La « bactérie mangeuse de chair », ou Vibrio vulnificus pour les scientifiques, est présente dans les eaux salées du sud-est des États-Unis. Mais avec le réchauffement climatique, elle pourrait sévir du Texas jusqu'à la Nouvelle-Angleterre, exposant ainsi des millions de personnes à une infection grave et mortelle.


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    Les Vibrio sont une famille de bactéries pathogènes pour les humains dont Vibrio cholerae, responsable du choléra, est le représentant le plus célèbre. Pourtant ce n'est pas le plus mortel, il est devancé par Vibrio vulnificus surnommé aussi la bactérie « mangeuse de chair. »

    Ce bacille se plaît dans les eaux chaudes et salées du golfe du Mexique, aux États-Unis, mais avec le réchauffement climatique, les experts craignent qu'il soit de plus en plus fréquent sur toute la façade atlantique du pays, exposant ainsi des millions de personnes supplémentaires à une infection aiguë et mortelle.

    La présence de <em>Vibrio vulnificus</em> le long de la côte est des États-Unis entre 2007 et 2018. © Elizabeth J. Archer et <em>al. Scientific Reports 2023</em>
    La présence de Vibrio vulnificus le long de la côte est des États-Unis entre 2007 et 2018. © Elizabeth J. Archer et al. Scientific Reports 2023

    La côte est des États-Unis concernée

    Les infections par Vibro vulnificus sont rares, une centaine de cas par an répertoriés aux États-Unis, mais particulièrement sévères. La bactérie s'infiltre dans l'organisme par des plaies ouvertes lors de séjour à la plage et provoque des lésions cutanées nécrotiques, d'où son surnom de mangeuse de chair, accompagnées de fièvre, de frissons et d'une hypotension. L'infection peut dégénérer très rapidement : 10 % des personnes malades ont besoin d'une chirurgiechirurgie pour retirer les tissus nécrosés, voire d'une amputationamputation des membres touchés. Dans 18 % des cas, elle se transforme en une septicémiesepticémie mortelle, parfois à peine 48 heures après le début des symptômessymptômes.

    Entre 2007 et 2018, la plupart des cas répertoriés sont localisés entre le Texas et la Pennsylvanie, le long de l'océan Atlantique, avec quelques sporadiques plus au nord. Mais avec le réchauffement climatiqueréchauffement climatique, un groupe de chercheurs américains et anglais pensent que Vibro vulnificus pourrait s'installer durablement plus au nord, jusqu'au Connecticut, voire au Maine dans les scénarios les plus sombres. Entre 90 à 210 millions de personnes en plus seraient alors exposées à cette infection sévère.

    En A, la présence de <em>V. vulnificus</em> entre 2040 et 2060 selon les deux modèles de réchauffement climatique. En B, la présence de la bactérie en 2100. © Elizabeth J. Archer et <em>al. Scientific Reports</em> 2023
    En A, la présence de V. vulnificus entre 2040 et 2060 selon les deux modèles de réchauffement climatique. En B, la présence de la bactérie en 2100. © Elizabeth J. Archer et al. Scientific Reports 2023

    Un futur problème de santé publique ?

    Les scientifiques se sont basés sur les données de la répartition actuelle de V. vulnificus. Présente uniquement au Texas en 1992, la bactérie a progressivement cheminé vers le nord pour atteindre la Caroline du Sud en 2002 et la Pennsylvanie en 2018. Avec pour variable d'ajustement la température minimale et maximale de l'airair, les scientifiques ont simulé l'évolution de la présence de la bactérie dans plusieurs modèles de réchauffement climatique (SSP126 et SSP 370). Selon ces derniers, Vibrio vulnificus pourrait infecter les eaux du Connecticut entre 2040 et 2060 et arriver jusqu'au New Hampshire en 2100, soit environ 11 000 kilomètres de côtes potentiellement à risque. Avec le vieillissement de la population et le réchauffement climatique, l'infection pourrait aussi devenir plus létale.

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    « Si les émissionsémissions sont contenues, alors les cas ne pourraient s'étendre que jusqu'au Connecticut. Si les émissions augmentent, les infections auront lieu dans tous les États de la côte est. À la fin du XXIe siècle, nous prédisons qu'il pourrait y avoir entre 140 et 200 infections par V. vulnificus chaque année », explique Elizabeth Archer, première autrice de l'étude parue dans Scientific Reports. Un problème de santé publique que les autorités sanitaires devront anticiper.