L’altération chimique des roches silicatées est l’une des étapes clés du cycle du carbone terrestre. En produisant des carbonates, ce processus permet de faire baisser le taux de CO2 atmosphérique et donc de réguler le climat. Une nouvelle étude montre qu’un autre minéral, dont la production est associée à des grandes étapes tectoniques, pourrait jouer également un rôle très important.


au sommaire


    Le lien existant entre climat et certains processus géologiques est désormais bien établi. Les températures globales sont en effet principalement contrôlées par la quantité de gaz carboniquegaz carbonique présente dans l'atmosphère. Or, si l'on oublie un instant les émissionsémissions induites par les activités humaines, les principaux facteurs naturels modulant la quantité de CO2 atmosphérique sont l'activité volcanique, le processus d’altération des silicates et l’enfouissement du carbone organique. Si le premier facteur est un émetteur de CO2, les deux derniers sont capables, à l'inverse, de retirer du carbonecarbone de l'atmosphère en le stockant sur de longues périodes de temps. L'histoire géologique révèle cependant que les flux de carbone, dans un sens comme dans l'autre, n'ont pas été constants au cours du temps. Avec les variations des paramètres orbitaux, c’est à cette variabilité que l’on doit les fluctuations climatiques qu’a connues la Terre.

    Coïncidence temporelle entre tectonique et climat

    Il a en effet été montré que les âges glaciaires sont liés à une augmentation du flux de carbonate vers les océans, résultats de périodes d'altération chimique accrue. Or, il apparaît que les processus d'altération sont favorisés par la mise à l'affleurement de certains types de roches, sous des conditions climatiques humides et chaudes. De précédentes études ont ainsi montré qu'il existait une coïncidence temporelle entre certains événements tectoniques survenus dans les régions tropicales et un refroidissement notable du climat. Ces événements tectoniques, ce sont notamment les épisodes d'obduction, qui se produisent en contexte de collision.

    Lorsque deux continents convergent, l'océan généralement situé entre les deux va se refermer par subduction. Dans les derniers stades de cette fermeture, juste avant la collision continentale, il arrive que des écailles de croûte océanique soient arrachées et accrétées au niveau de l'orogèneorogène en formation. Ces fragments de croûte océanique, constitués de roches mafiques (basaltesbasaltes, gabbrosgabbros) et ultra-mafiques (péridotitespéridotites) vont former ce que l'on appelle des ophiolitesophiolites. Le Chenaillet, dans les Alpes, en est un exemple typique.

    Les ophiolites du Chenaillet représentent les résidus d'une ancienne croûte océanique transportée sur le continent lors de la collision alpine. © Florent Figon, Flickr, CC by-sa 2.0
    Les ophiolites du Chenaillet représentent les résidus d'une ancienne croûte océanique transportée sur le continent lors de la collision alpine. © Florent Figon, Flickr, CC by-sa 2.0

    Des minéraux, pièges à carbone

    L'altération des roches ophiolitiques par les eaux de pluie chargées en CO2 va produire notamment des bicarbonatesbicarbonates, une réaction grande consommatrice de CO2 atmosphérique. Ce bicarbonate va ensuite finir sa course au fond des océans pour former les roches carbonatéesroches carbonatées, participant ainsi à la régulation climatique de la TerreTerre. Une nouvelle étude, publiée dans Nature Geoscience, révèle cependant que cette réaction n'est pas la seule à participer au captage du CO2. L'altération des ophiolites produit également des argilesargiles et notamment de la smectite, un minéralminéral également capable d'influencer le climat, mais d'une manière différente.

    La structure de la smectite (ici vue au microscope électronique) permet de capturer de grandes quantités de carbone organique. © Anthony Priestas, Boston University
    La structure de la smectite (ici vue au microscope électronique) permet de capturer de grandes quantités de carbone organique. © Anthony Priestas, Boston University

    Les smectites produites par l’altération des ophiolites capables d’influencer le climat

    Grâce à des simulations, deux chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology) ont observé que de grandes quantités de smectites étaient produites suite aux épisodes d'obduction. Or, la structure de ces argiles leur permet, une fois arrivées dans le milieu océanique, d'incorporer du carbone d'origine organique issu de la décomposition d'organismes morts. Habituellement, le carbone organique est consommé par certaines bactéries, qui en retour vont produire du CO2 qui va retourner dans l'atmosphère. Il s'agit du cycle organique du carbone. Mais en emprisonnant le carbone organique, les smectites le protègent des bactériesbactéries. Au lieu de retourner rapidement dans l'atmosphère, ce carbone va donc être stocké de manière stable au sein des sédimentssédiments océaniques. Ce processus, lorsqu'il est regardé à l'échelle de plusieurs millions d'années, serait capable d'influencer le climat terrestre.

    Les différents processus impliqués dans le cycle du carbone, avec notamment l'enfouissement dans les fonds océaniques du carbone organique. © R. Dasgupta, <em>Rice University</em>
    Les différents processus impliqués dans le cycle du carbone, avec notamment l'enfouissement dans les fonds océaniques du carbone organique. © R. Dasgupta, Rice University

    L'étude révèle ainsi qu'au cours des 500 derniers millions d'années, chaque événement tectonique majeur impliquant des obductions a entraîné une production de smectites suffisante pour entraîner un refroidissement global du climat. Une relation de cause à effet observable dans les archives géologiques. Il s'agit de la première étude montrant clairement que la tectonique des plaques peut induire des périodes glaciairespériodes glaciaires via la production de smectites.