Il existe encore des énigmes en ce qui concerne la façon dont les trous noirs supermassifs au cœur des grandes galaxies croissent en avalant de la matière sous forme de courants de gaz et de plasma. Alma et ses radiotélescopes viennent de faire un zoom spectaculaire sur le disque d'accrétion d'un de ces trous noirs géants, montrant l'équivalent d'une fontaine recyclant son eau.


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    Les trous noirs fascinent les physiciensphysiciens théoriciens parce qu'ils sont probablement pour une théorie de la gravitation quantique, et sans doute aussi pour une théorie unifiée de matière et des forces ce que l'atome d'hydrogène et l'étude du rayonnement thermique à l'équilibre d'un corps noir ont été pour la découverte de la mécanique quantiquemécanique quantique.

    Les trous noirs suggèrent une théorie holographique de la réalité et un rôle profond et mystérieux de l'information quantique à la racine du réel.

    Pour les astrophysiciensastrophysiciens, c'est autre chose et surtout en ce qui concerne les trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs. On le trouve dans toutes les grandes galaxiesgalaxies semblerait-il et il existe une relation entre leurs massesmasses et celles des galaxies hôtes, ce qui suggère des processus de croissance conjoints. Donc, pour comprendre comment les galaxies évoluent, il faut comprendre comment les trous noirs supermassifs évoluent aussi.

    Clairement, dans les deux cas, il y a des processus d’accrétion de matière et on cherche donc à mieux comprendre comment elle se fait avec des trous noirs supermassifs. On sait de plus que ces trous noirs peuvent donner lieu à des noyaux actifs de galaxiesnoyaux actifs de galaxies qui émettent du rayonnement, par exemple en devenant des quasars, ainsi que des ventsvents de matière qui affectent les galaxies où ces astresastres compacts - pouvant contenir au moins un million de masses solaires - se trouvent.


    Jean-Pierre Luminet, directeur de recherche au CNRS, et Françoise Combes, professeur au Collège de France, nous parlent des trous noirs, notamment des grands trous noirs supermassifs des galaxies qui sont derrière les quasars et qui impactent l'évolution des galaxies. © Fondation Hugot du Collège de France

    Une galaxie active proche découverte en 1975

    Alma vient de faire un zoom spectaculaire sur un noyau de galaxie actif, comme l'explique un article publié dans Science et dont on peut trouver une version en accès libre sur arXiv. Le réseau de radiotélescopesradiotélescopes de l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (Alma) a en effet été utilisé pour percer les secrets d'une galaxie bien particulière, il s'agit de la galaxie du Compas, observable en direction de la constellationconstellation éponyme avec un simple télescopetélescope comme les eVscopes d’Unistellar.

    Étonnamment, malgré sa proximité à la Voie lactéeVoie lactée, environ 13 millions d'années-lumièreannées-lumière, la galaxie du Compas n'a été découverte qu'en 1975 alors qu'il s'agit en plus d'une galaxie de Seyfertgalaxie de Seyfert de type II, donc une galaxie spiralegalaxie spirale avec un noyau particulièrement brillant et compact (elles ont été nommées d'après l'astronomeastronome états-unien Carl Seyfert, qui a étudié ces objets au cours des années 1940). La raison en est que cette galaxie s'observe à seulement 4 degrés sous le plan galactique, ce qui la rendait difficile à découvrir, étant presque occultée par la Voie lactée.

    L'équipe internationale de chercheurs, menée par l'astronome japonais Takuma Izumi du National Astronomical Observatory of Japan (NAOJ), a obtenu des images avec une résolutionrésolution de l'ordre d'une année-lumière du centre de la galaxie du Compas, mettant en évidence des flux de gazgaz dans des phases différentes, c'est-à-dire à l'état de moléculesmolécules, d'atomes neutres individuels mais aussi d'un quatrième état de la matièreétat de la matière qu'est le plasma, un mélange d'ionsions et d'électronsélectrons.

    Sur cette image dans le domaine radio en fausses couleurs prise avec Alma, les distributions du monoxyde de carbone (CO), du carbone atomique (C), du cyanure d'hydrogène (HCN) et la ligne de recombinaison de l'hydrogène (H<sub>36α</sub> ; reflétant la présence de gaz ionisé) sont représentées respectivement en rouge, bleu, vert et rose. On voit le noyau galactique actif au centre. La taille du disque central de gaz dense (vert) est d'environ six années-lumière (voir l'encadré pour la vue zoomée). Le flux de plasma se déplace presque perpendiculairement au disque dense central. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO), T. Izumi et al.
    Sur cette image dans le domaine radio en fausses couleurs prise avec Alma, les distributions du monoxyde de carbone (CO), du carbone atomique (C), du cyanure d'hydrogène (HCN) et la ligne de recombinaison de l'hydrogène (H36α ; reflétant la présence de gaz ionisé) sont représentées respectivement en rouge, bleu, vert et rose. On voit le noyau galactique actif au centre. La taille du disque central de gaz dense (vert) est d'environ six années-lumière (voir l'encadré pour la vue zoomée). Le flux de plasma se déplace presque perpendiculairement au disque dense central. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO), T. Izumi et al.

    Un flux de matière recyclée autour d'un trou noir

    Basiquement, le modèle le plus simple de l'accrétionaccrétion de matière autour d'un trou noir supermassif (sans entrer dans les détails avec un possible tore de poussières) fait intervenir la formation d'un disque de matière tombant en spirale vers l'horizon des événementshorizon des événements du trou noir.

    Les spires de matière frottent entre elles en raison de la viscositéviscosité du gaz, ce qui dégage de la chaleurchaleur et donc du rayonnement avant d'atteindre la distance où les orbitesorbites stables n'existent plus et où la matière doit nécessairement tomber dans le trou noir.

    On se faisait une idée du taux d'absorptionabsorption de matière par les trous noirs supermassifs pour assurer leur croissance, mais au moins dans le cas du trou noir central de la galaxie du Compas on a découvert, grâce au pouvoir de grossissement et de résolution d'Alma, que le flux de gaz tombant à travers le disque était 30 fois plus élevé.

    Une illustration de la distribution du milieu interstellaire autour du noyau galactique actif, basée sur les résultats des observations d'Alma. Un gaz moléculaire à haute densité s'écoule de la galaxie vers le trou noir supermassif au centre, le long du plan du disque d'accrétion chauffé entourant le trou noir. La matière accumulée autour du trou noir génère une énorme quantité d’énergie, provoquant la destruction du gaz moléculaire et sa transformation en phase atomique et même en plasma. La plupart de ces gaz sont expulsés dans la direction au-dessus du disque d'accrétion. Néanmoins, la plupart de ces flux retomberont sur le disque, agissant comme une fontaine. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO), T. Izumi et al.
    Une illustration de la distribution du milieu interstellaire autour du noyau galactique actif, basée sur les résultats des observations d'Alma. Un gaz moléculaire à haute densité s'écoule de la galaxie vers le trou noir supermassif au centre, le long du plan du disque d'accrétion chauffé entourant le trou noir. La matière accumulée autour du trou noir génère une énorme quantité d’énergie, provoquant la destruction du gaz moléculaire et sa transformation en phase atomique et même en plasma. La plupart de ces gaz sont expulsés dans la direction au-dessus du disque d'accrétion. Néanmoins, la plupart de ces flux retomberont sur le disque, agissant comme une fontaine. © Alma (ESO/NAOJ/NRAO), T. Izumi et al.

    L'ensemble des observations et des mesures dans ce cas précis montre que la majorité du gaz est éjectée par l'activité d'accrétion et de rayonnement du trou noir à la perpendiculaire de son disque d'accrétiondisque d'accrétion. Mais la gravitégravité étant forte, les courants de matière retombent sur le disque bouclant un cycle. La matière est donc recyclée plusieurs fois par ce processus de fontaine cosmique avant de tomber finalement dans le trou noir.

    Pour Takuma Izumi : « Détecter les flux d'accrétion dans une région située à seulement quelques années-lumière autour du trou noir supermassif en croissance active, en particulier dans un gaz multiphasique, et même déchiffrer le mécanisme d'accrétion lui-même, sont des réalisations monumentales dans l'histoire des recherches sur les phénomènes liés aux trous noirs supermassifs. Pour comprendre globalement la croissance des trous noirs supermassifs au cours de l'histoire cosmique, nous devons étudier différents types de trous noirs supermassifs situés plus loin. Cela nécessite des observations à haute résolution et haute sensibilité, et nous avons de grandes attentes quant à l'utilisation ultérieure d'Alma et des grands interféromètresinterféromètres radio de la prochaine génération. ».