Christina, Jeremy, Victor et Reid. Ces quatre astronautes vont retourner là où personne n’est allé depuis décembre 1972 : la Lune, plus précisément autour de la Lune. Ils constituent l’équipage de la mission Artemis II, premier vol habité du nouveau programme lunaire américain, l’ultime étape avant de revenir à la surface. Mais qui sont-ils et pourquoi eux ? On revient sur leur parcours et sur les choix de la Nasa avec Olivier Sanguy, rédacteur en chef de la Cité de l’Espace.


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    Suite au succès du vol test inhabité Artemis I, le vaisseau OrionOrion doit désormais passer un nouveau vol de qualification, du point de vue des pilotes. C’est le but de la mission Artemis II, qui durera une dizaine de jours et qui se déroulera d'abord en orbite terrestre, et qui comptera ensuite un survolsurvol de la Lune avant de revenir sur Terre. Le succès de la mission donnera le feu vert à Artemis III, celle du retour des astronautes à la surface, dont la première femme et la première personne de couleur.

    Annonce de l'équipage d'Artemis II. © Nasa

    Des pilotes et la Wonder Woman des astronautes américains

    Le commandant : G. Reid Wiseman, 48 ans, 165 jours dans l'espace.

    Il est le doyen de l'équipe. Il a aussi été le patron du corps des astronautes de décembre 2020 à février 2023 avant de démissionner pour être à nouveau assignable à une mission. Venant de la Côte Est, il a notamment terminé ses études dans la prestigieuse université Johns-Hopkins avant de devenir pilote de chasse dans l'US Navy, il a d'ailleurs réalisé plusieurs missions de terrain dans le Moyen-Orient. Reid Wiseman rejoint le corps des astronautes en 2009. Il réalise une mission de six mois dans l'ISS en 2014 (Expéditions 40/41). Avec ses compagnons, il réalise plus de 300 expériences, deux sorties spatiales, et a fait jusqu'à 82 heures de sciences en orbite en une semaine (record). Après son vol, Wiseman dirige la mission NEEMO 21, où pendant deux semaines lui et son équipe d'aquanautes réalisent des expériences en milieu confiné sous l'eau.

    G. Reid Wiseman. © Nasa
    G. Reid Wiseman. © Nasa

    Le pilote : Victor Glover, 47 ans, 167 jours dans l'espace.

    Il sera le premier astronaute de couleur à voler autour de la Lune. Originaire de Californie, Victor Glover est diplômé de Masters de pilote d'essai de l'École de l'AirAir de l'USA Air Force à Edwards, de l'école navale, et en opérations militaires à l'École de l'Air de Montgomery en Alabama. Pilote de chasse puis pilote d'essai, Glover sera aux commandes de plus de 30 appareils différents. Il rejoint le corps des astronautes en 2013. Il est le premier astronaute à piloter le Crew DragonCrew Dragon de SpaceXSpaceX après la certificationcertification du vaisseau, avec la mission Crew-1. Il passe six mois à bord de l'ISS (Expéditions 64/65), et réalise quatre sorties spatiales.

    Victor Glover. © Nasa
    Victor Glover. © Nasa

    La spécialiste de mission : Christina Koch, 44 ans, 328 jours dans l'espace.

    Elle sera la première femme à voler autour de la Lune. Koch est déjà connu en astronautiqueastronautique en étant la femme astronaute à avoir passé le plus de temps dans l'espace en une mission, avec 328 jours consécutifs. Venant de Caroline du Nord, où elle a fait ses études, elle est la seule personne de l'équipage à venir du civil. Christina Koch intègre la NasaNasa en 2002 comme ingénieure électricienne au centre spatial Goddard et contribue à plusieurs instruments scientifiques. Au cours de sa carrière, elle réalise plusieurs missions scientifiques en milieu reculé, dont une d'un an dans la base antarctiqueantarctique Amundsen-Scott, et d'autres au Groenland, en Alaska ou dans les Samoa américaines. Elle intègre le corps des astronautes en 2013 avec Victor Glover. Entre 2019 et 2020, Koch passe 328 jours dans l'ISS (Expéditions 59/60/31) et totalise 42 heures en scaphandre cumulées sur six sorties spatiales, dont la toute première 100 % féminine.

    Christina Koch. © Nasa
    Christina Koch. © Nasa

    Le spécialiste de mission : Jeremy Hansen, 47 ans.

    C'est le rookie de l'équipe. Artemis II sera son tout premier vol spatial ! Hansen est le membre canadien de l'équipage. L'agence spatiale canadienneagence spatiale canadienne avait décroché une place à bord en échange de ses contributions au programme, notamment comme fournisseur d’un bras robotique CanadArm à la future Gateway. Issu de l'Ontario et titulaire d'une Maîtrise de PhysiquePhysique du Collège militaire royal du Canada, Hansen devient pilote de chasse. Il rejoint le groupe des astronautes de la Nasa en 2009 (les Canadiens peuvent rejoindre le corps américain), en même temps que Reid Wiseman. Il participe à l'expédition souterraine Caves de l'ESAESA en 2013 puis à la mission sous-marine Neemo 19 en 2014.

    Jeremy Hansen. © Nasa
    Jeremy Hansen. © Nasa

    Un équipage adapté à une mission test lunaire

    Pourquoi la Nasa a-t-elle choisi cet équipage-là ? Futura Sciences a posé la question à OlivierOlivier Sanguy, rédacteur en chef de la Cité de l'Espace à Toulouse, qui dispose désormais d'un espace dédié au programme Artemis.

    Futura : Quelle logique a suivi la Nasa pour la sélection ?

    Olivier Sanguy : On veut un équipage soudé. Ce ne sont pas des critères essentiels, mais ça aide, c'est-à-dire que l'on a pris des gens qui ont quelques socles de formation et des repères culturels communs. On a par exemple Christina Koch et Victor Glover qui sont de la même classe d'astronautes (2013), Jeremy Hansen et Reid Wiseman aussi (2009). De plus, Victor Glover et son commandant Reid Wiseman viennent tous deux de la Navy. Il y a aussi l'empreinte de l'administration Jo Biden sur le programme Artemis, initié par Donald Trump qui garantissait qu'il y aura une femme dans la mission Artemis III. Sous Biden, on a rajouté une personne de couleur pour représenter les Afro-Américains. Aujourd'hui, on retrouve les deux dès Artemis II, constituant un équipage qui répond à un mot qui a souvent été cité pendant la cérémonie : « ensemble ».  

    Futura : Plusieurs pilotes d’essai dans l’équipage, c’est un choix logique pour la mission ?

    Olivier Sanguy : Tout à fait car on va totalement dans l'inconnu. Rappelons que ce n'est que le deuxième vol de la capsule Orion, et c'est son premier vol habité. Donc avoir des pilotes d'essai qui sont habitués à avoir entre les mains des engins qui sont encore en phase prototypale, c'est bien sûr le profil qu'il faut. Christina Koch, elle, c'est le profil de l'exploratrice. C'est une personne qui a fait des expéditions dans l'ArctiqueArctique et Antarctique. On a donc un équilibre pour une mission comme ça. 

    « L'exploratrice » Christina Koch pendant sa mission dans l'ISS en 2020. © Nasa
    « L'exploratrice » Christina Koch pendant sa mission dans l'ISS en 2020. © Nasa

    Futura : Jeremy Hansen est un rookie (aucun vol spatial au compteur), c’est une surprise ?

    Olivier Sanguy : J'avoue avoir été un peu surpris. Mais si on remonte à ApolloApollo, il y a eu aussi forcément des rookies, vu que c'était le début du programme spatial. Les trois autres ont déjà fait une mission à bord de la Station spatiale internationaleStation spatiale internationale. Alors c'est vrai qu'autour de la Lune, ça va être court, et sans doute très intense. Ceci dit, Hansen doit avoir les qualités qu'il faut pour faire le voyage. Sa sélection est un peu symbolique car pour un vol ensemble vers la Lune, on intègre donc celui qui n'a pas encore volé.

    Futura : Quel est désormais le programme pour l’équipage ?

    Olivier Sanguy : Là, ils vont entrer dans le dur de l'entraînement, c'est-à-dire répéter les procédures Orion, les connaître par cœur, et surtout connaître toutes les procédures « dégradées ».  Tous les astronautes le disent : 80 % du temps est consacré à quand ça va mal, et 20 % pour le nominal. Ils seront à fond là-dedans car Artemis II est avant tout un vol qui va servir à totalement qualifier la capsule Orion pour les vols habitésvols habités vers la Lune. C'est l'enjeu principal.

    Plan de vol d'Artemis II (datant du 23 janvier 2023). Nasa
    Plan de vol d'Artemis II (datant du 23 janvier 2023). Nasa

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