Après les déclarations d’une expédition ayant découvert un mammouth en bon état en Yakoutie, et les – fausses – informations évoquant des « cellules vivantes », les médias s’enflamment : « on va cloner un mammouth ! ». L’accord entre la firme sud-coréenne Sooam et l’université fédérale de Yakoutie le prévoit effectivement. Mais la tâche sera rude pour Hwang Woo-suk, scientifique controversé…

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    La conférence de presse à l'université fédérale du nord-est, en Yakoutie, le 7 septembre 2012. © Nefu

    La conférence de presse à l'université fédérale du nord-est, en Yakoutie, le 7 septembre 2012. © Nefu

    Des restes de mammouthmammouth ont été mis au jour cet été en Yakoutie (ou république de Sakha, au nord-est de la Sibérie), dans le district de Ust-Yansky, par une expédition internationale baptisée Yana-2012 (du nom d'un fleuve se jetant dans l'océan ArctiqueArctique). Le même site avait livré l'an dernier des fossilesfossiles de mammouth, de bisons et de chevaux. Le 7 septembre, une conférence de presse s'est tenue à l'Université fédérale du nord-est (Nefu, North-Eastern Federal University), à Yakutsk, par Semyon Grigoryev, le responsable de l'expédition. Curieusement, la version anglaise du communiqué de la Nefu titre sur la découverte de « cellules vivantes ». Une superbe information qui fait actuellement le tour du monde.

    « À une profondeur de 100 m [dans une mine, donc, sans doute ; l'agence de presse RiaRia Novosti parle de « 5 à 6 m », NDLRNDLR], nous avons trouvé un riche matériel, composé de tissus durs et mous, de fourrure et de la moelle osseuse, appartenant à un mammouth », a expliqué Semyon Grigoryev, dans des propos rapportés par la Nefu. Pour Ria Novosti (à lire en français dans la Voix de la Russie), il ajoute que « nous avons vu des noyaux de cellules entiers, ce qui permet d'espérer que le clonage est possible ».

    Il ne s'agit donc évidemment pas de cellules vivantes, ce qui serait tout de même étonnant dans les tissus d'un animal mort il y a de nombreux milliers d'années. Même la congélation dans le pergélisolpergélisol (nous sommes au-delà du cercle polairecercle polaire) aurait du mal à conserver une cellule vivante intacte... Semyon Grigoryev a d'ailleurs lui-même précisé par la suite à l'agence Reuters que le terme « cellules vivantes » provenait d'une mauvaise traduction.

    Un <a href="//www.futura-sciences.com/fr/news/t/paleontologie/d/decouverte-dun-bebe-mammouth-congele-en-siberie_12386/" title="Découverte d&#039;un bébé mammouth congelé en Sibérie" target="_blank">bébé mammouth</a> vieux d'environ 10.000 ans, remarquablement conservé, découvert en 2007 dans le sol gelé de la péninsule de Yamal, en Sibérie. © NTV, <em>Russian Television Channel</em>

    Un bébé mammouth vieux d'environ 10.000 ans, remarquablement conservé, découvert en 2007 dans le sol gelé de la péninsule de Yamal, en Sibérie. © NTV, Russian Television Channel

    Clonera-t-on le mammouth ?

    Les membres de l'expédition ont, rapporte l'AFP, réussi à « colorer les noyaux », probablement, peut-on en conclure, avec les réactifsréactifs utilisés pour mettre en évidence l'ADN. Les tissus seraient donc exceptionnellement bien conservés, laissant espérer l'extraction d'un matériel génétiquematériel génétique de qualité. Il permettra peut-être de compléter le séquençage de l'ADN du mammouth. L'équipe promet une publication prochaine dans une revue scientifique et avant cela un reportage vidéo qui sera diffusé sur la chaîne télévisée du National Geographic.

    L'annonce va cependant plus loin et reprend le projet de clonage, lointain, hasardeux mais médiatique, consistant à réimplanter ce matériel génétique dans un ovule d'éléphante énucléé puis à voir ce qu'il adviendra. C'est d'ailleurs bien dans ce but que l'expédition cherchait des restes de mammouth.

    L'idée n'est pas nouvelle puisqu'elle avait déjà été avancée par Akira Iritani, un biologiste japonais, qui a voulu tenter l'expérience sur des restes de mammouth découverts en 2011. Il s'est trouvé conforté par l'étonnant résultat de l'équipe de Teruhiko Wakayama qui, en 2008, était parvenue à cloner des souris mortes congelées 16 ans plus tôt.

    Pour Futura-Sciences, le biologiste Jacques Testart expliquait son scepticisme et surtout les difficultés de l'opération. On peut relire avec intérêt l'entretien qu'il nous avait consacré pour rappeler les multiples difficultés d'un clonage éléphant-mammouth. Outre qu'il faut être certain de récupérer la totalité de l'ADN (rappelons que nous avons plus de 98 % d'ADN avec les chimpanzéschimpanzés...), il faut encore préparer ce matériel génétique pour qu'il ressemble à des chromosomes. Quant à récupérer un ovocyteovocyte au bon stade sur une éléphante, la tâche est probablement très difficile, tout autant que l'injection de l'ovule fécondé, au point que l'idée est venue de passer par... une souris, avant de poursuivre in vitroin vitro. Sans oublier que cette gestationgestation d'un animal d'une espèceespèce dans le ventre d'une autre serait une première.

    Mais pourquoi ne pas essayer, après tout ? Certains y croient. Et c'est un vrai partenariat qui a été signé en mars 2012 entre la Nefu et la firme sud-coréenne Sooam, dirigée par le biologiste Hwang Woo-suk. L'homme est connu pour avoir obtenu le premier chien cloné (Snupy), mais aussi pour avoir falsifié deux études, en 2004 et en 2005, l'une annonçant rien de moins que le premier clonage humain et l'autre l'obtention de lignées de cellules souches humaines.

    C'est donc probablement avec circonspection que la communauté scientifique observera la poursuite du projet, dont la réussite serait hautement spectaculaire. Mais, comme nous nous le demandions déjà en 2009, si tout réussit, que fera-t-on de ce pauvre mammouth esseulé dans un monde qui n'est pas le sien ?