La nicotine a un effet paradoxal sur le cerveau, activant à la fois le circuit de la récompense et celui de l’aversion. On pensait jusqu’ici que c’était la dopamine qui était à l’origine de la sensation agréable, mais des chercheurs viennent de découvrir que les neurones dopaminergiques sont, à l’inverse, ceux qui provoquent l’effet répulsif initial. En revanche, c’est bien elle qui « piège » le cerveau pour nous rendre dépendant.


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    Quel est le point commun entre le café et le tabac ? Dans les deux cas, les deux substances provoquent une aversion initiale lorsqu'on y goûte. La réaction instinctive de dégoût envers l'amertume permettait ainsi à nos ancêtres d'éviter les plantes toxiques. Les adultes apprennent ensuite à apprécier la saveur amère et finissent par aimer le café, la bière ou les endivesendives.

    Pour la nicotine, c'est un peu la même chose : cette substance a un effet double sur le cerveau, activant à la fois le plaisir et l'aversion. D'un côté, les récepteurs de la dopamine activent le circuit de la récompense, de l'autre, les récepteurs GABA déclenchent l'aversion. Lors de la première expérience avec le tabac, l'un ou l'autre l'emporte selon les personnes et le contexte (situation de stress, prise conjointe d'alcoolalcool, etc).

    Pour en savoir plus, des chercheurs de l'université de Toronto (Canada) ont étudié les neurones dopaminergiques et les neurones GABA responsables des deux effets opposés. Situés dans la partie centrale du cerveau appelée « aire tegmentale ventrale », ces neurones reçoivent l'information de plusieurs autres régions sur le niveau de satisfaction ou les besoins fondamentaux.

    Lorsqu’on fume pour la première fois, la nicotine déclenche une primo réaction de répulsion. © Valeri Vatel, Adobe Stock
    Lorsqu’on fume pour la première fois, la nicotine déclenche une primo réaction de répulsion. © Valeri Vatel, Adobe Stock

    L’effet de manque plus fort que l’aversion

    Les chercheurs, dont les travaux ont été publiés le 27 novembre dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, ont utilisé des souris dépourvues de récepteurs nicotiniques, puis les ont « infectées » avec un virusvirus pour réimplanter l'un ou l'autre des récepteurs. Les souris ont ensuite été exposées à des niveaux élevés de nicotinenicotine correspondant à ceux d'un gros fumeur.

    Et là, surprise : les chercheurs ont constaté que l'aversion était activée par les neurones à dopaminedopamine, tandis que les neurones GABA envoient le signal de récompense. Un résultat en totale contradiction avec les théories actuelles selon laquelle la dopamine est réservée au circuit de la récompense. Cette découverte n'est pourtant pas si illogique que ça.

    Une piste pour traiter l'addiction au tabac ?

    « Bien que les neurones dopaminergiques soient responsables de l'aversion chez les animaux non dépendants, ils signalent à la fois la récompense et l'aversion une fois la dépendance établie, explique Taryn E. Grieder, le principal auteur de l'étude. Une fois le cerveau "piégé", le système de motivation est modifié. Il ne s'agit plus d'éprouver une sensation agréable, mais de soulager la sensation désagréable de ne pas avoir assez de droguedrogue»

    Autrement dit, le besoin de soulager l'effet négatif du manque de nicotine devient plus fort que la répulsion naturelle à la nicotine. Cette découverte, si toutefois elle était transposable à l'Homme, pourrait offrir de nouvelles perspectives de traitement à l’addiction au tabac. L'idée serait par exemple de développer un médicament renforçant l'aversion à la nicotine, un peu comme le disulfirame (Antabuse) qui provoque des nausées et vomissements lorsque l'on ingère de l'alcool avec.


    Tabac : les gènes prédisent si vous pouvez arrêter de fumer

    Article de Jaloux Chaput publié le 31/05/2012

    Les personnes possédant des variants génétiquesgénétiques susceptibles de les rendre gros fumeurs sont celles qui répondent le mieux aux traitements antitabagiques. Cette étude conclut qu'en regardant l'ADNADN, il est possible de prédire l'efficacité des thérapiesthérapies et offrir un traitement personnalisé aux accros à la nicotine qui souhaitent arrêter de fumer. Une avancée intéressante en cette Journée mondiale sans tabac.

    Le 31 mai, c'est la Journée mondiale sans tabac, à l'initiative de l'OMSOMS. L'occasion pour ceux qui souhaitent arrêter de fumer de franchir le pas. Une épreuve toujours très difficile à surmonter car la dépendance à la nicotine est forte et beaucoup de ceux qui s'y risquent ne parviennent pas à décrocher.

    Des chercheurs de la Washington University de Saint-Louis (Missouri) viennent de montrer qu'il suffisait de regarder de plus près certains gènesgènes pour envisager la meilleure thérapie pour stopper sa consommation tabagique. Leur expérience est largement expliquée dans l'American Journal of Psychiatry.

    Un cluster de gènes contre la dépendance à la cigarette

    Cette étude se base sur la relation entre certains variants génétiques impliqués dans la dépendance à la nicotine et la capacité à arrêter de fumer et de répondre aux traitements aidant au sevrage tabagique. Parmi les sujets, 5.216 accros à la cigarette étaient suivis pour noter à quel âge ils arrêtaient de fumer. En parallèle, 1.073 autres personnes participaient à un essai cliniqueessai clinique pour un médicament censé les pousser à décrocher.

    « <em>Celle-là, c'est ma dernière cigarette ! </em>» La volonté ne suffit pas toujours pour arrêter de fumer, des traitements permettent de décrocher du tabac. Mais il faut regarder ses gènes pour savoir ceux qui fonctionneront le mieux. © catatronic, Fotopédia, cc by nc sa 2.0
    « Celle-là, c'est ma dernière cigarette ! » La volonté ne suffit pas toujours pour arrêter de fumer, des traitements permettent de décrocher du tabac. Mais il faut regarder ses gènes pour savoir ceux qui fonctionneront le mieux. © catatronic, Fotopédia, cc by nc sa 2.0

    Les gènes étudiés sont au nombre de trois et forment un cluster, c'est-à-dire qu'ils codent tous pour la même protéine, dans ce cas le récepteur à la nicotine. On l'appelle Chrna5-Chrna3-Chrnb4. Ces fragments d'ADN peuvent varier d'un individu à l'autre et donc induire une réponse différente à la consommation de tabac ainsi qu'aux thérapies.

    C'est exactement ce qui a été découvert. Les fumeurs possédant certains variants, dits à risques élevés, stoppent la cigarette deux années plus tard que ceux dépourvus de ces allèlesallèles et connaissent plus de difficultés à arrêter de fumer sans aide médicamenteuse. En revanche, ils ont trois fois plus de chance de répondre aux traitements antitabac, comme les gommes à la nicotine, les patchs, les antidépresseursantidépresseurs tels le bupropionbupropion, parmi d'autres.

    L’addiction au tabac ne passe pas que par les gènes

    Pour les auteurs, la découverte est de taille. En définissant le génotypegénotype du patient qui manifeste son désir d'arrêter de fumer, on pourra lui proposer un traitement adapté et personnalisé, donc plus efficace.

    De précédentes études précisaient que les gènes n'avaient qu'un faible impact sur l'addictionaddiction à la nicotine. Ce travail semble lui démontrer leur rôle important dans la réponse aux traitements médicamenteux proposés. 

    Cependant, il est nécessaire d'insister sur l'importance de l'environnement dans les processus de dépendance. La cigarette serait consommée le soir pour se détendre chez 93 % des fumeurs et se révèle indispensable après le repas pour 74 % des sondés ou après l'amour pour 10 % d'entre eux. Le sevragesevrage tabagique passe donc aussi par un changement d'habitude et de mode de vie.