Les chercheurs ont longtemps considéré les ailes des papillons comme des membranes inertes. Pourtant, une étude vient de montrer que ces ailes contiennent des cellules vivantes, et nécessitent une régulation fine de la température. Elles ont un rôle de détection des rayons du soleil, de leur intensité et de leur direction pour que le papillon puisse éviter la surchauffe. Mais ce n'est pas la découverte la plus surprenante : les ailes des papillons ont leur propre cœur. 


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    En raison de leur petite taille conduisant à une petite capacité thermique, les ailes des papillons sont très sensibles à la température. Les papillons se reposant au soleilsoleil peuvent surchauffer rapidement, tandis qu'un envol dans un climat trop froid les refroidit à l'excès. Pour remédier à ces dangereuses variations, les lépidoptères ont diverses stratégies de régulation qu'une étude publiée dans Nature Communications vient de dévoiler. 

    Les chercheurs ont découvert que les membranes des ailes sont loin d'être inertes. En effet, elles sont chargées d'un réseau de cellules vivantes ainsi que de capteurscapteurs mécaniques et de température. Ils permettent de détecter précisément l'intensité et la direction de la lumièrelumière du soleil, les yeuxyeux fermés !

    Les chercheurs ont réalisé une vidéo explicative de leur étude. © Columbia Engineering, YouTube

    Un « cœur d'aile », poétique et pratique

    Par ailleurs, les ailes de certaines espèces de papillon possèdent un organe androconial constitué d'écailles, les androconies, qui diffusent des phéromones sexuelles. Pour que l'hémolymphe, c'est-à-dire l'équivalent du sang chez certains insectes, voyage correctement à travers les androconies, ces ailes sont dotées d'un « cœur ». Il bat quelques dizaines de fois par minute et facilite ainsi la circulation du liquideliquide vital.

    Ces informations ont convaincu Naomi Pierce, une des autrices de l'étude, professeure de biologie et conservatrice des lépidoptères au Museum of Comparative Zoology, à Harvard. « Ce travail montre que nous devons reconceptualiser l'aile du papillon comme une structure vivante et dynamique, plutôt que comme une membrane relativement inerte, » explique-t-elle.

    Dans cette vidéo, on peut observer le mouvement de l'hémolymphe (les hémocytes sont marqués par des points blancs) vers le « cœur d'aile ». À la fin, on observe distinctement ce « cœur » battre. © Columbia Engineering

    Les ailes des papillons ont un système de refroidissement

    Cela semble d'autant plus fondé que leurs découvertes ne s'arrêtent pas là. Les chercheurs ont pu reproduire en laboratoire différentes conditions environnementales afin d'observer leurs effets sur les ailes des papillons. D'une part, ils ont vu que l'intensité de la lumière, la température de l'environnement terrestre et la « froideur » du ciel peuvent servir de dissipateur thermique et donc refroidir les ailes. D'autre part, ils ont constaté que les zones des ailes qui contiennent des cellules vivantes (les veines, l'organe androconial, et le cœur d'aile) sont plus froides que les régions « mortes » et ce, peu importe les conditions environnementales.

    Cela serait dû à « une distribution hétérogène [...] de la dissipation de chaleurchaleur par rayonnement thermiquerayonnement thermique qui réduit de manière sélective la température des structures vivantes », explique Naomi Pierce. Ces structures étant nettement plus sensibles que leurs voisines inertes, elles doivent être spécifiquement protégées des températures trop élevées.

    La distribution de la température sur les ailes des papillons, chauffées par le soleil, montre que les tissus vivants (veines, cœur d'aile, organe androconial) sont significativement plus froids que les tissus sans vie. © Nanfang Yu et Cheng-Chia Tsai, <em>Columbia Engineering</em>
    La distribution de la température sur les ailes des papillons, chauffées par le soleil, montre que les tissus vivants (veines, cœur d'aile, organe androconial) sont significativement plus froids que les tissus sans vie. © Nanfang Yu et Cheng-Chia Tsai, Columbia Engineering

    Tous ces mécanismes permettent aux papillons de s'adapter à la chaleur, que ce soit de façon structurelle ou par un changement de comportement. Par exemple, les capteurs de rayonnement solairerayonnement solaire déclenchent, à partir de 40 °C, un petit tour sur eux-mêmes des papillons. Et la surchauffe est évitée. 

    Nanfang Yu, professeur de physiquephysique appliquée au sein de ColumbiaColumbia Engineering, voit déjà les applicationsapplications concrètes. « C'est une inspiration pour la conception des ailes des machines volantes. Peut-être que la conception des ailes ne devrait pas être uniquement basée sur des considérations de dynamique de vol ! Les ailes pourraient être conçues comme un système sensori-mécanique intégré, permettant aux machines volantes de mieux fonctionner dans des conditions aérodynamiques complexes. »