La Planète rouge a par le passé connu une activité volcanique bien plus intense qu’aujourd’hui, et si elle ne semble pas présenter d’activité tectonique, certains scientifiques avancent qu’elle aurait pu en connaître par le passé. Avec leur récente découverte de structures d'origine tectonique dans la région martienne d'Eridiana, des planétologues viennent appuyer cette hypothèse. Les bassins de cette région ont d'ailleurs autrefois abrité un système de lacs, permettant peut-être la formation de systèmes hydrothermaux qui, sur Terre, pourraient avoir favorisé le développement de la vie…


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    Mars est aujourd'hui bien différente de la Terre : l'eau n'y existe qu'à l'état de glace, et son activité géologique semble presque inexistante depuis plusieurs centaines de millions d'années. La Planète rouge a pourtant connu une activité volcanique dans les débuts de son histoire, comme en témoignent ses nombreuses provinces volcaniques dont le renflement de Tharsis, dominé par Olympus Mons, le plus grand édifice volcanique du Système solaire. Pourtant, près de la moitié de sa surface semble n'avoir été façonnée que par des cratères d'impacts depuis plusieurs milliards d'années : Mars ne semble pas connaître, ni avoir connu d'activité tectonique susceptible de renouveler sa croûte.

    Y a-t-il de la vie ailleurs que sur Terre ? Retracez l'épopée des chercheurs en quête de vie extraterrestre, dans Futura dans les Étoiles. © Futura

    Une tectonique des plaques martienne ?

    Sur Terre, l'une des conséquences de la tectonique des plaquestectonique des plaques est le renouvellement de la croûte terrestrecroûte terrestre. Prenons l'exemple de l'océan Atlantique, parcouru du nord au sud par une dorsale : c'est une frontière divergente entre deux plaques tectoniquesplaques tectoniques, c'est-à-dire qu'elles s'éloignent l'une de l'autre, poussées de part et d'autre par la remontée de roches fondues provenant du manteaumanteau. Le phénomène inverse se produit à l'opposé dans les zones de subductionzones de subduction, où une plaque plonge sous une autre vers les profondeurs de la Terre et fond dans le manteau. Ainsi, plus on s'éloigne de la dorsale, plus la croûte est vieille ; elle plonge ensuite dans le manteau avant de remonter à la surface quelques centaines de millions d'années plus tard, produisant un renouvellement continu de la surface terrestre. D'après nos connaissances actuelles, Mars ne connaît quant à elle pas d'activité tectonique ; mais certains planétologues suggèrent que la planète n'a pas toujours été aussi inactive.

    Image du site Futura Sciences

    Âge de la croûte océanique dans l'Atlantique. Plus on s'éloigne de la dorsale, plus la croûte est âgée. © NOAA

    Sa surface présente en effet des structures très particulières, et les scientifiques distinguent généralement trois régions géologiquement distinctes à la surface de Mars : le renflement de Tharsis, un vaste soulèvement volcanique qui recouvre près d'un quart de la surface martienne, les hauts plateaux de l'hémisphère sudhémisphère sud, qui présentent une surface fortement cratérisée et donc très âgée, et les basses plaines de l'hémisphère nordhémisphère nord, avec une surface plus jeune et une altitude moyenne d'élévation de plusieurs kilomètres plus faible que dans l'hémisphère sud. L'origine de cette différence notable d'altitudes, appelée dichotomie martienne, ne fait pas encore consensus parmi la communauté scientifique, mais certains planétologues suggèrent qu'elle pourrait avoir été causée par des processus tectoniques. De précédents travaux ont de plus montré que la croûte martienne présentait certaines anomalies magnétiques, qui sur Terre indiquent une activité tectonique ; d'autres suggéraient que les nombreuses zones de faille, comme le réseau de canyons de Valles Marineris, pouvaient être le signe de divergences tectoniques. En cherchant à percer le mystère de l'histoire tectonique martienne, une équipe de planétologues s'est penchée sur la région du bassin d'Eridiana, situé sur l'hémisphère sud de la planète : en plus de présenter de nombreuses anomaliesanomalies magnétiques, la croûte semble ici moins dense et plus épaisse que dans d'autres régions martiennes.

    Un analogue aux débuts de la tectonique terrestre ?

    En analysant les données morphologiques et minéralogiques relevées par plusieurs sondes observant la région (dont Mars Global Surveyor, Mars Reconnaissance OrbiterMars Reconnaissance Orbiter et Mars OdysseyMars Odyssey), l'équipe de scientifiques a identifié de nombreuses structures volcaniques jusque-là inconnues, dont des dômes volcaniquesdômes volcaniques, des strato-volcansstrato-volcans, des boucliers pyroclastiques et des calderascalderas. Ils présentent leurs résultats dans la revue Nature. Selon eux, ces structures volcaniques sont toutes des vestiges de l'intense activité géologique qu'a connue la région il y a environ quatre milliards d'années... et seraient le signe d'une activité tectonique passée ! Les scientifiques suggèrent en effet que ces structures volcaniques se soient formées lors d'une tectonique verticale, dite sagduction : les mouvements tectoniques y sont essentiellement verticaux et causés par des différences de densité dans la croûte, laquelle s'affaisse ou gonfle par endroits. Les modèles indiquent d'ailleurs que la Terre a connu une activité tectonique similaire il y a environ trois milliards d'années, avant sa transition à une tectonique des plaques, davantage caractérisée par des mouvements horizontaux.

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    Le bassin d'Eridiana, situé sur l'hémisphère sud de Mars, est suspecté d'avoir contenu un lac il y a environ 4 milliards d'années, et a peut-être été le siège de processus hydrothermaux. Cette carte montre les profondeurs d'eau estimées dans cet ancien système de lacs. © Nasa

    En plus de favoriser l'hypothèse d'une ancienne activité tectonique martienne, ces résultats intéressent également les exobiologistes : le bassin d'Eridiana est supposé avoir contenu un ancien lac (ou paléo-lac) atteignant jusqu'à un kilomètre de profondeur. De précédents travaux y avaient déjà montré la présence de dépôts volcaniques vraisemblablement formés en présence d'eau, dont l'existence semble corroborer avec les nombreuses structures volcaniques nouvellement mises au grand jour. Le bassin d'Eridiana pourrait ainsi avoir été le siège de processus hydrothermaux. Certains scénarios concernant l'émergenceémergence de la vie sur Terre suggèrent que les premiers organismes vivants terrestres seraient apparus près de cheminéescheminées hydrothermales... La découverte pourrait donc influencer la chasse aux signes de vie passée sur la Planète rouge, actuellement menée par les rovers CuriosityCuriosity et PerseverancePerseverance.