L’observation de la comète Hale-Bopp, véritable boule de roches et de glaces, a conduit à la découverte en 1997 d’une nouvelle queue reliée à l’émission de la raie D du sodium neutre. Ce résultat a priori surprenant pourrait s’expliquer par un scénario purement chimique. Le sodium, initialement piégé sous forme d’ions Na+ serait transféré dans la glace à la suite du lessivage des roches. Il se transformerait progressivement en atomes neutres lors de l’érosion de la couche de glace par sublimation à l’approche du Soleil.

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    La queue de sodium neutre observée dans les comètes est complètement différente des queues d'ions et de poussières déjà connues. Comment le sodium neutre est-il éjecté du noyau de la comète ou des grains cométaires composés d'une large proportion de glace d’eau alors que l'on sait qu'il n'est pas stable dans l'eau liquide ? Plusieurs mécanismes s'appuyant sur des chocs entre les particules de poussière et la pression de radiation du vent solairevent solaire ont été proposés, mais les observations suggèrent plutôt une désorptiondésorption thermique.

    Une équipe interdisciplinaire conduite par des chercheurs issus du laboratoire de ChimieChimie théorique (CNRS, UPMC) et du laboratoire d'AstrophysiqueAstrophysique de Marseille (CNRS, AMU) vient de proposer un scénario totalement différent basé sur un processus chimique. Partant du sodium piégé sous forme ionique dans les matériaux réfractairesréfractaires au cours de la condensationcondensation de la nébuleusenébuleuse protosolaire, les chercheurs ont suivi le cheminement chimique de l'ion sodium jusqu'à sa transformation en atomeatome neutre au moment de la sublimationsublimation de la glace cométaire.

    La fameuse comète Hale-Bopp était visible à l’œil nu au cours du printemps 1997. Sur cette image composite, elle est représentée à travers trois filtres sélectifs des longueurs d’onde d’émissions des ions de l’eau, du sodium et des poussières. © J. Wilson, J. Baumgardner, M. Mendillo (<em>Boston University</em>)

    La fameuse comète Hale-Bopp était visible à l’œil nu au cours du printemps 1997. Sur cette image composite, elle est représentée à travers trois filtres sélectifs des longueurs d’onde d’émissions des ions de l’eau, du sodium et des poussières. © J. Wilson, J. Baumgardner, M. Mendillo (Boston University)

    Évolution chimique du sodium

    Des calculs d'équilibres thermochimiques montrent que le sodium est d'abord piégé dans les roches au cours du refroidissement de la nébuleuse protosolaire. Dans une seconde étape, les corps parents des comètes, composés initialement d'un conglomératconglomérat de roches et de glaces, subissent une altération significative due à la chaleurchaleur dégagée par la désintégration des éléments radioactifs de courtes périodes. Il s'en suit un lessivage des roches par l'eau ainsi formée avec transfert du sodium dans la phase aqueuse sous forme d'ion Na+. Lorsque la glace s'est reformée, l'ion sodium se retrouve dispersé dans des cages d'eau au sein du système cristallinsystème cristallin. Les calculs de chimie quantique montrent que ce sodium retrouve progressivement une forme neutre au fur et à mesure que la sublimation des couches supérieures de la glace le rapproche de la surface. À la fin du processus, la couche superficielle est vaporisée, emportant avec elle le sodium sous forme neutre.

    Ce scénario est le fruit d'un travail concerté entre équipes des deux instituts du CNRS (INSU et INC) et synchronisé avec la mission spatiale RosettaRosetta/Philae sur la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko. Leurs recherches ont été publiées dans l'édition du 12 mars 2015 de The Astrophysical Journal Letters.