Est-ce la pilule magique contre les AVC ? Une nouvelle étude vante les bienfaits d’une polypilule associant quatre principes actifs en prévention des maladies cardiovasculaires. Le concept fait cependant débat auprès des spécialistes, certains pointant du doigt les effets secondaires d’un tel traitement.


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    Une pilule contenant quatre principes actifs permet de réduire d'un tiers le risque de maladies cardiaques et d'AVC, selon une nouvelle étude parue dans The Lancet le 24 août. Cette « polypilule » associant une statine, de l'aspirine et deux anti-hypertenseursanti-hypertenseurs a été testée, en Iran, auprès de 6.800 personnes âgées de 50 à 75 ans. D'après les résultats, le groupe ayant pris régulièrement les comprimés présentent une réduction de 34 % de leur risque de mortalité par accident cardiovasculaire par rapport au groupe ayant reçu uniquement des conseils de préventionprévention.

    La polypilule, un concept ancien qui fait l’objet de nombreux essais

    Le principe d'associer plusieurs médicaments dans un même comprimé est loin d'être nouveau. Déjà en 2001, l'Organisation mondiale pour la Santé (OMS) préconisait l'administration de polypilules en prévention des maladies cardiovasculairesmaladies cardiovasculaires. En 2003, le British Medical Journal affirmait que cette stratégie permettait de prévenir 88 % des infarctus du myocardeinfarctus du myocarde et 80 % des thrombosesthromboses cérébrales. Les auteurs préconisaient une utilisation systématique chez tous les sujets ayant une maladie cardiovasculaire connue ainsi que chez toute personne âgée de plus de 55 ans. De nombreux autres essais ont été menés depuis en Inde, en Nouvelle-Zélande ; plusieurs sont encore en cours en Europe et dans des pays en développement. L'étude de The Lancet est toutefois la première menée sur un aussi large panel et avec une duréedurée aussi longue, permettant d'évaluer les effets à long terme.

    Le principe de prescrire à grande échelle une pilule tout-en-un fait débat dans la communauté scientifique. © Cagkan, Fotolia
    Le principe de prescrire à grande échelle une pilule tout-en-un fait débat dans la communauté scientifique. © Cagkan, Fotolia

    L'administration généralisée d'un tel traitement préventif fait toutefois débat auprès des cardiologuescardiologues. « La polypilule est beaucoup moins chère à fabriquer, à distribuer et à prescrire que des médicaments séparés », assure de son côté Bruce Neal, directeur du département de cardiologie et pathologiespathologies rénales au George Institute for International Health de Sydney (Australie). D'autre part, le principe d'un médicament tout-en-un permet d'augmenter le taux d'adhérence au traitement, selon l'OMS.

    Un rapport bénéfice/risque surestimé ?

    Mais, pour d'autres spécialistes, les médicaments inclus dans la pilule présentent chacun des effets secondaires qu'il est risqué de cumuler. Une méta-analyseméta-analyse publiée en janvier dans la revue Jama portant sur 13 essais réalisés entre 1998 et 2018 mettait notamment en garde contre la prise régulière d’aspirine. « Même si les problèmes cardiovasculaires peuvent être réduits, ces avantages s'accompagnent d'un risque accru d'événements hémorragiques majeurs », rapportent les auteurs qui considèrent que le rapport bénéfice/risque n'est pas suffisant pour préconiser une prescription systématique. Les statines sont, elles aussi, régulièrement sur la sellette. Le professeur Philippe Even, auteur de La vérité sur le cholestérolcholestérol, estime que ces médicaments ne servent à rien et il remet en cause le lien entre cholestérol et maladies cardiovasculaires. « Plus le nombre de composants est élevé [dans une pilule, ndlr], plus le risque d'interférencesinterférences, voire d'incompatibilités, augmente », souligne, pour sa part, le professeur André Scheen, chef de service au CHU de Liège, en Belgique. Avec la polypilule, impossible également d'individualiser ou d'adapter le traitement en fonction de chaque patient.

    Maladies cardiovasculaires : première cause de mortalité dans le monde

    Des bizarreries quant aux résultats de l'étude de The Lancet intriguent aussi les cardiologues. Si une baisse du taux de cholestérol a bien été constatée auprès des patients prenant la polypilule, la pression artériellepression artérielle de ces derniers n'a pas bougé, malgré la présence dans le comprimé de deux principes actifs anti-hypertenseurs. Malgré ces travers, la polypilule semble montrer une réelle efficacité dans la prévention des maladies cardiovasculaires. Ces dernières restent la première cause de mortalité au monde, avec près de 18 millions de morts par an, les trois quarts intervenant dans les pays à faible ou moyen niveau de développement.