Pour éviter une catastrophe climatique, nous allons devoir décarboner notre économie. Mais aussi, compter sur certains écosystèmes pour stocker du carbone. Et des chercheurs nous proposent aujourd’hui une cartographie de ces écosystèmes qu’il faut désormais à tout prix préserver.


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    Les forêts de séquoias, les mangroves sur les côtes tropicales ou encore les tourbières. Toutes ces régions ont capté, au fil des siècles, des milliards de tonnes de carbonecarbone. Mais elles sont aujourd'hui en danger. Menacées par la conversion de l'utilisation des terres et par le réchauffement climatique, la déforestation, les feux de forêt, l'agriculture intensive ou encore le drainagedrainage des marécages. Et des chercheurs réunis sous la bannière de Conservation International (États-Unis) nous préviennent, dans le contexte de crise climatique que nous vivons, « il y a des régions que nous ne pouvons pas nous permettre de perdre. » Leur destruction libérerait en effet une quantité colossale de carbone.

    Ce carbone, les scientifiques n'hésitent pas à le qualifier d'irrécupérable. Irrécupérable parce que la régénération de ces écosystèmesécosystèmes -- bien que généralement relativement rapide à l'échelle de la planète -- prendrait trop de temps pour nous permettre d'atteindre le zéro émission nette à l'horizon 2050. Et éviter le pire à notre système climatique. Déjà, les chercheurs estiment que depuis 2010, au moins 4 gigatonnes (Gt) de carbone irrécupérable ont été définitivement perdues. Il en reste toutefois près de 140 Gt !

    Le saviez-vous ?

    140 gigatonnes de carbone, cela équivaut à environ 15 années d’émissions humaines au rythme actuel. Si tout ce carbone irrécupérable était libéré, il deviendrait presque certainement impossible de tenir l’objectif d’un réchauffement climatique inférieur à 1,5 °C au-dessus des moyennes préindustrielles.

    Or, pas moins de la moitié de ce carbone irrécupérable est stocké dans à peine plus de 3 % des terres. C'est l'une des conclusions essentielles des travaux menés par les chercheurs à ce sujet. Ils ont en effet cartographié ce carbone irrécupérable, à l'aide de données satellites et d'estimations de la quantité totale de carbone stocké par les écosystèmes.

    Voici la cartographie du carbone irrécupérable proposée par des chercheurs réunis sous la bannière de Conservation International (États-Unis). Plus de 14 %, par exemple, sont concentrés au Brésil © Conservation International
    Voici la cartographie du carbone irrécupérable proposée par des chercheurs réunis sous la bannière de Conservation International (États-Unis). Plus de 14 %, par exemple, sont concentrés au Brésil © Conservation International

    Un effort à faire sur quelques régions sensibles

    Pour évaluer la part de carbone irrécupérable, les chercheurs ont fait l'hypothèse que les terres défrichées, les écosystèmes transformés étaient ensuite laissés livrés à eux-mêmes. Le tout afin d'éviter d'entrer dans les détails de la conversion des terres. Puisque les quantités de carbone qui peuvent être stockées sont très différentes, que les terres deviennent des plantations de palmiers à huile ou... des places de stationnement.

    Selon les chercheurs, les écosystèmes les plus importants à préserver sont les mangroves -- qui stockent près de 220 tonnes de carbone par hectare (t/ha) --, les tourbières tropicales -- plus de 190 t/ha -- et les terres humides boréales -- plus de 170 t/ha. Les zones clés à sauvegarder se situent du côté des forêts de l’Amazonie -- plus de 30 Gt --, des îles de l'Asie du Sud-est -- plus de 13 Gt -- ou encore dans le bassin du Congo -- plus de 8 Gt. Et le fait que ce carbone irrécupérable soit si concentré en certaines régions du globe devrait finalement le rendre plus facile à préserver. Déjà, plus de 20 % se trouvent dans des zones protégées. Et près de 35 %, dans des zones gérées par des peuples autochtones. Pour assurer le stockage de 75 % du carbone irrécupérable, il suffirait donc de protéger 8 millions de kilomètres carrés de terre en plus.

    L'ennui, tout de même, c'est que ces réservoirs se situent aujourd'hui aussi majoritairement dans des régions à haut potentiel -- ou risque, selon le point de vue -- de développement. Les chercheurs espèrent donc que leurs cartes permettront d'y voir plus clair. En aidant à concentrer les efforts sur les zones qui comptent le plus pour le climatclimat. D'autant que ces zones s'avèrent généralement riches en biodiversitébiodiversité. L'occasion finalement, de faire... d'une pierre deux coups !