Étrange paradoxe : alors que c’est en Europe que l’implantation de Néandertal était la plus importante, c’est pourtant dans l’est de l’Asie que l’on retrouve aujourd’hui le plus fort héritage génétique de ce lointain cousin de sapiens. Une nouvelle étude propose une explication intéressante basée sur l’étude des flux migratoires après la disparition de Néandertal.


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    NéandertalNéandertal est arrivé sur le continent eurasiatique bien avant qu'Homo sapiensHomo sapiens ne quitte lui aussi l'Afrique pour migrer vers les terres du nord. Les témoignages de la présence de Néandertal sont effet nombreux à travers l'Europe et l'Asie. C'est cependant dans le sud de l'Europe que l'occupation est la plus importante. Avant de s'éteindre, il y a 40 000 ans environ, Néandertal rencontre Homo sapiens lors de l'arrivée de ce dernier sur le territoire européen. Durant plusieurs milliers d'années, les deux espèces du genre homo vont ainsi coexister et s'hybrider. Depuis le séquençageséquençage du génomegénome de Néandertal à la fin des années 2000, on sait qu'environ 2 % du génome humain actuel est hérité de ce lointain cousin.

    Un héritage génétique plus fort en Asie de l’Est qu’en Europe

    Mais, en y regardant de plus près, cet héritage semble extrêmement variable en fonction des populations eurasiatiques. Et contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce ne sont pas les populations européennes qui possèdent le plus de gènesgènes néandertaliens ! Les populations issues d'Asie de l'Est détiennent en effet entre 8 et 24 % de gènes néandertaliens en plus que les Européens. Un paradoxe intéressant qui n'était jusqu'à présent pas clairement expliqué.

     Étonnamment, il y a chez les populations européenne un plus faible héritage génétique néandertalien que chez les populations d'Asie de l'Est. © Rawf8, Abode Stock
     Étonnamment, il y a chez les populations européenne un plus faible héritage génétique néandertalien que chez les populations d'Asie de l'Est. © Rawf8, Abode Stock

    En effet, il apparait que posséder des gènes néandertaliens n'a présenté ni avantages ni désavantages dans le cadre de la sélection naturellesélection naturelle à laquelle a été soumis Homo sapiens au fil des 40 000 ans d'évolution qui ont suivi son hybridationhybridation avec Néandertal. Cette disparité dans la proportion de gènes hérités ne serait donc pas dû à un processus d'évolution. Si certaines études ont suggéré que l'important héritage néandertalien des populations de l'est de l'Asie pourrait être expliqué par un contact additionnel avec Néandertal, notamment en Inde ou en Iran, cette hypothèse est cependant restée invérifiable.

    Une dilution du génome à la suite de l’arrivée de population du Moyen-Orient

    Une nouvelle étude publiée dans la revue Science Advances propose désormais une tout autre explication qui repose sur l'observation des flux de migrations humaines. Les flux de migration concerneraient d'ailleurs Homo sapiens, et non pas Néandertal. Il y a un peu plus de 40 000 ans, un premier flux d’Homo sapiens arrive ainsi en Europe et rencontre Néandertal. Mais une seconde vaguevague serait arrivée il y a 10 000 ans. Néandertal ayant alors disparu, ce nouveau flux aurait donc entraîné une dilution de l'héritage néandertalien dans le génome d'Homo sapiens. Alors que le premier flux migratoire était en provenance d'Afrique et aurait concerné des populations de chasseurs-cueilleurs, le second flux aurait été originaire du Moyen-Orient et de l'Asie du Sud-Ouest. Une population composée de premiers agriculteurs et ne possédant qu'un très faible héritage génétiquegénétique néandertalien.

    Évolution du taux d'héritage néandertalien en Europe au cours du temps. On voit que la tendance s'inverse après l'arrivée des agriculteurs en provenance du Moyen-Orient il y a 10 000 ans. © Quilodrán et <em>al.</em> 2023, <em>Science Advances</em>
    Évolution du taux d'héritage néandertalien en Europe au cours du temps. On voit que la tendance s'inverse après l'arrivée des agriculteurs en provenance du Moyen-Orient il y a 10 000 ans. © Quilodrán et al. 2023, Science Advances

    Ces résultats reposent sur l'analyse de 4 464 génomes d'Homo sapiens datant de 40 000 ans à nos jours. Ils révèlent que si, au départ, les populations d'Homo sapiens européennes étaient bien celles possédant le plus de traits néandertaliens, la diminution de cet héritage est intervenue au moment de l'arrivée des agriculteurs du Moyen-Orient. L'héritage maximal est alors passé aux populations d'Asie de l'Est, dont le génome n'a subi aucune dilution depuis leur établissement dans cette région éloignée de l'Europe, il y a 60 000 à 70 000 ans.