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Un enfant néandertalien, une des superbes « reconstructions » réalisées par Élisabeth Daynès, qui travaille avec des paléontologues. L'Homme de Néandertal a vécu 300.000 ans. Son nom vient de l'endroit où le premier squelette a été découvert en 1856 : la vallée de Neander, en Allemagne. Vallée se disant thal en vieil allemand, le h est conservé dans le nom latin Homo neanderthalensis et, par certains, dans le nom francisé. © Ph. Plailly, Eurelios
La disparition de l'Homme de NéandertalNéandertal suscite toujours de nombreuses interrogations, ce qui a donné naissance à un certain nombre de théories. Les Hommes anatomiquement modernes (Homo sapiens)) sont ainsi régulièrement accusés d'avoir causé le déclin de leurs cousins de manière indirecte (par exemple dans le contexte d'une concurrence pour l'espace vital) ou directe (génocide). Ces hypothèses ne satisfont cependant pas tous les spécialistes, à l'image de John Fa du Durrell Wildlife Conservation Trust à Trinity (Royaume-Uni). Pour ce chercheur, c'est le régime alimentaire spécifique de notre cousin qui aurait causé sa perte.
Les Hommes de Néandertal se nourrissaient principalement de grands mammifères capturés lors de chasses. Les cerfs et les mammouths faisaient très bien l'affaire, mais des indices trouvés en 2008 ont également montré que les phoques et les dauphins constituaient parfois des mets de choix. Mais comment opéraient-ils lorsque ces proies venaient à manquer ? Pouvaient-ils se rabattre sur des animaux de plus petite taille ? Vraisemblablement non, selon le chercheur britannique qui vient de publier, en compagnie d'autres collaborateurs, un article à ce sujet dans le Journal of Human Evolution.
Les squelettes de l'Homme de Néandertal et de l'Homme moderne sont relativement similaires. Homo neanderthalensis (que l'on voit ici) est cependant plus trapu qu'Homo sapiens. Sa taille moyenne devait être comprise entre 1,55 et 1,65 mètre. © Claire Houck, Flickr, cc by sa 2.0
L’Homme moderne a su s’adapter et manger du lapin
John Fa a retracé l'évolution de la biomasse (en kgkg/km2) et du poids moyen (en kg) des grands mammifères ayant vécu sur la péninsule Ibérique et dans le sud de la France sur une période d'environ 50.000 ans, entre la fin du Moustérien et le Mésolithique, il y a une petite dizaine de millénaires. Pour ce faire, il a dénombré et mesuré les restes d'animaux trouvés dans des grottes habitées par des hominidés. D'importantes diminutions ont été soulignées pour les deux critères étudiés voilà 30.000 ans, ce qui soulignerait une importante raréfaction des grands mammifères à cette période.
En revanche, un mammifère plus petit semble s'être porté à merveille à l'époque : le lapin. De plus en plus de restes de lagomorphes ont en effet été trouvés dans les grottes... mais après la disparition des Hommes de Néandertal à la fin de l'époque moustérienne voilà 30.000 ans. Il n'en fallait pas plus à l'auteur pour valider sa théorie : l'Homme de Néandertal aurait disparu à cause de son incapacité à capturer des lapins lorsque le gros gibier s'est raréfié ! Ainsi, il n'aurait pas réussi à adapter ses techniques de chasse et son régime alimentaire.
Cette hypothèse risque de faire polémique, notamment car la viande ne devait pas constituer le seul aliment consommé par les Homo neanderthalensis, comme l'ont déjà souligné certains chercheurs. Il est difficile d'expliquer pourquoi ils n'ont pas su s'adapter. Selon John Fa, cela pourrait résulter d'un manque de coopération entre les individus. Les Hommes de Néandertal utilisaient peut-être encore des lances pour capturer leurs proies quand Homo sapiensHomo sapiens s'organisait pour encercler ses cibles avec des feux, de la fumée ou des chienschiens. Des études isotopiques devraient être réalisées sur des ossements d’hominidés pour confirmer ou infirmer la théorie de John Fa.