au sommaire
- Ici, le mois thématique sur la quête de la vie dans l'univers
John P. Grotzinger n'est pas n'importe qui. Ce géologuegéologue du célèbre California Institute of Technology où enseignait le légendaire Richard Feynman est l'un des principaux chefs d'orchestre de la mission Mars Science LaboratoryMars Science Laboratory (MSL)). Aussi, quand il déclare, même de façon non officielle (à la radio américaine NPR), qu'un des instruments équipant le rover Curiosity semble avoir fourni des données « de nature à entrer dans les livres d'histoire », on ne peut que le prendre au sérieux.
Un autoportrait de la mission MSL avec une photo du rover Curiosity sur Mars. C’est de loin le rover le plus grand et le plus ambitieux de toutes les missions qui ont foulé Mars. © Nasa
Sam, l'instrument à la recherche d'une chimie organique
Il s'agirait de résultats d'analyses d'échantillons du sol martien réalisées à l'aide de Sam (Sample Analysis at Mars). C'est une expérience composée de trois instruments, à savoir un spectromètre de masse développé par le Goddard Space Flight CenterGoddard Space Flight Center de la Nasa, un chromatographe en phase gazeuse développé par le Laboratoire sur les atmosphèresatmosphères, milieux et observations spatiales (Latmos) et le Laboratoire interuniversitaire des systèmes atmosphériques (Lisa) à Paris, et le spectroscopespectroscope laser accordable (TLSTLS) développé par le JPL (Jet Propulsion LaboratoryJet Propulsion Laboratory) de la Nasa.
Plusieurs des objectifs scientifiques de l'expérience Sam concernent la recherche d'indices de vie ou de chimiechimie prébiotiqueprébiotique à la surface de Mars, on comprend aisément pourquoi la déclaration de John Grotzinger est en train de se répandre à toute vitessevitesse sur le Web.
Elle pourrait signifier que la Nasa a bel et bien découvert des traces de l'existence de la vie sur Mars mais qu'elle attend encore d'avoir réalisé d'ultimes vérifications avant de faire une déclaration officielle.
Le 1er août 1976, l’émotion est à son comble : l’atterrisseur Viking 1, qui s’était posé sur Mars le 20 juillet, a effectué des analyses chimiques et repéré des dégagements gazeux. La preuve d’une vie microbienne ? Peut-être, annonce la Nasa. Sur TF1, le présentateur Jean-Claude Bourret donne la parole à Michel Chevalet, qui explique la saga des hypothèses sur la vie martienne. Les analyses de Viking 1 ne sont pas terminées, « il faudra attendre mercredi », conclut-il (on était alors un dimanche). Les expériences suivantes ne viendront pas confirmer cette activité biologique. © Ina
On ne peut s'empêcher de penser à des rumeurs similaires sur la possible annonce imminente de la découverte d'une vie sur Mars dans la seconde moitié des années 1970. Les instruments des sondes Viking, qui avaient touché le sol martien en 1976, montraient des signes de ce qui semblait de prime abord être de l'activité biologique dans les échantillons de sol martien analysés.
Il n'en était rien, même si la polémique qui a suivi ne s'est toujours pas complètement éteinte.
Depuis les missions Viking jusqu'aux futures missions ExoMars en passant par la recherche des exoplanètes, l'exobiologie ne cesse de progresser depuis plus de 30 ans. Mars reste encore le meilleur endroit pour découvrir de la vie ailleurs et comprendre comment elle est apparue sur Terre. © Cnes
Réponse début décembre ?
Devant cette annonce qui n'en est pas vraiment une, la prudence s'impose clairement...
Quoi qu'il en soit, on ne devrait pas tarder à en savoir plus car John Grotzinger aurait déclaré qu'il y aurait une communication officielle au sujet des mesures réalisées avec Sam lors du prochain colloque de l'American Geophysical Union, du 3 au 7 décembre 2012 à San Francisco.
Néanmoins, il ne faut pas s'attendre à des miracles, comme vient de le préciser la Société française d'exobiologieexobiologie (SFE) sur sa page FacebookFacebook, où l'on peut lire la mise au point suivante.
- Curiosity n'est pas en mesure de détecter de la vie, donc on ne va pas nous annoncer la découverte de petits Martiens.
- L'instrument Sam en question peut en revanche détecter de la matièrematière organique, c'est-à-dire des moléculesmolécules contenant du carbonecarbone, de l'hydrogènehydrogène, et éventuellement d'autres éléments. Toutefois, même si les organismes vivants en sont composés, il peut exister des molécules organiques en dehors de toute forme de vie.
- Trouver de la matière organique serait en effet une découverte historique, on en cherche depuis 40 ans à la surface de Mars.
- Mais ce ne serait qu'une étape de l'exploration martienne et de la recherche de vie (passée ou présente) à sa surface qui requiert d'autres missions et probablement même un retour d'échantillons.
- Donc patience...
Cette mise au point vient d'être complétée par des déclarations encore plus explicites sur la page même de la SFE et provenant de Patrice Coll (LisaLisa) et Michel Cabane (Latmos), des membres importants de l'équipe française impliquée dans Sam :
« Contrairement à ce que l'on peut lire dans certains médias, Sam ne peut pas trouver d'organisme vivant, puisque ce laboratoire analytique a pour mission de définir la composition chimique des échantillons qu'il analyse, que ce soient des échantillons de sol ou d'atmosphère. Bien évidemment si Sam détecte ou identifie des composés organiques, il conviendra d'essayer de répondre à la question de leur(s) origine(s), et dans ce cas ce ne sera pas à Sam seul de répondre à cette question mais à l'ensemble des instruments de MSL qui en croisant leurs résultats permettront de mieux comprendre cette origine, qu'elle soit biologique ou autre... En résumé l'investigation de Mars avec Sam commence à peine ».