La découverte, en Éthiopie, d’un crâne vieux de 3,8 millions d’années, dans un état de conservation exceptionnel, relance le débat sur la compréhension du processus d'évolution des hominidés. Ce fossile est peut-être le chaînon manquant entre les célèbres Toumaï, Ardi et Lucy, entre nos plus anciens ancêtres et les groupes les plus récents.


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    Un nouveau candidat pour le panthéon préhistorique ? Un crânecrâne d'Australopithèque vieux de 3,8 millions d'années et « remarquablement complet » a été mis au jour en Éthiopie, une découverte qui bouscule une nouvelle fois notre vision de l'évolution.

    « Ce crâne est l'un des plus complets des fossiles d'hominidés de plus de 3 millions d'années », explique à l'AFP, Yohannes Haile-Selassie du Museum of Natural history de Cleveland (États-Unis), coauteur de deux études publiées mercredi dans la revue Nature.

    Un atout qui pourrait lui valoir de « devenir une nouvelle icôneicône de l'évolution humaine », juge Fred Spoor du Natural History Museum de Londres dans un commentaire. Et de rejoindre ainsi les célèbres ToumaïToumaï, Ardi et LucyLucy.

    Yohannes Haile-Selassie, du <em>Museum of Natural history</em> de Cleveland, pose avec un fragment du crâne de l'Australopithèque découvert en Éthiopie, le 28 août 2019. © HO - <em>Cleveland Museum of Natural history</em>, AFP
    Yohannes Haile-Selassie, du Museum of Natural history de Cleveland, pose avec un fragment du crâne de l'Australopithèque découvert en Éthiopie, le 28 août 2019. © HO - Cleveland Museum of Natural history, AFP

    À titre de comparaison, Toumaï (un Sahelanthropus tchadensis), considéré par certains paléontologuespaléontologues comme le premier représentant de la lignée humaine, est vieux d'environ 7 millions d'années. Il a été mis au jour en 2001 au Tchad. Ardi (pour Ardipithecus ramidus, une autre espèce d'hominidé) découvert en Éthiopie aurait 4,5 millions d'années et Lucy, la très célèbre Australopithèque, découverte en Éthiopie en 1974, est âgée de 3,2 millions d'années. D'autres fossiles d'Australopithèques, moins connus, datent d'au moins 3,9 millions d'années mais seules des mâchoires et des dents avaient été retrouvées. Sans « vieux » crâne, notre compréhension de l'évolution de ces hominidés éteints restait très partielle.

    Découvert en février 2016 sur le site de Woranso-Mille, dans la région Afar en Éthiopie (à 55 km de là où a été découverte Lucy), ce nouveau fossile, appelé MRD, appartiendrait à l'un des tout premiers Australopithèques, appelés Australopithecus anamensis.

    Photo fournie par le Museum of Natural history de Cleveland le 28 août 2019 montrant un fragment de crâne d'Australopithèque vieux de 3,8 millions d'années découvert en Ethiopie. © HO - <em>Cleveland Museum of Natural history</em>, AFP
    Photo fournie par le Museum of Natural history de Cleveland le 28 août 2019 montrant un fragment de crâne d'Australopithèque vieux de 3,8 millions d'années découvert en Ethiopie. © HO - Cleveland Museum of Natural history, AFP

    Lequel a chassé l'autre ? 

    « Nous pensions que A. anamensis (MRD) se transformait progressivement en A. afarensis (Lucy) avec le temps », explique Stephanie Melillo du Max PlanckMax Planck Institute for Evolutionary Anthropology en Allemagne, coauteur des deux études. Mais voici que cette dernière découverte relance les dés, révélant que les deux espèces se seraient croisées dans les savanes de l'Afar pendant environ 100.000 ans.

    « Cela change notre compréhension du processus d'évolution et soulève de nouvelles questions : étaient-ils en compétition pour la nourriture ou l'espace ? », s'interroge Stephanie Melillo.

    Même s'il est tout petit, le crâne devait être celui d'un adulte, a priori masculin. Des reconstitutions faciales réalisées à partir des caractéristiques du fossile présentent un hominidé aux pommettes projetées vers l'avant, à la mâchoire proéminente, au neznez épaté et au front étroit. « C'est bon de pouvoir enfin mettre un visage sur un nom », s'enthousiasme la paléoanthropologue.

    Photo montage réalisé par le <em>Museum of Natural history</em> de Cleveland, reconstituant un visage à partir du crâne d'un Australopithèque découvert en Ethiopie. © HO - Cleveland Museum of Natural History, AFP
    Photo montage réalisé par le Museum of Natural history de Cleveland, reconstituant un visage à partir du crâne d'un Australopithèque découvert en Ethiopie. © HO - Cleveland Museum of Natural History, AFP

    Un moment Eurêka ! qui comble l'espace entre deux groupes

    À la surprise des chercheurs, le crâne s'avère être un mélange de caractéristiques propres aux Sahelanthropus comme Toumaï et aux Ardipithecus comme Ardi mais aussi à d'autres d'espèces plus récentes. « Jusqu'à présent, il y avait un grand fossé entre les ancêtres humains les plus anciens, qui ont environ 6 millions d'années, et des espèces comme celle de Lucy, qui ont deux à trois millions d'années, raconte Stephanie Melillo pour qui cette découverte, relie l'espace morphologique entre ces deux groupes ».

    Le fossile n'a d'abord laissé entrevoir que sa mâchoire. « Je n'en croyais pas mes yeuxyeux quand j'ai vu le reste du crâne », se souvient Yohannes Haile-Selassie qui décrit un moment eurêka !, « un rêve devenu réalité ».