Aujourd'hui, nous plongeons dans les eaux du Yucatán pour déboucher dans un étonnant monde sous-marin. Célèbre point de rendez-vous pour les plongeurs, le cénote Angelita est aussi un lieu fascinant pour les amoureux des sciences.
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Dans la péninsule du Yucatán, au Mexique, se trouve le cénote Angelita, un lieu aussi étonnant que féerique. Cherchez-le sur une carte et vous ne verrez rien de plus qu'un modeste point d'eau à la bordure d'un axe routier.
Trouvez-le sur une image satellite et vous verrez que ce point d'eau se trouve dans la jungle, relié à la route par un chemin de terre.
Rendez-vous dans la jungle et vous trouverez un timide lac doté d'un embarcadère de bois.
Le cénote Angelita ne livre pas ses secrets si facilement. Mais si vous avez remarqué le bleu profond de ses eaux, alors vous êtes déjà sur la piste pour résoudre son mystère.
Le cénote : un gouffre sur les profondeurs
C'est que l'intérêt du cénote ne s'arrête pas à sa surface. Ces structures, essentiellement situées en Amérique du Nord et en Amérique centrale, sont en réalité des dépressions (gouffres, dolines et autres avens) pouvant atteindre plusieurs centaines de mètres de profondeur et remplies d'eau. Formant souvent une simple cuve, elles peuvent néanmoins être dotées de failles ou de ramifications débouchant sur l'océan. Dans ce second cas, on peut alors observer un phénomène fascinant dans les eaux du cénote. C'est le cas pour Angelita.
Durant les premiers 25 mètres de descente sous la surface d'Angelita, vous trouverez une eau pure et fraîche, la lumière du Soleil déclinant à mesure que vous parcourez par menus degrés la distance vous séparant du centre de la Terre. Cependant, alors que vous vous approcherez du sol, ou du moins de ce que vous en percevrez -- quelques troncs d'arbres et branches fantomatiques dépassant d'un lit de terre et de feuilles --, vous constaterez que celui-ci est entouré d'une étrange brume, serpentant le long de ses rives telle une rivière issue d'un roman gothique.
Une rivière « sous-marine »
Les eaux du cénote Angelita sont composées de trois couches principales dites méromictiques, c'est-à-dire qui ne se mélangent pas. En-dessous de ses 25 mètres d'eau fraîche se trouve du sulfure d'hydrogène : 3 mètres d'épaisseur d'un composé toxique, généré par la décomposition des débris organiques qui sombrent dans les eaux du cénote.
Dans ce liquide trouble, impossible d'y voir à plus de quelques brasses devant soi. Des branches émergent du brouillard là où rien ne se trouvait une seconde plus tôt. Cette interface, que les Mayas associaient à une porte vers l'inframonde, constitue l'halocline du cénote : la zone où l'eau salée et l'eau douce se rencontrent.
En effet, l'eau douce de la partie supérieure d'Angelita « flotte » sur une colonne d'eau salée, plus dense. Cette troisième couche, la plus profonde, descend jusqu'à plus de 50 mètres de profondeur et provient de l'océan, communiquant avec le cénote à travers des anfractuosités de la roche. Bien qu'Angelita, avec sa couche de sulfure d'hydrogène, constitue un cas particulier, vous pouvez observer ce à quoi ressemble une halocline avec une simple expérience réalisable chez vous.
Prenez un verre rempli d'eau extrêmement salée et versez délicatement une quantité d'eau douce à sa surface. Vous pouvez vous aider d'une cuillère, placée à l'horizontale, pour éviter que les deux liquides ne se mélangent. Vous devriez alors rapidement voir apparaître une troisième couche brumeuse, provoquée par les variations d'indice de réfraction entre les deux strates. À défaut de pouvoir voyager en temps de pandémie, vous pourrez ainsi vous évader quelques instants dans un verre d'eau grâce à la science !
Plongée dans l'halocline du cénote Angelita. © Brianelli123