Dans nos intestins, certaines cellules immunitaires sont directement commandées par l’horloge circadienne de notre cerveau. C’est ainsi que les chercheurs expliquent pourquoi ceux dont le sommeil est perturbé souffrent plus souvent d’obésité ou d’inflammations intestinales.


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    « De mauvaises habitudes de sommeil peuvent être à l'origine de diverses maladies à composantes immunitaires telles que des états inflammatoires de l’intestin. Pour comprendre pourquoi, nous nous sommes demandé si les cellules immunitaires de l'intestin étaient influencées par l'horloge circadienne du cerveau », explique Henrique Veiga-Fernandes, spécialiste en immunophysiologie au Centre de recherche Champalimaud (Portugal).

    Et parmi la variété de cellules immunitaires présentes dans l'intestin, les chercheurs ont découvert que certaines, les cellules lymphoïdeslymphoïdes innées de type 3 (ILC3), apparaissent particulièrement sensibles aux perturbations de leurs gènes « horloge ». Leur nombre peut ainsi se voir drastiquement réduit. Or, les ILC3 se révèlent utiles à combattre les infections, à contrôler l'intégritéintégrité de l'épithélium intestinal et à gérer l'absorption des lipides.

    Des cellules lymphoïdes innées de type 3 (ILC3) perturbées par les signaux reçus de l’horloge circadienne du cerveau seraient à l’origine des troubles intestinaux ressentis par les personnes au sommeil perturbé. © Kar Tr, Fotolia
    Des cellules lymphoïdes innées de type 3 (ILC3) perturbées par les signaux reçus de l’horloge circadienne du cerveau seraient à l’origine des troubles intestinaux ressentis par les personnes au sommeil perturbé. © Kar Tr, Fotolia

    Un lien neuro-immunitaire étroit

    Il faut savoir que les ILC3 sont des sortes de résidentes transitoires de notre intestin. Pour savoir où elles doivent migrer, elles s'appuient sur une protéineprotéine qui fait office de balise. Or, selon les informations envoyées par le cerveau, les ILC3 peuvent ou non exprimer cette protéine. Et de fait, s'orienter efficacement ou se perdre...

    Ainsi, pendant la journée, au moment de se nourrir, l'horloge circadienne du cerveau réduit l'activité des ILC3 afin de favoriser un métabolismemétabolisme sain des lipides. Puis, la même horloge renvoie les ILC3 vers l'intestin afin de lutter contre d'éventuels envahisseurs ou de favoriser la régénération de l'épithélium. Un lien neuro-immunitaire tellement bien régulé que le moindre changement dans nos habitudes de sommeilsommeil peut avoir un impact immédiat sur notre état de santé.


    Une horloge dans notre intestin

    Travail en horaires décalés, voyages lointains, troubles saisonniers ou dépression hivernale... Certains syndromessyndromes sont liés à la perturbation des rythmes biologiques internes. L'ensemble de nos activités quotidiennes est rythmé non seulement par l'alternance jour/nuit mais aussi par la fréquence et l'heure des repas ainsi que par l'activité sociale. Des chercheurs de l'INRA de Nantes ont mis en évidence l'existence d'une horloge circadienne, c'est-à-dire rythmée sur 24 heures environ, dans la cellule de l'épithélium intestinal de l'Homme.

    Article de l'INRA paru le 26/03/2005

    Côlon humain, observation microscopique sous lumière naturelle. © INRA / B. Kaeffe
    Côlon humain, observation microscopique sous lumière naturelle. © INRA / B. Kaeffe

    Des travaux récents avaient montré l'existence d'horloges biologiqueshorloges biologiques pour les cellules du foiefoie, des reinsreins et des poumonspoumons, mais il n'y avait pas d'évidence au niveau de l'intestin. Pourtant, on observe une rythmicité pour le renouvellement des cellules intestinales, leur migration et leur différenciation. Les chercheurs de l'INRA ont apporté les premières preuves de l'existence d'une horloge biologique au niveau de l'intestin. Pendant trois ans, ils ont collecté des biopsiesbiopsies d'épithélium intestinal au Centre de Recherche en Nutrition Humaine de Nantes. Ils ont montré que les cellules intestinales expriment les protéines des gènes dits « gènes horloges » identifiés actuellement.

    Alimentation et horloge intestinale

    Les chercheurs de l'INRA s'intéressent également aux nutrimentsnutriments capables d'influer sur cette horloge. En modifiant la composition des milieux de culture, ils ont réussi à rétablir une rythmicité dans l'expression des gènes horloges de cellules intestinales cancéreuses, rythmicité qu'elles avaient perdue. Ils montrent ainsi l'importance de certains constituants nutritifs. La connaissance de l'impact des apports en nutriments (aspects quantitatifs, qualitatifs et cinétiques) sur l'horloge biologique intestinale devrait permettre de prévenir les désordres digestifs chez les personnes travaillant en horaires décalés et celles subissant de fréquents décalages horaires, ce qui concerne actuellement près d'un actif sur cinq.

    Mise en place d'une horloge intestinale chez le nouveau-né

    Les travaux des chercheurs de Nantes sont aussi engagés pour comprendre l'acquisition d'une horloge circadienne intestinale chez le nouveau-né. Assurer une bonne mise en place des rythmes circadiensrythmes circadiens chez le nourrisson prématuré ou à terme est une préoccupation importante chez les pédiatrespédiatres car l'organisation d'un sommeil rythmée par l'alternance jour/nuit et la diminution progressive du nombre des biberons sont des indices de bonne santé et un facteur de confort pour les parents.