Une étude indépendante réalisée par des experts du secteur spatial a montré que la solution la plus pragmatique pour réaliser une base lunaire serait de convertir un Starship lunaire de SpaceX ! Les explications d’Alexandra Sokolowski qui a participé à cette étude dans le cadre du groupe de travail « Solutions pour la construction d'une base lunaire » mis en place par l’Université internationale de l'espace (ISU).
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Depuis que les États-Unis ont décidé de retourner sur la Lune et s'y installer durablement, de nombreux projets d’habitats et d’infrastructures lunaires sont à l'étude à travers le monde. L'un d'eux a été réalisé cet été par le groupe de travail « Solutions pour la constructionconstruction d'une base lunaire » mis en place par l'Université internationale de l'espace (International Space University, ISU), à Strasbourg (France). Parrainée par Lockheed Martin et menée indépendamment de SpaceXSpaceX, l'étude sera présentée au Congrès international d'astronautique (IAC 2021) qui se tient à Dubai du 25 au 29 octobre.
Ce groupe de travail a « passé en revue la plupart des concepts d'habitats lunaires connus », nous explique Alexandra Sokolowski, experte du secteur spatial, qui a participé à cette étude dans le cadre de sa formation dans le program Space Studies Program. « Nous sommes arrivés à la conclusion que le moyen le plus rapide, le moins coûteux et le plus simple techniquement pour réaliser un habitat pérenne est d'utiliser la version lunaire du Starship de SpaceX. » Baptisé HLS, cet atterrisseur sera utilisé pour transporter des équipages entre l'orbite lunaire et la surface de la Lune dans le cadre du programme Artemis.
Faire du Starship un habitat lunaire
Plutôt que de construire une infrastructure en dur ou à base de modules apportés depuis la Terre, « qui coûteraient des dizaines de milliards de dollars à installer », le groupe de travail est convaincu que l'on « pourrait adapter le Starship de SpaceX et le transformer en habitat lunaire » ! Avec un volume de 1.000 mètres cubes, le volume interne du Starship lunaire est équivalent à celui de la Station spatialeStation spatiale !
“Nous sommes convaincus que l'on pourrait adapter le Starship de SpaceX et le transformer en habitat lunaire”
Concrètement, l'idée est de « coucher à l'horizontale un Starship et le transformer en base lunaire en utilisant tout son volume interne, notamment les réservoirs de carburant ». Cette idée d'utiliser les réservoirs de carburant pour créer des habitats spacieux et robustes n'est pas nouvelle. Elle a déjà été « appliquée sur SkylabSkylab et proposée pour divers étages de lanceurlanceur dont les réservoirs externes de la navette spatiale ».
Techniquement, la conversion du Starship n'apparaît pas compliquée. S'il sera nécessaire de purger les réservoirs de méthane et d'oxygèneoxygène du Starship et configurer son intérieur pour le rendre habitable, la « principale difficulté sera de l'installer en position horizontale sur une surface plane ». L'équipe en convient, ça ne sera pas une mince affaire. Pour cela, elle a imaginé une solution technique qui repose sur « l'utilisation d'une série de roversrovers, MOdular RObotic Construction Autonomous System (Morocas), dans le but de mettre en place des équipements pour horizontaliser l'atterrisseur sur le côté ». Ils seront également utilisés pour recouvrir le Starship de régolitherégolithe pour le protéger des rayonnements et des températures. Lors de la manœuvre, « qui consistera à coucher le Starship », le « principal risque est que la structure se déforme ». C'est un point à surveiller.
Un site identifié
L'équipe a aussi identifié le site « le plus adapté pour installer cette base lunaire ». Sans surprise, il se situera au pôle Sud, sur le bord du cratère Shackleton aux coordonnées 89,78°S, 155,73°W. Ce site « présente de nombreux avantages dont un fort taux d'ensoleillement de façon à permettre un rendement suffisant des unités de production d'énergieénergie, une faible amplitude thermique et se situe à proximité de zones constamment à l'ombre de la lumièrelumière solaire ». Une condition vitale afin « d'extraire l'eau nécessaire à l'équipage ». Ce site a comme autre intérêt de disposer d'une surface suffisamment grande et plate et « d'offrir une vue permanente sur la Terre ce qui, d'un point de vue psychologique, est un impératif », souligne Alexandra Sokolowski.
Cette étude ne se contente pas de passer en revue seulement les aspects techniques du projet. Elle va plus loin et s'interroge en apportant des solutions sur « la santé mentale et physiquephysique des futurs astronautesastronautes et colons et leur bien-être physique et psychologique ». Elle s'intéresse également aux problèmes spécifiques que poseront la « poussière, les radiations et l'hypogravité ainsi que les pathologiespathologies potentielles auxquelles les astronautes et futurs colons pourront être confrontés ». Enfin, l'étude aborde les « aspects juridiques et politiques que pose la réalisation de cet habitat lunaire, conformément au droit spatial international », tient à préciser Alexandra Sokolowski.
Le coût de ce projet est estimé à « 4 milliards de dollars qui pourraient être financés à hauteur de 3 milliards de dollars par des fonds publics, le restant par des entreprises privées ». Il pourrait être réalisé en « seulement cinq ans au cours de la prochaine décennie ». Par rapport aux autres concepts à l'étude, l'utilisation d'un Starship comme habitat lunaire « apparaît donc comme la solution la plus pragmatique, en matièrematière de coûts, de difficultés techniques et de délais ». Le seul point bloquant identifié n'est pas technique ou financier. « Il s'agit de ne pas réussir à convaincre les agences spatiales concernées et SpaceX à choisir ce concept plutôt qu'un autre ».
Cette future base lunaire « sera habitée en permanence ». Il sera possible de « l'agrandir en ajoutant, à l'extrémité avant du Starship, d'autres modules ».
Scénario envisagé pour convertir le Starship en base lunaire
Ce futur habitat lunaire sera baptisé SS Rosas. Le Starship qui sera utilisé décollera de la Terre sans équipage et rejoindra son site d'atterrissage. Il transportera du fret et l'équipement, dont les rovers Morocas, nécessaires aux astronautes qui seront en charge de son installation et sa mise en service. Un deuxième Starship, baptisé SS 501, le rejoindra plus tard avec à son bord un équipage. Il se posera à une distance de sécurité du SS Rosas, sur un terrain qui ne sera évidemment pas choisi au hasard. Il répondra aux mêmes critères qui ont permis de sélectionner le site où sera installé le Starship. Il devra également être suffisamment proche pour permettre un transport rapide de l'équipage entre les deux sites mais suffisamment éloigné pour éviter tout dommage causé par la poussière et le régolithe soulevés et projetés lors de l'atterrissage.
L'équipage du SS 501 exploitera à distance la flotte de rovers Morocas qui prépareront le terrain pour placer à l'horizontale le Starship SS Rosas. Tous les gros rochers seront enlevés, le terrain sera nivelé et deux bermes seront construites de part et d'autre du Starship afin de l'empêcher de bouger, lorsqu'il sera en position horizontale. Le SS Rosas sera idéalement posé de manière à ce que, lors de sa descente, le sas puisse être utilisé comme plateforme d'observation face à la Terre. La manœuvre pour coucher le Starship sera réalisée avec les astronautes de SS 501 qui la superviseront. Une fois le Starship couché au sol, l'équipage aménagera l'intérieur pour le convertir en habitat lunaire. Concrètement, ils poseront les sols, installeront des mursmurs, les lumières, les salles de bains, les systèmes de survie, la ventilationventilation, les réservoirs d'eau, les lits et tout autre équipement requis pour vivre et travailler en autonomieautonomie et sécurité.