Certains modèles de matière noire postulent l’existence de particules très lourdes et qui traverseraient la matière en étant indiscernables des neutrinos du Big Bang dans des détecteurs sur Terre. Mais ces particules pourraient transformer des étoiles à neutrons en trous noirs de masses anormalement faibles, comme ceux que l’on détecte peut-être avec des ondes gravitationnelles.


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    Rétrospectivement, on peut dire que l'idée de matière noirematière noire -- on parlait alors de masse manquante ou de masse cachée -- est apparue dans la Noosphère il y a presque un siècle avec les travaux de l'astronomeastronome suisse Zwicky. En étudiant les mouvements des galaxies situées au sein de l'amas de galaxies ComaComa, dans la constellation de la Chevelure de Bérénice, il s'était rendu compte que l'amas ne semblait montrer aucune trace de dissipation en cours malgré les vitessesvitesses très élevées des galaxies. Et pourtant, la masse déduite de la luminositéluminosité des étoilesétoiles de ces galaxies indiquaient qu'il ne semblait pas y en avoir assez pour que la gravitationgravitation puisse s'opposer à l'évaporation des amas conçus comme une sorte de gazgaz chaud de galaxies auto-gravitant.

    Il fallait postuler l'existence des masses cachées n'émettant pas de lumièrelumière, une hypothèse que l'on reprendra à la suite des travaux de Vera Rubin sur la vitesse des étoiles et des gaz, cette fois-ci au niveau des galaxies, et qui prendra le nom de matière noire.

    La chasse à ces masses cachées a véritablement décollé il y a une trentaine d'années, au moment d'ailleurs où plusieurs théories proposées pour aller au-delà de la physiquephysique connue du modèle standardmodèle standard de la physique des hautes énergiesénergies prédisaient naturellement l'existence de particules de matière noire. Le zoo de ces particules (particules millichargées, matière noire « floue » etc...) n'a fait que s'étendre depuis lors au fur et à mesure que les tentatives de détection en les produisant en accélérateur ou en explorant des anomalies dans le rayonnement cosmiques ont fait chou blanc.

    Des détecteurs géants enterrés sous des montagnes pour filtrer le rayonnement cosmique ordinaire ont été aussi jusqu'à présent des échecs comme par exemple avec  XENON1T. Pour couronner le tout, une alternative aux particules de matière noire prend au contraire de plus en plus de poids, la théorie Mond qui propose, elle, de modifier les lois de dynamique céleste de NewtonNewton et donc in fine la théorie de la gravitation d'EinsteinEinstein.

    Les chasseurs de particules de matière noire n'ont pas dit leur dernier mot comme vient de le prouver une équipe de physiciensphysiciens théoriciens de l'Institut Tata de recherche fondamentale de Mumbai (Inde), de l'Institut indien des sciences de Bengaluru et de l'Université de Californie à Berkeley qui a étudié une nouvelle méthode pour débusquer et identifier la matière noire dans un article paru dans Physical Review Letters et accessible sur arXiv.

    Le schéma explicatif de la méthode proposée pour déduire des sources d'ondes gravitationnelles des contraintes sur de possibles théories de la matière noire. © Basudeb Dasgupta
    Le schéma explicatif de la méthode proposée pour déduire des sources d'ondes gravitationnelles des contraintes sur de possibles théories de la matière noire. © Basudeb Dasgupta

    Des particules un milliard de fois plus massives qu'un proton

    La méthode, déjà en partie exposée dans un précédent article de Futura, ne s'applique qu'à certains modèles de matière noire toutefois, il doit s'agir de particules très massives (de 1 à 1000 PeV environ soit jusqu'à un milliard de fois la masse d'un protonproton) et qui ne peuvent pas s'auto-annihiler. L'idée centrale suppose que ces particules peuvent s'accumuler au cours des milliards d'années dans le cœur des étoiles à neutronsétoiles à neutrons.

    Il arriverait alors un moment où la densité atteinte provoque l'effondrementeffondrement de l'accumulation de particules de matière noire en un mini trou noir, mini trou noir qui va ensuite avaler toute l'étoile à neutrons en la transformant en trou noir. Or on sait depuis les travaux d'Oppenheimer (inspiré par les idées du mythique physicien russe Lev Landau) et son étudiant en thèse Georges Volkoff) qu'il doit exister un masse limite pour la stabilité d'une étoile à neutrons.

    Les calculs modernes font état d'une limite dite de Tolman-Oppenheimer-Volkoff d'environ 2,5 fois la masse du SoleilSoleil. De fait, on ne connait pas d'étoiles à neutrons plus lourdes. Il en découle que la grande majorité des trous noirs stellairestrous noirs stellaires formés par l'effondrement d'une étoile explosant en supernovasupernova ne doivent pas avoir une masse inférieur à cette limite.

    Pourtant, la détection de deux sources d'ondes gravitationnellesondes gravitationnelles particulières par LigoLigo et VirgoVirgo, GW190814 et GW190425, suggèrent qu'elles sont le produit de collisions de trous noirs dont au moins un pouvait avoir une masse inférieure à la limite de Tolman-Oppenheimer-Volkoff.

    Des trous noirs primordiaux ou des étoiles à neutrons transmutées en trous noirs ?

    Il pourrait s’agir d’exemples des trous noirs primordiaux postulés il y a plus de 50 ans par Hawking et Zeldovich, des trous noirs formés pendant le Big BangBig Bang par des fluctuations de densité dans le plasma très primitif. Mais il pourrait s'agir précisément aussi de trous noirs binairesbinaires qui se seraient formés avec au moins une composante issue de la transformation d'une étoile à neutrons proposée par les astrophysiciensastrophysiciens.

    Plus généralement, l'existence d'une population de trous noirs de faibles masses, trahie par des ondes gravitationnelles accessibles par les détecteurs existant déjà comme Kagra mais aussi dans un futur proche par Ligo India, Cosmic Explorer et le télescope Einstein, pourrait servir à tester l'hypothèse de la catalysecatalyse de la transformation des étoiles à neutrons en trous noirs par la matière noire. Plus précisément, cela poserait des bornes sur les masses des particules de matière noire dans certaines théories ainsi que sur leur capacité à interagir, bien que très faiblement, autrement que par la gravitation avec la matière ordinaire.

    En fait, certains détecteurs de matière noire ne pourraient pas faire la différence entre la mesure du fond de neutrinos cosmique et certaines des particules de matière noire théorisées, mais par chance, précisément celles qui le pourraient, transforment les étoiles à neutrons. Aussi, les chercheurs concluent-ils que « les détecteurs d'ondes gravitationnelles, qui se sont déjà révélés utiles pour la détection directe des trous noirs et des ondes gravitationnelles prédites par Einstein, pourraient également devenir un outil puissant pour tester les théories de la matière noire ».