Des chercheurs ont pu déterminer la durée des journées il y a 70 millions d’années, grâce aux cernes de croissance d’anciens coquillages. Ces derniers constituent une véritable horloge biologique et climatique incroyablement plus précise que les mesures géologiques, et devraient permettre de mieux comprendre la formation de la Lune.


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    Vous connaissez la dendrochronologie, méthode scientifique qui consiste à dater les arbres et à retracer le climat en comptant leurs anneaux de croissance. C'est en appliquant la même méthode avec les cernes de coquillages qu'une équipe de scientifiques belges a pu évaluer la longueur des journées à l'époque du Crétacé supérieur, il y a 70 millions d'années. D'après leurs calculs, les jours comptaient à l'époque 23,5 heures, ce qui signifie que la Terre tournait plus rapidement, au rythme de 372 jours par an contre 365 jours aujourd'hui.

    Jusqu’à 5 mesures de datation par jour

    On sait depuis longtemps que la rotation de la Terre ralentit, en raison notamment des forces de maréeforces de marée exercées par la LuneLune, mais aussi des mers et des océans. Les journées gagnent ainsi en moyenne deux millièmes de seconde par siècle. La nouveauté de cette étude, publiée dans la revue Paleoceanography and Paleoclimatology, réside dans l'incroyable précision des nouvelles mesures effectuées. « Nous avons 4 à 5 points de données par jour, un niveau de détail jamais atteint dans l'histoire géologique », s'enthousiaste Niels de Winter, géochimiste à l'université de Bruxelles et principal auteur de l'étude. Plutôt que de compter les cernes à l'œilœil nu, ce qui peut donner des différences d'estimation allant jusqu'à 10 jours, les chercheurs ont utilisé un laserlaser faisant des trous de 10 micromètresmicromètres de diamètre, soit environ la taille d'un globule rougeglobule rouge.

    Le nombre d’anneaux de croissance et leur largeur (fines lamelles noires) permettent d’estimer la durée des journées. La distance entre les points rouges représente une année de croissance (sur la base des isotopes d’oxygène). © Niels de Winter et al, <em>Paleoceanography and Paleoclimatology</em>, 2020
    Le nombre d’anneaux de croissance et leur largeur (fines lamelles noires) permettent d’estimer la durée des journées. La distance entre les points rouges représente une année de croissance (sur la base des isotopes d’oxygène). © Niels de Winter et al, Paleoceanography and Paleoclimatology, 2020

    Les coquillages grandissent beaucoup plus vite le jour que la nuit

    Les coquillage analysés, de l'espèceespèce Torreites sanchezi, proviennent de la formation de Samhan en Oman, datant de 70 millions d'années. Extrêmement abondant à l'époque, cet ancien mollusque bivalve, ressemblant à une palourde, vivait dans des sortes de récifs et remplissait la même niche écologique que les coraux actuels. De l'ordre des rudistes, il avait une vitessevitesse de croissance impressionnante : jusqu'à 40 micromètres par jour, avec une sensibilité particulière au cycle jour-nuit. En mesurant précisément la largeur et le nombre d'anneaux quotidiens, les chercheurs ont ainsi évalué que la coquillecoquille grandissait beaucoup plus vite le jour que la nuit.

    Cette sensibilité au cycle lumineux suggère la présence d'une forme de vie symbiotique, probablement avec une alguealgue photosynthétique, comme c'est le cas des palourdes géantes actuelles. Une analyse de la composition chimique de la coquille a également permis de mesurer la température de l'océan à l'époque, ce dernier était alors beaucoup plus chaud qu'aujourd'hui : environ 40 °C l'été et 30 °C l'hiverhiver, « à la limite de ce que peuvent supporter les bivalvesbivalves », indique Niels de Winter.

    Étudier la formation de la Lune grâce aux coquillages

    Les coquilles des bivalves constituent une véritable mine d'information sur les cycles saisonniers, le paléoclimat ou les anciens écosystèmesécosystèmes. On peut, par exemple, y mesurer la salinité de l’eau ou le niveau d'oxygène de l'atmosphèreatmosphère. Avec cette nouvelle étude, les chercheurs estiment qu'ils vont pouvoir fournir de nouvelles indications sur la formation de la Lune. Pour compenser le ralentissement de la rotation de la Terre, celle-ci s'éloigne de 3,8 cm par an en moyenne.

    Or, à ce rythme, la Lune aurait dû se trouver à l'intérieur de la Terre il y a environ 1,4 milliard d'années, ce qui est évidemment impossible puisqu'elle s'est formée environ à la même période que la Terre, il y a 4,5 milliards d'années. En appliquant leur méthode de datation à des fossilesfossiles plus anciens, les chercheurs espèrent reconstituer l'histoire du système Terre-Lune grâce à la duréedurée des jours. Mais, les rudistes étant apparus au JurassiqueJurassique supérieur (145 millions d'années), il sera difficile de remonter bien loin dans le temps.