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    Si les stalagmites, stalactites et draperies sont les concrétions calcaires les plus connues, il en existe d'autres formes, bien plus atypiques. C'est le cas des excentriques, aussi appelées hélictites.

    Ces concrétions doivent leur nom à leur forme parfois totalement alambiquée et qui semble défier les lois de la nature. Car si les stalactites tombent et que les stalagmites montent, les excentriques, elles, vont dans n'importe quel sens. Leur croissance peut en effet se faire en biais, voire à l'horizontale et elles présentent souvent d'importants changements de direction. Certaines forment ainsi des angles droits alors que d'autres décrivent une boucle ou des spirales.

    Excentriques au forment très alambiquées, Grotte de Clamouse, Hérault, France © Martin Souchay, <em>Wikimedia Commons</em>, cc by-sa 3.0
    Excentriques au forment très alambiquées, Grotte de Clamouse, Hérault, France © Martin Souchay, Wikimedia Commons, cc by-sa 3.0

    Les excentriques sont pourtant composées de calcitecalcite (parfois d'aragonitearagonite), de formule CaCO3, à l'image de la plupart des concrétions. Mais alors que les stalagmites et stalactites peuvent atteindre des tailles très importantes (plusieurs mètres de diamètre et de haut), les excentriques sont toujours de petite taille et ne dépassent pas les quelques millimètres d'épaisseur et une dizaine de centimètres de long.

    Des phénomènes physiques qui contrent les lois de la gravité

    Tout comme les autres concrétions, la formation des excentriques repose sur le principe de dissolution et dépôt du calcaire. En circulant à travers la roche, l'eau légèrement chargée en acide carboniqueacide carbonique va en effet dissoudre les roches calcaires. Lorsque la goutte d'eau arrive à l'interface avec l'airair d'une cavité, le calcaire dissout qu'elle a transporté va précipiter, formant un mince dépôt de calcite. Petit à petit, la concrétion va ainsi poursuivre sa croissance, à un rythme très lent. Généralement, c'est la gravitégravité qui contraint la forme de la concrétion, notamment des stalactites qui sont accrochées au plafond de la cavité. Les gouttes vont ainsi ruisseler vers le bas, déposant leur anneau de calcite au bout de la concrétion en constructionconstruction et l'on obtient au final une concrétion allongée et bien verticale.

    Les formes alambiquées des excentriques s'expliquent donc par l'occurrence de plusieurs autres phénomènes, qui s'ajoutent, voire se retranchent, à la force de gravité. La formation des excentriques est cependant encore mal contrainte et la part respective des différents processus entrant en jeu reste difficile à déterminer avec précision.

    Des facteurs physiques mais également environnementaux

    Le processus de cristallisation est l'un des phénomènes pouvant impacter la forme de ces concrétions. En effet, la croissance du cristal de calcite peut être perturbée par la composition chimique de l'eau. Le présence d'impuretés, en entrant dans le réseau cristallinréseau cristallin, va être capable d'orienter la croissance du cristal dans une certaine direction. Par exemple, la présence de magnésiummagnésium entraîne la cristallisation d'aragonite, un minéralminéral qui forme des aiguilles qui vont alors grandir de façon perpendiculaire au support (parois, autre concrétion...).

    Excentriques poussant horizontalement sur des stalactites © Christophe Delaere, <em>Flickr</em>, cc by 2.0
    Excentriques poussant horizontalement sur des stalactites © Christophe Delaere, Flickr, cc by 2.0

    Autre phénomène physiquephysique pouvant intervenir : les forces de capillaritécapillarité et de tension superficielle. Il est facile de s'en rendre compte en observant l'eau monter dans du papier absorbant, à petite échelle, la capillarité est capable de contrer la force de gravité. Or, il s'agit d'une force qui entre en jeu au sein des matériaux cristallisés, et qui peut avoir des effets complexes. La tension superficielle est ce qui permet à la goutte de rester accrochée au plafond.

    Il ne faut pas non plus négliger les conditions qui règnent à l'intérieur de la grotte : circulations d'air et humidité. Ces paramètres sont en effet susceptibles d'évoluer au cours du temps. Les courants d'air, en asséchant une face des concrétions et en « poussant » légèrement la goutte peuvent ainsi modeler au fur et à mesure la forme de l'excentrique. Les variations de débitdébit de l'eau, et notamment les arrêts et reprises de l'alimentation semblent également jouer un rôle. En effet, c'est lorsque l'alimentation en eau est en passe de s'arrêter que la présence d'impureté est la plus élevée. En conséquence, lorsque l'écoulement reprend, la nouvelle calcite va cristalliser avec un angle légèrement différent compte tenu de la différence de composition.

    L'ensemble de ces phénomènes (avec la gravité) s'additionnent bien entendu pour produire des concrétions parfois étonnantes.

    Des structures délicates observables dans de nombreuses grottes françaises

    Souvent discrètes, les excentriques sont toutefois assez fréquentes dans les grottes. Elles se nichent souvent dans de petites anfractuosités, des fissures ou des petites cavités reculées. Mais elles peuvent très bien recouvrir de vastes zones du plafond de salles beaucoup plus vastes.

    Ces œuvres d'art de la nature restent cependant très fragiles, qui mettent des centaines d'années à se former. Il est possible d'en admirer dans de nombreuses grottes françaises, comme la grotte de Clamouse dans l'Hérault, les grottes de Maxange et du Grand Roc en Dordogne, ou encore la grotte d'Estévan dans le Gard.