La seule mise en marche de la roulette du dentiste fait trembler des générations de patients, alors même qu’elle n’a pas encore touché la mâchoire. Une étude vient de s’intéresser à ce qui se passe dans le cerveau de ces personnes anxieuses dès lors qu’elles entendent la fraise tournoyer…

au sommaire


    Les soins dentaires sont particulièrement anxiogènes pour bon nombres de gens. Pourtant, on ne peut pas y échapper. Hitoyuki Karibe, médecin à l'université d'odontologie japonaise, à Tokyo, accompagné de collègues, cherche à comprendre les soubassementssoubassements cérébraux expliquant cette phobie, afin de favoriser à terme le bien-être des patients lors de leurs soins. Pas besoin d'avoir mal pour avoir peur : les seuls bruits suffisent à faire monter l'appréhension et à altérer le fonctionnement du cerveau.

    Le contexte : la peur passe d’abord par les oreilles

    Pas si anodine la peur du dentiste. Il semble en effet que 10 % de la population éprouve un stress intense au moment de se présenter chez le dentiste. Cette phobie s'entretient même toute seule. En effet, la crainte de l'échéance pousse les patients à repousser leur visite, et ils ne prennent rendez-vous qu'au moment où les douleurs sont installées. Inéluctablement, il devient impossible d'éviter au malade de souffrir durant les soins, du fait de l'avancement de la pathologie. L'opération en devient alors d'autant plus traumatisante, et la crainte s'accentue.

    Pourtant, une étude publiée en août 2012 révèle que dans 75 % des visites chez le dentiste, les patients ressortent sans avoir ressenti la moindre douleur. Les professionnels de la mâchoire ne sont donc pas des bouchers qui jouent avec nos nerfsnerfs. Mais la peur est plus profonde, et Hitoyuki Karibe, praticien depuis 26 ans, pense même en trouver des traces dans notre cerveau.

    Dimanche dernier, lors du congrès annuel Neuroscience 2013, qui se tenait à San Diego, le scientifique a présenté les résultats de ses derniers travaux. Il a traqué les signes d'anxiété à l'aide d'imagerie biomédicale et les a mis en évidence.

    L’étude : l’anxiété de la roulette se lit dans le cerveau

    Puisqu'il était difficile de mener l'expérience en conditions réelles, les scientifiques ont tenté de reconstituer l'ambiance sonore d'un cabinet dentaire auprès de 21 femmes et de 13 hommes, âgés de 19 à 49 ans. Ces participants avaient au préalable répondu à 20 questions, comme « vous sentez-vous tendu durant un soin dentaire ? », ou « vous sentez-vous anxieux lorsque vous entendez la roulette ? », auxquelles ils devaient répondre sur une échelle allant de 1 à 5. Les personnes qui obtenaient un score supérieur à 50 étaient classées dans le groupe des anxieux du dentiste, les 22 autres faisaient office de contrôle.

    La peur du dentiste concerne 10 % des personnes, et sont d'autant plus présentes chez les enfants dont les parents sont eux-mêmes inquiets. © Betsssssy, Flickr, cc by 2.0

    La peur du dentiste concerne 10 % des personnes, et sont d'autant plus présentes chez les enfants dont les parents sont eux-mêmes inquiets. © Betsssssy, Flickr, cc by 2.0

    Placés dans une machine à IRMf, les volontaires étaient soumis à des sons associés aux outils du dentiste, comme la fameuse roulette, ou bien des sons neutres, pendant que les scientifiques observaient les régions du cerveau qui s'activaient.

    Les chercheurs ont noté des différences entre les groupes. Chez les individus contrôle, l'écoute des instruments provoquait une plus forte activation des gyrusgyrus temporaux supérieurs gauches et droits (des aires auditives primaire) que lors d'émissionsémissions de sonorités neutres. Le constat n'est pas le même pour les phobiques du dentiste. Chez eux, c'est le noyau caudé qui s'active, qu'on suspecte de jouer un rôle dans l'apprentissage et la mémoire. Les sons de la roulette activent en eux des souvenirs...

    L’œil extérieur : traiter la peur avant de soigner les dents

    Ainsi, la seule évocation auditive des objets de leur peur provoque chez les patients effrayés par le dentiste des modifications de l'activité cérébrale. Des informations que les auteurs jugent intéressantes afin de déterminer des thérapiesthérapies comportementales afin de faire disparaître les appréhensions pour favoriser le bien-être des patients. Un sacré challenge qui reste à relever.

    La santé buccodentaire est primordiale, car la négliger peut conduire à des troubles handicapants, voire mortels. Les bouches mal soignées peuvent laisser passer des bactériesbactéries qui, à terme, causent de l'arthrose, mais facilitent également la progression des plaques d'athéromeathérome qui vont boucher les vaisseaux sanguins et potentiellement provoquer des crises cardiaques. Alors, pour les plus phobiques, la solution consiste peut-être à venir chez le dentiste avec des bouchons d'oreilles pour éviter d'être traumatisé.