S'il est courant d'observer des hybridations entre espèces proches de primates vivant dans une même zone, il est beaucoup plus rare et étonnant de constater des hybrides entre singes très différents. Un « singe mystère » femelle a été photographié en Malaisie en 2017 et une équipe de recherche indique qu'il pourrait s'agir d'un rare hybride.


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    La classification des primates en plusieurs genres dépend de certains aspects phylogénétiquesphylogénétiques mais également morphologiques, qui sont supposés constituer des barrières à la reproduction entre espèces de genres distincts. Or, le « singe mystère » présente un mélange de caractéristiques morphologiques qui pourraient appartenir à des espèces de genres différents qui se côtoient le long de la rivière Kinabatangan, en Malaisie, et qui seraient le nasique (Nasalis larvatusNasalis larvatus) et le semnopithèque à coiffe (Trachypithecus cristatus).

    Le macaque crabier pour sa part s'est adapté à la présence humaine en apprenant à négocier des objets contre de la nourriture. © Futura

    À partir de photographiesphotographies du « singe mystère », les auteurs de l'étude dans l'International Journal of Primatology ont pris des mesures anatomiques (longueurs de l'épaule au coude, de l'avant-bras, de la cuisse, du mollet) et les ont comparées à celles de ses parents supposés.

    Le « singe mystère » avait un nez assez prononcé comme celui du nasique et des poils de type et de coloration empruntés aux deux espèces

    Outre ces mesures, les auteurs ont constaté que le « singe mystère » avait un neznez assez prononcé comme celui du nasique et des poils de type et de coloration empruntés aux deux espèces. Il est à noter que cette femelle a été par la suite photographiée avec son petit, ce qui indique que l'hybridationhybridation entre N. larvatus et T. cristatus produit des individus fertiles.

    Plusieurs photographies de « singe mystère » ont été prises dans la même zone depuis 2017 et les auteurs pensent qu'elles montrent toutes le même spécimen, bien que cela ne puisse pas être une certitude.

    L'un des parents du « singe mystère » serait un nasique (<em>Nasalis larvatus</em>). © Igor, Adobe Stock
    L'un des parents du « singe mystère » serait un nasique (Nasalis larvatus). © Igor, Adobe Stock

    Des espèces confinées dans un même espace

    De précédentes observations révèlent la présence de groupes mixtes dans la zone ainsi que des femelles N. larvatus allaitant et s'occupant de jeunes T. cristatus. Les auteurs indiquent que ce cas rare d'hybridation dans la nature a pu être favorisé par la modification de l'environnement naturel de N. larvatus et de T. cristatus qui a été fragmenté par les plantations de palmiers à huile.

    Le second parent du « singe mystère » serait un semnopithèque à coiffe (<em>Trachypithecus cristatus</em>). © TravelmeSoftly, Adobe Stock
    Le second parent du « singe mystère » serait un semnopithèque à coiffe (Trachypithecus cristatus). © TravelmeSoftly, Adobe Stock

    Les deux espèces sont maintenant confinées dans une même bande de forêt et ont très peu de possibilités pour rejoindre d'autres parcelles de forêt. Chez les semnopithèques, les mâles ont de plus tendance à se disperser et s'il ne reste aucun mâle parmi les femelles, un nasique pourrait y avoir des opportunités d'accouplement. Par ailleurs, la plus grande taille des nasiques pourrait leur donner l'avantage face aux semnopithèques et les chasser de leur territoire.

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    Des analyses génétiquesgénétiques restent à effectuer pour confirmer cette supposée hybridation et les auteurs envisagent d'effectuer des prélèvements de fècesfèces. Si l'hypothèse de l'hybridation est confirmée, les auteurs mettent en garde contre la potentielle extinction de l'une des deux espèces. Une partie des gènesgènes de cette dernière pourrait alors être assimilée chez la seconde espèce qui serait plus performante dans ce milieu restreint.