L'Espagne est actuellement confrontée à sa pire sécheresse depuis au moins 100 ans et les réserves d'eau sont au plus bas avant même le début de l'été. Un processus qui s'aggrave chaque année en raison des situations de blocage météo et d'une mauvaise gestion de l'eau. L'Espagne devient-elle un désert ? La réponse semble désormais évidente.
au sommaire
L'Espagne vient de subir sa pire canicule jamais enregistrée pour un mois d'avril. Une température est même entrée dans l'histoire de la météorologie comme la plus élevée relevée aussi tôt dans l'année à l'échelle de l'Europe : 38,8 °C à Cordoue, le 27 avril. Sur l'ensemble du pays, les températures se sont situées 10 à 18 °C au-dessus des moyennes de saison, du jamais-vu à cette époque. Cette vague de chaleurchaleur intense s'est produite dans un contexte déjà catastrophique : une sécheresse généralisée, accompagnée de feux de forêts précoces. Depuis le mois de mars, la totalité du pays est en état de sécheresse, et les trois quarts du pays en état de sécheresse extrême, le niveau le plus élevé.
74 % du territoire espagnol est en danger de désertificationdésertification, à un niveau plus ou moins élevé selon les régions. Ce risque est jugé comme élevé ou très élevé pour 18 % de l'Espagne, comme c'est le cas en Andalousie et en Catalogne. Ce processus, qui semble désormais inévitable sur le pays, a deux causes majeures : le réchauffement climatiqueréchauffement climatique d'origine humaine qui entraîne une modification de la circulation atmosphériquecirculation atmosphérique, et un problème immense de gestion de l'eau, également d'origine humaine.
La circulation atmosphérique a changé au-dessus de l'Espagne
D'une manière générale, on constate depuis une dizaine d'années que l'Europe de l'ouest (Espagne, Portugal, France, Angleterre) est de plus en plus touchée par des blocages anticycloniques, plus longs et plus intenses. Les anticyclones subtropicaux remontent davantage au nord, sur ces pays, y restent plus longtemps (d'où le terme météo de blocage) et sont plus puissants. On parle alors de dôme anticyclonique, ou encore de dôme de chaleurdôme de chaleur. L'anticycloneanticyclone est toujours responsable d'un temps calme, il n'y a donc pas de précipitationsprécipitations, ce qui déclenche ou aggrave une sécheresse. Cette transformation des conditions météo sur l'Europe de l'ouest, dont la péninsulepéninsule ibérique, fait partie des conséquences qui devraient s'aggraver dans le futur avec l'accentuation du réchauffement climatique. Il ne s'agit donc pas d'un cycle temporaire, comme cela peut se produire au niveau météo, mais d'une tendance qui s'inscrit sur le long terme. Les prévisions climatiques sont très pessimistes en Espagne : jusqu'à -25 % de précipitations d'ici 50 ans, et la chaleur qui s'accentue va faire évaporer le peu de pluie qui tombe au sol.
Le réchauffement climatique fait donc clairement entrer l'Espagne dans une période de désertification qu'il ne sera pas possible de freiner tant que les émissionsémissions de gaz à effet de serregaz à effet de serre continueront au même rythme.
L'eau souterraine est surexploitée depuis les années 1960
Mais le processus de désertification en cours a largement été accentué par une très mauvaise gestion de l'eau, selon Salvador Sanchez-Carillo, géologuegéologue espagnol et chercheur au Conseil supérieur des recherches scientifiques ainsi qu'au Musée national d'histoire naturelle du pays. Interrogé par Globe Echo, il explique que « si la gestion de l'eau ne change pas en Espagne, le pays deviendra un désertdésert ». Pas d'ici 100 ans, mais en quelques dizaines d'années. « Lorsque le pays a commencé à se développer dans les années 1960, l'eau souterraine a été exploitée, principalement pour l'irrigationirrigation de certaines cultures qui rapportent plus, ces ressources ont alors été surexploitées. Le niveau des aquifèresaquifères a baissé. Et en cas de sécheresse et de vague de chaleur, les écosystèmesécosystèmes qui ont besoin de cette eau souterraine pour survivre n'en ont plus ». 25 % des réserves d'eau souterraines sont surexploitées en Espagne et 46 % en mauvaise condition.
Actuellement, le niveau des réservoirs d'eau n'est rempli que de 7 à 25 % sur le sud du pays, alors même que l'été n'a pas débuté.
En 2022, l'Espagne a pourtant mis en place une nouvelle stratégie de lutte contre la désertification, un programme de surveillance et de développement écologique prévu jusqu'en 2030. Son but ? Restaurer les sols dégradés par l'érosion. Cependant, comme le précise Gabriel del Barrio, expert en désertification pour le CSIC (Arid Zones Experimental Station)) : « il est possible de changer les choses, mais une fois le sol dégradé, cela prendra des dizaines, voire des centaines d'années ».