Lancaster University, YouTube

    L'expérience montre que la boue se « comporte alors de la même manière que certaines coulées de laves terrestres et peut former de nombreux plis, appelés pahoehoe ». En effet, lors de « notre expérience, la boue s'est mise en ébullition (même si elle était à presque zéro degré) et a ensuite commencé à geler ». C'est la combinaison du gelgel et l'ébullition qui a conduit la boue à « faire des formes qui ressemblent à de la lave solidifiée ».

    Ces résultats publiés dans Nature Geosciencele 18 mai 2020, suggèrent donc que « le volcanisme sédimentaire peut se manifester sur Mars, c'est-à-dire un phénomène géologique qui entraînerait l'éruption de boue depuis le sous-sol martien ».  Ils invitent également la « communauté à revoir toutes les structures géologiques martiennes pouvant avoir été formées par ce phénomène ».

    Des fossiles de vie primitive piégés dans la boue martienne solidifiée

    Cette découverte a son importation car chaque « interprétation a des conséquences très différentes pour notre compréhension de l'environnement de Mars et son habitabilité ». Enfin, comme le souligne Susan Conway, il est possible « d'établir un lien entre cette boue et l'habitabilité de la planète » ? Si la présence de boue peut expliquer la « présence de plus de formes à la surface qu'on le pensait initialement », cela implique qu'il y avait, peut-être même encore aujourd'hui, un « réservoir d'eau souterrain (au lieu d'une chambre magmatiquechambre magmatique) qui serait plus propice à la vie que de la lave » !

    Aujourd'hui, cette boue solidifiée pourrait « abriter des fossilesfossiles de vies primitives », de sorte qu'un certain nombre de ces sites sont à privilégier pour les missions futures en quête des signes de vie sur Mars.