Saviez-vous que les sangliers n’ont pas toujours pullulé en France ? Dans les années 1970, ils étaient 20 fois moins nombreux dans les tableaux de chasse ! Pourquoi serait-il nécessaire de les réguler à présent, et quelles sont les incohérences dans le discours des chasseurs ?


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    Les sangliers d'Eurasie (Sus scrofaSus scrofa), sont les cousins sauvages, mais néanmoins de la même espèce, du porc domestique. Présents en France depuis la préhistoire, ils sont naturellement présents dans une large portion de l'Europe et de l'Asie. Ce sont des animaux qu'on dit ubiquistes, c'est-à-dire qu'ils peuvent se trouver dans des milieux variés grâce à leur flexibilité écologique, ce qui leur permet une répartition géographique large. 

    Quand l'animal autochtone devient encombrant

    Mais, en tant que partie intégrante de l'écosystème, la population de sangliers ne devrait pas poser de problème particulier. Les prédateurs des suidés en Europe sont d'ordinaire des carnivores tels que les loups, les ours, mais aussi les lynx qui peuvent s'attaquer aux marcassins. C'est là le premier problème, ces animaux ont été décimés ou ont même disparu de France, avant de repeupler, parfois timidement, leur territoire depuis quelques décennies, alors que le nombre des porcs sauvages recensés par la chasse a été multiplié par 20 en 50 ans. 

    Le changement climatiquechangement climatique, le reboisement de la France et l'abondance de nourriture à leur disposition dans des cultures agricoles de plus en plus rentables sont aussi des phénomènes relativement durs à contrôler qui favorisent le développement inédit qui leur a valu le statut de « nuisibles ». Mais il est un facteur qui semble étonnamment tenace malgré la situation déplorable, c'est le rôle des chasseurs dans cette explosion démographique. Plusieurs actions communément pratiquées par ces derniers ont eu des conséquences bien tangibles sur la croissance de la population porcine, comme le fait d'épargner les laies (femelles du sanglier) reproductrices, de relâcher des sangliers d'élevage dans la nature, ou de croiser ceux-ci avec des porcs domestiques pour créer des hybrides plus féconds (parfois appelés « cochongliers »). Mais la pratique la plus décriée est sans doute celle de l'agrainage. 

    Voici à quoi ressemblent certains dispositifs distributeurs de grains. Certains sont conformes à la légalité, d'autres non. Pour en avoir le coeur net, il faut se référer au schéma départemental de gestion cynégétique, qui établit si l'agrainage est autorisé, et sous quelles conditions. © Sebleouf, Wikimedia Commons
    Voici à quoi ressemblent certains dispositifs distributeurs de grains. Certains sont conformes à la légalité, d'autres non. Pour en avoir le coeur net, il faut se référer au schéma départemental de gestion cynégétique, qui établit si l'agrainage est autorisé, et sous quelles conditions. © Sebleouf, Wikimedia Commons

    Celle-ci consiste à nourrir les porcs sauvages directement dans leur milieu, le plus souvent avec du maïsmaïs. Cette pratique est légale mais soumise à un encadrement strict (même si de nombreux cas de nourrissages illégaux ont été rapportés), et doit en principe servir à "dissuader" les sangliers de s'attaquer aux cultures en les attirant loin de celles-ci. Mais l'efficacité de ce stratagème est discutée, et son effet secondaire majeur est d'habituer une population d'animaux sauvages à trouver une source de nourriture régulière et constante sur son territoire, ce qui augmente significativement son rendement reproductif. 

    En toute logique, l'activité de régulation chère aux chasseurs serait plus efficace en abandonnant ces pratiques contre-productives, éventuellement en focalisant les efforts sur la protection des cultures, qui souffrent des dommages infligés par les sangliers.