Les champs magnétiques galactiques sont mystérieux et contiennent peut-être des secrets sur l'origine de l'Univers. On vient d'en découvrir pour la première fois entre des amas de galaxies. Ils sont trahis par les émissions radio d'électrons à grandes vitesses se déplaçant dans ces champs.


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    Nous avons largement résolu le mystère de l'origine du champ magnétique de la Terre. Nous pensons que l'explication fournie, la fameuse théorie de la dynamo auto-excitatrice reproduite en laboratoire avec l'expérience VKS, est aussi dans les grandes lignes la même que celle du champ magnétique du Soleil et des géantes gazeuses, comme JupiterJupiter et SaturneSaturne.

    Les choses sont nettement moins claires en ce qui concerne l'origine des champs magnétiques dans les galaxies et encore plus lorsqu'il s'agit de rendre compte des champs magnétiques entre les galaxies ou encore ceux détectés dans les amas de galaxiesamas de galaxies. Pire, si l'existence de champs dans les galaxies est assez bien établie, les autres cas cités sont moins solidessolides et plus énigmatiques.

    La question de leur(s) origine(s) est d'importance car les réponses données pourraient être bavardes sur ce qui s'est passé, non seulement au début du Big Bang mais aussi avant... Rappelons que dès 1958, l'astrophysicienastrophysicien et cosmologiste Fred Hoyle avait postulé une origine cosmologique pour ces champs magnétiques galactiques et intergalactiques qui seraient donc initialement primordiaux. Les spécialistes de la cosmologiecosmologie relativiste de l'époque ne tardèrent pas à explorer des solutions des équationséquations d'EinsteinEinstein avec un champ magnétique présent partout dans l'UniversUnivers. Une fois la théorie du Big BangBig Bang devenue fortement accréditée par la découverte du rayonnement fossile en 1965, des chercheurs comme Edward R. Harrison et Yakov Zel'dovich ont essayé de relier l'apparition des champs magnétiques à l'échelle cosmologique (postulée par Hoyle) à des processus turbulents dans le plasma primordial, avant la recombinaisonrecombinaison. Cela semblait naturel à l'époque, d'autant plus que la forme en spirale des galaxies pouvait s'interpréter comme des vestiges de tourbillonstourbillons dans ce plasma.


    Une présentation de la découverte du pont magnétique entre deux amas de galaxies. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en italien devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Inaf, YouTube

    Des difficultés ne tardèrent pas à apparaître avec ces idées dont certaines ont été abandonnées. Mais le sujet de recherche est toujours actif et l'on ne peut donc qu'être intéressé par une publication récente dans le journal Science d'un article provenant d'une équipe internationale d'astrophysiciens, menée par Federica Govoni de l'Institut national d'astrophysiqueastrophysique (Inaf) de Cagliari, et comportant des membres de différents instituts européens (en Italie, aux Pays-Bas, en Allemagne, en France, en Suisse, en Suède et en Angleterre), dont l'Observatoire de la Côte d'Azur (OCA) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

    Une « aurore » cosmique

    Les cosmologistes annoncent donc que, pour la première fois, il a été possible de détecter une sorte de pont magnétique entre deux amas de galaxies distants d'une dizaine de millions d'années-lumièreannées-lumière et que nous voyons alors qu'ils commençaient à entrer en collision il y a environ un milliard d'années. Il s'agit des amas galactiques qui portent les noms d'Abell 0399 et Abell 0401 dans le fameux catalogue des riches amas de galaxies, initié au cours des années 1950 par l'astronomeastronome George Ogden Abell.

    La présence de champs magnétiques y a été établie indirectement, en l'occurrence par la détection d'émissionsémissions radio dans une bande de basses fréquencesfréquences radio bien particulière (10 - 240 MHz) observée par le réseau de radiotélescopesradiotélescopes Lofar (LOw-Frequency ARray), principalement localisé en Hollande. On peut montrer que ces émissions sont la manifestation du rayonnement synchrotronrayonnement synchrotron produit pas des électronsélectrons très rapides, plongés dans un champ magnétique et évoluant en spirale autour des lignes de ce champ.

    Image composite du couple d'amas de galaxies, Abell 0399 et Abell 0401. Le système se situe à environ 1 milliard d'années-lumière de la Terre, tandis que les deux amas de galaxies sont séparés d'environ 10 millions d'années-lumière. Un plasma à haute température qui émet dans les rayons X (tons rouges) occupe l’espace entre les galaxies dans les parties centrales des deux amas. De plus, les observations dans les micro-ondes montrent un filament ténu de matière reliant les deux groupes (tons jaunes). L'image radio basse-fréquence (tons bleus) révèle plusieurs sources discrètes brillantes associées à des galaxies individuelles et deux halos radio diffus au centre des deux amas de galaxies. Le long du filament reliant Abell 0399 et Abell 0401, l’émission radio révèle la présence d’un vaste champ magnétique illuminé par une population d’électrons de haute énergie. © DSS et Pan-STARRS1 (optique), XMM-Newton (rayons X), satellite Planck (paramètre y), F. Govoni et al. 2019, Science (radio). Image de M. Murgia, Inaf
    Image composite du couple d'amas de galaxies, Abell 0399 et Abell 0401. Le système se situe à environ 1 milliard d'années-lumière de la Terre, tandis que les deux amas de galaxies sont séparés d'environ 10 millions d'années-lumière. Un plasma à haute température qui émet dans les rayons X (tons rouges) occupe l’espace entre les galaxies dans les parties centrales des deux amas. De plus, les observations dans les micro-ondes montrent un filament ténu de matière reliant les deux groupes (tons jaunes). L'image radio basse-fréquence (tons bleus) révèle plusieurs sources discrètes brillantes associées à des galaxies individuelles et deux halos radio diffus au centre des deux amas de galaxies. Le long du filament reliant Abell 0399 et Abell 0401, l’émission radio révèle la présence d’un vaste champ magnétique illuminé par une population d’électrons de haute énergie. © DSS et Pan-STARRS1 (optique), XMM-Newton (rayons X), satellite Planck (paramètre y), F. Govoni et al. 2019, Science (radio). Image de M. Murgia, Inaf

    Cette découverte ne doit en fait rien au hasard, comme l'explique Federica Govoni dans un communiqué de presse de l'Observatoire de la Côte d'Azur : « Il y a quelques années, notre groupe a découvert que les deux amas hébergent un halo d'émission radio. Plus récemment, le satellite Planck a montré que les deux systèmes sont reliés par un filament ténu de matièrematière. La présence de ce filament a stimulé notre curiosité et nous a amenés à essayer de comprendre si le champ magnétique pouvait s'étendre au-delà des régions centrales des amas, se répandant ainsi dans le filament de matière qui les relie. Avec une grande satisfaction, l'image obtenue avec le radiotélescope Lofar confirme notre intuition et révèle ce que l'on peut définir comme une "aurore" sur des échelles cosmiques ».

    Sa collègue Annalisa Bonafede, professeure à l'université de Bologne, ajoute dans ce communiqué « Explorer l'existence de tels champs magnétiques et connaître leur intensité et leur structure sont des questions cruciales pour l'étude de l'origine et de l'évolution des structures à grande échelle dans l'Univers. En comparant les observations radio et les simulations numériquessimulations numériques, nous estimons que l'intensité du champ magnétique dans le filament qui relie Abell 0399 et Abell 0401 est de l'ordre de centaines de nanoGauss » (sur Terre, le champ magnétique varie entre 0,25-0,60 gauss).

    Rappelons en effet que les amas de galaxies se sont rassemblés en filaments dont on a de bonnes raisons de penser qu'ils sont le produit de l'effondrementeffondrement rapide de la matière noire juste après le Big Bang. En l'état, pour le moment, nous ne savons pas si Abell 0399 et Abell 0401 sont un cas particulier ou si d'autres champs magnétiques inter-amas sont largement présents dans ces filaments à l'échelle du cosmoscosmos observable.

    Toujours est-il que de savantes simulations numériques, de magnétohydrodynamique notamment, concernant le début de la collision entre les deux amas, montrent que les ondes de chocs faibles produites ne sont pas en mesure d'accélérer aux vitessesvitesses observées les électrons du plasma chaud, où sont présents les champs magnétiques. Le filament devait déjà contenir des électrons de haute énergieénergie qui ont ensuite subi une accélération supplémentaire par les ondes de choc de la fusionfusion.