La matière noire reste encore un ingrédient essentiel de notre description de la cosmologie, même si une alternative est crédible. On vient peut-être de préciser la nature des particules qui la composent grâce à l'effet de lentille gravitationnelle manifesté par un des anneaux d'Einstein connus.


au sommaire


    Rossana Ruggeri est une cosmologiste travaillant sur l'énergie noire mais visiblement aussi intéressée par la problématique de la matière noirematière noire comme on peut s'en convaincre avec un article qu'elle a publié dans The Conversation et dont nous nous inspirons. La chercheuse en poste en Australie, plus précisément à l'Université du Queensland, y fait des commentaires sur une découverte surprenante réalisée par Alfred Amruth et ses collègues astrophysiciensastrophysiciens. Le chercheur de l'Université de Hong Kong fait état des résultats des travaux qu'il a menés dans une publication du célèbre journal Nature Astronomy, publication dont une première version est en accès libre sur arXiv.

    Il s'agit de la mise en évidence d'un curieux comportement de la matière noire qui semble se manifester quand on l'étudie avec l'effet de lentille gravitationnelle. Rappelons que la matière noire est recherchée pour expliquer plusieurs phénomènes, dont la naissance rapide des galaxies et certaines caractéristiques du rayonnement fossile, en postulant l'existence de nouvelles particules encore jamais vues dans des détecteurs et  qui dominent le monde des galaxies par leur gravitation. Elles se comportent comme si elles étaient des distributions de matière plus importantes que la matière des étoilesétoiles mais ne rayonnant pas ou quasiment pas.


    Dans le vide, la lumière se déplace habituellement en ligne droite. Mais dans un espace déformé par un corps céleste massif, comme une galaxie, cette trajectoire est déviée ! Ainsi, une source lumineuse située en arrière d’une galaxie a une position apparente différente de sa position réelle : c’est le phénomène de mirage gravitationnel. Cette vidéo est originaire du webdocumentaire « L’Odyssée de la Lumière » et a été intégrée au webdocumentaire « Embarquez avec la Matière Noire ». © CEA, Animea

    La matière noire, des Wimps ou des axions ?

    L'effet de lentille gravitationnelle quant à lui avait été prédit en particulier par EinsteinEinstein dans les années 1930, bien qu'il pensait qu'il serait à tout jamais trop faible pour être observable. Il permet de détecter des massesmasses de matière non rayonnante et d'en mesurer la quantité du fait que cette matière dévie les rayons lumineux comme le ferait précisément une lentille.

    Il se trouve qu'il existe en gros deux classes de théorie qui sont dominantes dans le vaste zoo des théories proposées pour rendre compte de l'existence des particules de matière noire (certains préfèrent modifier les lois de la gravitation dans le cadre de Mond). Pendant longtemps, c'est la classe des particules appelées des Wimps pour Weakly interacting massive particles, c'est-à-dire des particules massives interagissant faiblement avec les autres particules qui étaient favorisées. Mais depuis quelques années, ce sont des particules bien plus légères, que l'on appelle généralement des axions, qui sont de plus en plus considérées par les astrophysiciens des particules.

    Il existe plusieurs stratégies pour départager ces deux classes de théorie et l'une d'elles fait intervenir justement des lentilles gravitationnelles pour détecter et caractériser les distributions de matière noire. On devrait pouvoir mettre en évidence des sortes d'effets d'interférenceinterférence ondulatoires dans ces distributions si la matière noire est formée de certains types d'axionsaxions.

    Chacun de ces instantanés du télescope spatial Hubble révèle quatre images déformées d'un quasar d'arrière-plan et de sa galaxie hôte entourant le noyau central d'une galaxie massive de premier plan. La gravité de la galaxie massive de premier plan agit comme une loupe en déformant la lumière du quasar dans un effet appelé lentille gravitationnelle. Les quasars sont des lampadaires cosmiques extrêmement éloignés produits par des trous noirs actifs. De telles images quadruples de quasars sont rares en raison de l'alignement presque exact nécessaire entre la galaxie de premier plan et le quasar d'arrière-plan. © Nasa, ESA, A. Nierenberg (JPL) et T. Treu (Ucla)
    Chacun de ces instantanés du télescope spatial Hubble révèle quatre images déformées d'un quasar d'arrière-plan et de sa galaxie hôte entourant le noyau central d'une galaxie massive de premier plan. La gravité de la galaxie massive de premier plan agit comme une loupe en déformant la lumière du quasar dans un effet appelé lentille gravitationnelle. Les quasars sont des lampadaires cosmiques extrêmement éloignés produits par des trous noirs actifs. De telles images quadruples de quasars sont rares en raison de l'alignement presque exact nécessaire entre la galaxie de premier plan et le quasar d'arrière-plan. © Nasa, ESA, A. Nierenberg (JPL) et T. Treu (Ucla)

    Ainsi, Amruth et ses collègues se sont appuyés dans ce but sur des effets de lentilles produisant des déformations d'images lumineuses en forme d'anneaux, les célèbres anneaux d’Einstein comme celui du « ferfer à cheval cosmique », le Cosmic Horseshoe, le surnom donné à un système à lentille gravitationnelle de deux galaxies dans la constellation du Lionconstellation du Lion.

    L'un de ces anneaux, HS 0810+2554 que l'on peut voir sur les images de HubbleHubble ci-dessus, s'est révélé particulièrement intéressant. Ils ont découvert que les caractéristiques de l'anneau se modélisaient très bien en supposant que la matière noire était faite d'axions et pas de WimpsWimps. Mais il reste encore du travail pour confirmer cette hypothèse.


    Pierre Brun est physicien des particules à l’Irfu et travaille à la frontière entre la physique des particules et la cosmologie. Il s’intéresse à une théorie qui postule l’existence d’une particule dénommée « axion », qui résoudrait certains problèmes liés à la violation de symétrie dans les lois de la physique de l’interaction forte. Neutre et léger, et interagissant très faiblement avec la matière, l'axion a toutes les caractéristiques pour être une particule de matière noire. © CEA Sciences