Les points sur le dos des coccinelles donnent-ils leur âge ? C’est quelque chose que j’ai toujours cru personnellement, mais c’est vrai que c’est un peu difficile à imaginer quand on sait que les insectes ne vivent franchement pas très longtemps. Alors partons rejoindre le monde des petites bêtes pour en avoir le cœur net !


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    Découvrez le podcast à l’origine de cette retranscription dans Science ou Fiction. © Futura

     

    Qu'elles sont jolies ces bébêtes rouges et noires. Les coccinellidés, ou coccinelles, sont une famille de petits insectes qui appartiennent à l'ordre des coléoptères, tout comme les scarabées ou les hannetons par exemple.

    Coccinelle, demoiselle, bête à bon Dieu

    On en compte environ 6 000 espèces. Vous vous moquez ? Non, non pas du tout. Il y a vraiment 6 000 espèces de coccinelles différentes dans le monde, et je suis d'accord, c'est énorme ! C'est à sa couleurcouleur rouge qu'on doit son nom, même s'il existe des coccinellidés de plein de couleurs différentes. Il vient du latin coccinus signifiant « écarlate », comme la couleur des élytres de Coccinella septempunctata, la plus commune en Europe ! Le nom scientifique de cette dernière devrait d'ailleurs déjà vous donner un indice, mais pour l'instant, continuons. Ces élytres servent d'amure pour protéger leurs ailes mais elles sont aussi très utiles comme moyen de défense. Non, elles ne vont pas se battre avec, mais dans la nature il est bien connu que les couleurs vives représentent une potentielle menace pour les prédateurs. Eh oui, si une proie s'habille avec des couleurs flashy, c'est sûrement qu'elle a des mécanismes de défense qui la dispensent de se camoufler. On appelle ça l'aposématisme et on le retrouve chez pas mal d'insectes et chez quelques reptilesreptiles et grenouilles, qui s'en servent pour signaler leur toxicitétoxicité. Alors personne ne vient se frotter aux bêtes à bon Dieu !

    Tiens d'ailleurs, vous savez pourquoi elles sont surnommées comme ça en France métropolitaine ? Et pourquoi on les appelle les vachesvaches de Dieu en Irlande, en Espagne ou encore en Russie ? C'est parce que la coccinelle est la meilleure amie des jardiniers. Certains disent que lorsqu'elle s'envole c'est qu'il fera beau. Mais on a surtout une légende qui remonte au Moyen Âge, et qui affirme qu'elle serait un porteporte-bonheur. Rien que ça ! Dans cette histoire datant du Xe siècle, un homme est condamné à mort pour un meurtre qu'il aurait commis à Paris. Bien qu'il clame son innocence, la justice de l'époque, peut-être un peu corrompue, le déclare coupable et le condamne à mort. Et c'est là que la coccinelle intervient. Le jour de l'exécution publique, le pauvre homme doit avoir la tête tranchée, mais à cet instant une coccinelle vient se poser sur son cou. Le bourreau tente de l'enlever, mais impossible, elle revient sans cesse se poser là. On raconte alors que le roi Robert II aurait cru à une intervention divine, signe qu'il fallait gracier l'homme : ce qu'il a fait sur-le-champ ! Et quelques jours plus tard, le vrai meurtrier aurait été retrouvé ! Alors bien sûr, une histoire pareille, ça ne reste pas qu'entre quelques personnes. Elle s'est vite propagée et la coccinelle est devenue le symbole et un porte-bonheur qu'il ne faut surtout pas écraser.

    Pour beaucoup d'entre nous, la coccinelle, ou la bête à bon Dieu, est un porte-bonheur. © Aleksandar Todorovic, Adobe Stock
    Pour beaucoup d'entre nous, la coccinelle, ou la bête à bon Dieu, est un porte-bonheur. © Aleksandar Todorovic, Adobe Stock

    Et cette histoire de points alors ?

    Bon, ça ne nous dit pas si le nombre de points sur son dosdos représente son âge ! Vous vous rappelez quand je vous ai dit tout à l'heure qu'on compte à peu près 6 000 espèces de coccinelles ? Et ben comment on fait pour les différencier d'après vous ? Bingo, le nombre de points, tout comme la couleur permettent de savoir à quelle espèce on a affaire. Par exemple en Europe, la coccinelle qu'on rencontre le plus à sept points. Donc non, vous ne rencontrez pas que des coccinelles âgées de sept ans, vous rencontrez la commune Coccinella septempunctata ou coccinelle à sept points. (Et oui, c'est vraiment son nom.) Ils sont d'ailleurs toujours répartis de la même manière. Regardez bien la prochaine fois que vous en croisez une, vous devriez trouver trois points par élytre, et un au centre. Oh mais attendez, ça ne s'arrête pas là. On a par exemple la coccinelle à deux points, qui est toute noire avec un point jaune par élytre. Celle-ci aussi, on peut la voir en Europe, mais également en Amérique du Nord. Puis il y a celles qui abusent un peu sur le nombre de points, comme la coccinelle à 22 points ! N'empêche qu'il faut les caser quelque part ces points, d'autant qu'il s'agit de l'une des plus petites coccinelles que l'on connaisse. Et en voilà une autre qui n'a pas tout à fait compris la règle du jeu, j'ai nommé la coccinelle à virgule. Les points sur ses élytres ont davantage une forme de virgule que de point, alors on ne va pas vexer les grammairiens. En tout cas, celle-ci aussi est noire, mais avec des taches rouges.

    Bref, je ne vais pas vous faire l'inventaire des 6 000 espèces, ça serait un peu long, mais du coup pour les points, rien à voir avec leur âge, puisque de toute façon, comme beaucoup d'insectes, les coccinelles ne vivent pas bien longtemps. Après avoir passé le stade de l'œuf, de la larvelarve et de la nymphenymphe, elles arrivent au stade adulte et peuvent vivre entre deux et trois ans maximum si les bonnes conditions sont réunies. Et d'ailleurs, lorsqu'elle sort de sa chrysalidechrysalide, pour passer du stade nymphe au stade adulte, ses élytres sont jaunes, sans aucun point. Ils arrivent quelques heures après avec la couleur rouge, et leur nombre ne varie plus du tout pendant ses deux ou trois ans de vie. D'ailleurs pendant son court passage sur TerreTerre, la coccinelle pondra tout de même environ mille œufs ! Pas mal ça pour mes plantes remplies de pucerons !

    Les coccinelles se délectent de pucerons, c'est vrai ! Mais le nombre de points qu'elle arbore sur leur dos ne détermine pas leur âge. © Rhönbergfoto, Adobe Stock
    Les coccinelles se délectent de pucerons, c'est vrai ! Mais le nombre de points qu'elle arbore sur leur dos ne détermine pas leur âge. © Rhönbergfoto, Adobe Stock

    Les coccinelles au service de lutte biologique

    Les coccinelles sont très utilisées dans la lutte biologique ! Vous savez, c'est cette pratique qui vise à faire usage de la nature pour préserver les plantes, plutôt que de tout détruire à coups de pesticides. Par exemple, si vous voyez vos roses ou vos capucinescapucines envahies de puceronspucerons, au lieu de les asperger de produits, essayez plutôt de trouver une coccinelle ou deux, ça devrait suffire à vous débarrasser de ces petits parasitesparasites dévoreurs de plantes. C'est quand même mieux que les produits de synthèse qui ne font pas la différence entre un puceron et d'autres insectes utiles ! Et c'est d'ailleurs aux coccinelles que l'on doit l'introduction de la technique de la lutte biologique, vers la fin du XIXe siècle. En Californie, à cette période, les cultures d'agrumes étaient complètement envahies par les cochenillescochenilles. Un enfer pour la récolte qui risquait d'être largement compromise ! Mais l'introduction de la coccinelle Rodolia cardinalis s'est avérée être d'une redoutable efficacité, et l'invasion a rapidement été maîtrisée.

    Depuis, on utilise de plus en plus ces procédés de lutte biologique, et ce avec des nombreux êtres vivants comme certains insectes ou encore certaines plantes. Ça permet de rééquilibrer un écosystèmeécosystème, depuis votre petit jardin à plusieurs hectares de culture. Le but n'est pas d'éliminer les ravageurs mais de les réguler en leur mettant un prédateur dans les pattes. Si vous vous demandez comment ça marche, c'est assez simple. Dans le cadre d'une lutte biologique avec des coccinelles par exemple, on peut faire littéralement un lâcher de coccinelles. Donc ici, on introduit dans un espace donné des individus, œufs ou adultes, et on attend qu'ils s'y établissent pour réguler les invasions de parasites comme les pucerons ou autres bébêtes qui compromettent les cultures. Ou alors, on utilise une méthode plus douce qui consiste à introduire des plantes qui attirent les coccinelles. Ici le but est d'améliorer le milieu pour les faire venir d'elles-mêmes sans avoir recours au lâcher. En plus, la coccinelle est d'une efficacité redoutable puisqu'elle adapte sa ponte à la quantité de nourriture. Plus ses proies pondent, plus elle est vorace et plus elle pond aussi ! Alors la prochaine fois que vous en voyez une, plutôt que d'essayer de deviner son âge, posez-la dans des fleurs et essayez de deviner combien de pucerons elle arrivera à manger ce jour-là. Deux ? Dix ? Cinquante ? Vous verrez bien !