Tucker, un chien à l’odorat sensible, vient d’aider des chercheurs à comprendre la réaction des orques face à différents stress. Ces mammifères marins n’ont besoin que d’une chose pour être heureux : du poisson. Tant qu’ils ont à manger, ils ne se soucient pas trop des hordes de touristes avides de whale-watching.

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    La mer des Salishs abritait 88 orques en 2011. Dans cette même région, près de 50 spécimens ont été capturés vivants entre 1960 et 1970 pour être envoyés dans des aquariums ou des marinas. © dejahthoris, Flickr, CC by-nc-sa 2.0

    La mer des Salishs abritait 88 orques en 2011. Dans cette même région, près de 50 spécimens ont été capturés vivants entre 1960 et 1970 pour être envoyés dans des aquariums ou des marinas. © dejahthoris, Flickr, CC by-nc-sa 2.0

    Les orques peuvent avoir un mode de vie nomade, offshore, ou bien résident. Dans ce dernier cas, ces cétacés sont plus faciles à étudier car ils reviennent chaque année vivre dans des régions, normalement riches en poissons, bien définies. La mer des Salishs, située sur la côte ouest américaine au niveau du Puget Sound, accueille ainsi les même groupes d’orques depuis des décennies. Ils viennent y chercher des saumons chinooks à l'embouche du fleuve Fraser.

    Cette communauté a subi de lourdes pertes entre 1995 et 2001, voyant sa population se réduire de 20 %. Elle est depuis considérée comme étant en danger par les autorités américaines et canadiennes. Trois facteurs de stressstress pourraient avoir joué un rôle, séparément ou en association, sur cette catastrophe démographique : une diminution du nombre de saumons disponibles, la présence des bateaux de whale-wathing et le risque de collision associé, et une contaminationcontamination par des toxinestoxines. Mais comment déterminer la sensibilité des orques face à ces événements ?

    Katherine Ayres, du Centre for Conservation Biology de l'University of Washington, s'est attaqué au problème dès 2007, en collaboration avec de nombreux collègues, en analysant des hormones de stress présentes dans les excréments des odontocètes. La méthode de collecte a été pour le moins... originale. Ses résultats viennent d'être publiés dans la revue Plos One. Il semble que ces mammifères marins soient particulièrement sensibles à l'absence de poissons, bien plus qu'à la présence de bateaux ou de toxines.

    Tucker est en pleine action. Il a été dressé pour indiquer la position d'excréments d'orque afin qu'ils puissent être prélevés. Le chien ne va jamais à l'eau. Il est tenu en laisse par l'auteur principal de l'étude, Katherine Ayres. © Jeanne Hyde

    Tucker est en pleine action. Il a été dressé pour indiquer la position d'excréments d'orque afin qu'ils puissent être prélevés. Le chien ne va jamais à l'eau. Il est tenu en laisse par l'auteur principal de l'étude, Katherine Ayres. © Jeanne Hyde

    Un chien renifleur d’excréments d’orque

    L'étape critique de l'étude consistait à trouver des fècesfèces d'un Orcinus orcaOrcinus orca, un animal passant 90 % de sa vie sous l'eau. La solution adoptée est surprenante. Le bateau de recherche a été équipé d'un... chien, un labrador nommé Tucker, dressé pour sentir les odeurs des excréments d'épaulard à plus d'un kilomètre et demi. Il s'agirait d'une première mondiale dans ce domaine. Les taux de glucocorticoïdes et de l'hormonehormone thyroïdethyroïde présents au sein de ces fèces ont alors été mesurés.

    Les glucocorticoïdes (GC) sont libérés immédiatement en présence d'un stress, comme un manque de nourriture ou l'existence d'un danger. Leur taux a tendance à augmenter en présence des bateaux de whale-watching, mais il a rapidement diminué lors de l'arrivée des saumons Oncorhynchus tshawytscha, vers la fin du printemps, alors que le nombre de bateaux augmentait, l'été approchant.

    L'hormone thyroïde (T3) régule le métabolismemétabolisme de l'animal, notamment en fonction de la nourriture disponible. Sa réponse n'est pas directe, elle a besoin de temps pour s'exprimer. Or son taux n'a augmenté qu'en présence de poissons. Les analyses ont en plus démontré que les orques avaient très bien mangé avant même d'arriver en mer de Salishs pour attendre l'arrivée du poisson. Il est probable qu'elles aient fait des réserves avant d'entreprendre la migration vers leur lieu d'estivage.

    Une seule solution : davantage de saumons

    Les trois facteurs sont tout de même unis par un lien. Le stress occasionné par la présence des bateaux augmente en absence de nourriture, ainsi que l'effet des toxines. Stockées dans les graisses, elles restent emprisonnées tant que l'animal s'alimente correctement. Mais elles sont libérées en période de jeûne, lorsque l'orque puise dans ses réserves lipidiques.

    Il semble donc que la solution soit simple, en apparence, pour diminuer l'impact des facteurs de stress incriminés et préserver cette communauté, il faut fournir suffisamment de poissons aux mammifères. Malheureusement, une nouvelle étude vient de démontrer que la libération massive de saumons d’élevage impactait considérablement l'état de santé du Pacifique. Alors, que faire... ?