au sommaire
La croissance des animaux est influencée par des interactions entre les apports nutritionnels et les signaux hormonaux. Une sous-nutrition aiguë, de quelques jours chez la souris, se traduit par une perte de poids importante, largement documentée et attribuée, entre autres, à une perturbation du microbiote intestinal. Lors d'une sous-nutrition chronique, un retard de croissance se manifeste. Les mécanismes complexes de ce retard mettent en jeu un état de résistancerésistance à l'action de l'hormone de croissance, sécrétée par l'hypophyse, une glande endocrine située sous le cerveau, qui stimule normalement la production de facteurs de croissancefacteurs de croissance, comme l'IGF-1IGF-1 (Insulin-like Growth Factor 1)) par de nombreux tissus. Cette résistance des tissus à l'hormone de croissance entraîne une chute de la production d'IGF-1, ce qui conduit à un retard de développement et une taille réduite de l'individu par rapport à son âge. L'influence du microbiote sur ces mécanismes restait jusqu'à ce jour inconnue.
Des chercheurs de l'Institut de génomiquegénomique fonctionnelle de Lyon (CNRS, ENS Lyon, université Claude BernardClaude Bernard Lyon 1), du laboratoire CarMeN (Inserm, Inra, université Claude Bernard Lyon 1, Insa Lyon), et de l'unité BF2I (Inra, Insa Lyon) ont comparé, dans différentes conditions nutritionnelles, le développement de souris standard, avec un microbiote normal, et des souris dites axéniques, sans microbiote intestinal. Ils ont démontré pour la première fois le rôle des bactériesbactéries de la flore intestinaleflore intestinale sur le contrôle de la croissance. Que ce soit avec un régime normal ou en situation de sous-nutrition, les chercheurs ont observé que les souris axéniques avaient non seulement pris moins de poids, mais qu'elles étaient aussi plus petites que les souris standard. Chez les souris axéniques, de nombreux paramètres de la croissance osseuse, comme la longueur ou l'épaisseur des os, sont réduits sans que la densité minérale osseuse (la quantité de calciumcalcium dans les os) ne soit affectée.
De plus, les chercheurs ont montré que les souris axéniques avaient des taux et une activité de l'IGF-1 plus bas que les autres souris. En interférant avec l'activité de l'IGF-1 chez les souris normales ou en l'injectant à des souris axéniques, les chercheurs ont démontré que le microbiote intestinal favorise la croissance en influençant la production et l'activité de cet important facteur de croissance.
Chez la souris, le microbiote intestinal est nécessaire à une croissance postnatale optimale. À gauche, une jeune souris élevée avec son microbiote intestinal ; à droite, une jeune souris adulte dépourvue de microbiote intestinal. © Vincent Moncorgé
Une meilleure croissance avec Lactobacillus plantarum
De précédentes études ont démontré chez la drosophiledrosophile la capacité de souches bactériennes de l'espèceespèce Lactobacillus plantarum à favoriser la croissance postnatale en cas de sous-nutrition chronique. Les chercheurs ont alors analysé la croissance de souris dites monocolonisées, c'est-à-dire ne possédant qu'une seule souche de bactéries en guise de microbiote. Ils ont ainsi montré que les souris monocolonisées avec une souche particulière de Lactobacillus plantarum (nommée Lp), élevées en condition de nutrition standard ou lors d'une sous-nutrition chronique, produisent plus d'IGF-1, prennent plus de poids et grandissent mieux que les souris axéniques ou les souris mono-colonisées avec d'autres souches. Ces résultats démontrent ainsi que certaines souches de Lactobacillus, dont Lp, ont la capacité de favoriser la croissance postnatale chez les mammifèresmammifères.
La sous-nutrition chronique affecte encore aujourd'hui plus de 150 millions d'enfants de moins de cinq ans dans les pays à faibles revenus. Ces résultats invitent donc à déterminer si ces souches de Lactobacillus, qui ont la capacité de favoriser la croissance postnatale animale, pourraient atténuer les effets délétères d'une sous-nutrition chronique sur la croissance infantile et donc favoriser une croissance postnatale saine dans la population générale.
Cette recherche est parue le 19 février 2016 dans Science, en collaboration avec des chercheurs de l'Académie des sciences de la République tchèque.