Ils ne représentent que 5 % des incendies mais sont responsables de plus de 50 % des surfaces brûlées de la planète. Les « mégafeux », ces brasiers hors normes capables de dégager des chaleurs intenses et de ravager des milliers d’hectares, sont désormais devenus si puissants que les scientifiques s’en servent pour simuler les effets d’une guerre nucléaire.


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    En juillet 2017, un incendie géant de plus de 467.000 hectares a dévoré les forêts de la Colombie-Britannique durant plusieurs semaines, avec près de 169 feux dont 29 qualifiés de majeurs. L'incendie était tellement puissant que les fumées injectées dans la stratosphère ont été visibles sur les images satellite durant près de huit mois, dégageant un immense panache noir éclipsant la lumièrelumière du SoleilSoleil. Une étude parue dans la revue Science, le 9 août dernier, décrit comment ce pyrocumulonimbus, le plus grand nuage de ce genre jamais observé, s'est « auto-alimenté » en raison du rayonnement solaire. Composé de 2 % de noir de carbonecarbone (suie), qui absorbe la chaleur du soleil, le nuage a ainsi profité du réchauffement de l'airair ambiant qui a favorisé l'ascension de la fumée. Le panache a gonflé de 12 à 23 kilomètres en hauteur en deux mois, ont calculé les chercheurs.

    Les fumées dégagées lors du méga-incendie de forêt au Canada en juillet 2017 ont été tellement importantes qu’elles ont perduré près de huit mois dans la haute atmosphère. © <em>Nasa Earth Observatory</em>
    Les fumées dégagées lors du méga-incendie de forêt au Canada en juillet 2017 ont été tellement importantes qu’elles ont perduré près de huit mois dans la haute atmosphère. © Nasa Earth Observatory

    Hiver nucléaire : jusqu’à 150 tonnes de suie relâchées dans l’atmosphère

    En étudiant les caractéristiques de la fumée, la teneur en suie, l'altitude du nuage ou encore la vitessevitesse à laquelle l'ozoneozone décompose la fumée dans la haute atmosphèreatmosphère, les chercheurs estiment qu'un incendie géant comme celui de 2017 peut servir de modélisationmodélisation pour étudier les effets d’une guerre nucléaire. Malgré sa taille bien plus réduite (0,3 million de tonnes de suie, alors qu'un conflit entre l'Inde et le Pakistan produirait 15 millions de tonnes et une guerre entre les États-Unis et la Russie 150 millions de tonnes), les auteurs estiment que le modèle est parfaitement extrapolable. « Le processus d'injection de suie dans la stratosphère et le prolongement de sa duréedurée de vie par autoalimentation a déjà été modélisé comme conséquence d'un hiver nucléairehiver nucléaire », note Alan Robock, professeur au Département des sciences environnementales à la Rutgers University du Nouveau-Brunswick (Canada). Les chercheurs comptent à présent déterminer l'impact de ces fumées sur la production alimentaire mondiale et le risque de famine.

    Les mégafeux se multiplient partout dans le monde

    Une guerre nucléaire semble toutefois assez peu probable dans un horizon proche. Les mégafeux, en revanche, sont appelés à se multiplier à la faveur du changement climatique et de la sécheressesécheresse. En 2018, la Californie a connu son incendie le plus meurtrier de l'histoire, faisant 50 victimes et ravageant 435.000 hectares. En août 2019, une surface équivalente à celle de la Belgique a été dévorée par les flammes dans la taïgataïga sibérienne. Canada, Australie, Indonésie... les mégafeux se sont multipliés ces dernières années. Couvrant plus de 10.000 hectares, ils se caractérisent par leur rapidité de propagation, leur forte intensité et leurs fronts multiples les plaçant hors de portée des pompiers. Selon une étude de l’université de Harvard, la probabilité d'incendies géants va être multipliée par deux ou trois d'ici 2050 aux États-Unis, entraînant une hausse des émissionsémissions de particules de 20 % à 100 %. « L’augmentation de ces feux risque d'effacer tous les efforts accomplis pour l'amélioration de la qualité de l'air ces dernières années », prévient Loretta J. Mickley, coauteure de l'article.