Le mythe de la nature vierge où les petits oiseaux s’épanouiraient hors de toute présence humaine a du plomb dans l’aile. Une nouvelle étude rapporte que 72,5 % de l’espace terrestre avait déjà été façonné d’une manière ou d’une autre par l’Homme alors qu’il n’était encore qu’un chasseur-cueilleur. Mais à la différence de la période actuelle, son empreinte sur la nature n’avait pas tous les effets néfastes que l’on connaît aujourd’hui.


au sommaire


    Déforestation, artificialisation des sols, contaminationcontamination aux pesticides, assèchement des lacs et de rivières... Partout où l'Homme passe, il semble provoquer des catastrophes environnementales en série. Il y aurait d'un côté la « bonne » nature complètement vierge, et de l'autre la nature qui serait en quelque sorte « dénaturée » par l'Homme. Mais selon les auteurs d'une nouvelle étude parue dans la revue PNAS, cette vision est trop simpliste.

    90 % des forêts tropicales étaient occupées par l’Homme avant le Néolithique

    Erle Ellis et ses collègues ont comparé des cartes des populations humaines et de l'utilisation des terres au cours des 12.000 dernières années avec des données sur la biodiversité mondiale, et ont constaté que l'impact de l'Homme sur la nature est loin d'être nouveau. « Il y a déjà 12.000 ans, près des trois quarts de la surface terrestre (72,5 %) étaient habités et donc façonnés par des sociétés humaines, dont plus de 95 % des forêts tempérées et 90 % des forêts tropicalesforêts tropicales », atteste Erle Ellis. Une différence minime avec la situation actuelle puisqu'on estime que 80 % de la biosphèrebiosphère terrestre a été transformée à des degrés divers par les populations humaines en 2017.

    Ce n'est pas l’utilisation des terres elle-même qui entraîne une perte de biodiversité, c'est la façon dont elles sont utilisées

    Autrefois, la nature colonisée par l'Homme présentait une mosaïque de paysages diversifiés favorables à la biodiversité. « Les chasseurs-cueilleurschasseurs-cueilleurs, les premiers agriculteurs et les éleveurs partageaient souvent des paysages régionaux, pratiquant un large éventail d'activités de subsistance comme la chasse, la transhumance, la mobilité résidentielle, la polyculture ou la jachère », détaille Erle Ellis.

    Carte d’utilisation des sols en 2017 et évolution entre -10.000 et aujourd’hui. La ligne rouge représente la population mondiale. © Erle Ellis et al,<em> PNAS</em>, 2021 - traduction et adaptation C.D pour Futura
    Carte d’utilisation des sols en 2017 et évolution entre -10.000 et aujourd’hui. La ligne rouge représente la population mondiale. © Erle Ellis et al, PNAS, 2021 - traduction et adaptation C.D pour Futura

    Monoculture et mondialisation

    Mais aujourd'hui, la présence humaine se traduit par une homogénéisation de l'espace, la monoculture intensive, l'utilisation de pesticides à grande échelle, une irrigationirrigation massive et l'extraction de ressources naturelles non renouvelables. « L'émergenceémergence et la diffusiondiffusion de sociétés de plus en plus mondialisées et industrielles n'ont fait qu'accélérer cette tendance vers des habitats écologiquement homogènes, où des espècesespèces sont transportées intentionnellement ou non intentionnellement sur les différents continents ». Qu'est-ce qui différencie aujourd'hui un champ de maïsmaïs en Alsace d'un autre champ de maïs dans l'Indiana ? Un lapin de garenne de Roumanie d'un lapin australien ?

    Quand l’Homme a un impact positif sur la biodiversité

    Paradoxalement, les terres que nous considérons aujourd'hui comme « sauvages », comme la forêt amazonienne ou la savane africaine, ont une très riche biodiversité en raison d’une présence humaine passée, avancent également les chercheurs. « Nos données montrent que la richesse de vertébrésvertébrés et en espèces menacées était plus grande dans les zones habitées jusqu'à 1.500 ans avant notre ère », relate l'étude. Puis la tendance s'est inversée et l'Homme a commencé à avoir un impact négatif.

    L'instauration de zones protégées ne doit donc pas consister à chasser toute présence humaine du paysage. « Travailler avec les communautés locales et traditionnelles est essentiel si nous voulons préserver la biodiversité », concluent les auteurs. Qui mieux que le chef indien Raoni pour défendre ses territoires contre la déforestation ?