Alors que nos sociétés sont engagées dans une course aux technologies toujours plus effrénée, souvent doublée d'une approche mercantile, nombre de personnes en viennent à se demander à qui bénéficient réellement ces évolutions. Néanmoins, le développement de l'intelligence collective et des sciences ouvertes commence progressivement à redistribuer les cartes dans certains secteurs, au profit des individus et de l'environnement.


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    Le monde spatial n'est pas immun à la controverse. Régulièrement gangrené par des ambitions plus belliqueuses et commerciales que scientifiques ou constructives, il lui est récemment arrivé de perdre de sa poésie, au point où certains se demandent si l'envoi de missions sur la LuneLune ou de satellites autour de la Terre peuvent encore servir un but honorable. Pour ce qui est des missions d'exploration spatiale, nous espérons que les nombreuses publications proposées par Futura vous auront permis de trouver un élément de réponse. Et pour ce qui est des satellites, nous sommes allés poser quelques questions à Jonathan Galic, cofondateur et CTO de la société Unseenlabs.

    Découvrez l'interview de Jonathan Galic, co-fondateur d'Unseenlabs, dans Jeunes Pousses. © Futura

    Comment ça marche ?

    « Le rôle d'Unseenlabs, c'est d'être une société privée - et donc non dépendante d'une institution militaire, par exemple - qui permet de rendre un service de vente de data, de commercialisation de données qui peuvent jouer un rôle majeur dans la surveillance maritime », nous explique-t-il. « On fait du Sigint, c'est-à-dire qu'on n'espionne pas des personnes, on capte des signaux que l'on détourne pour pouvoir localiser des objets. » Le Sigint, sigle-valise pour les mots signals et intelligenceintelligence, désigne les renseignements obtenus via les signaux, plus connus sous l'acronyme de ROEM en français.

    « À partir du petit voilier de plaisance, qui de nos jours est assez équipé en termes électroniques, qui a des surfaces métalliques qui rayonnent, on arrive à récupérer une onde électromagnétique qui se propage du navire jusque dans l'espace. » Ce signal est alors capté par les satellites d'Unseenlabs puis, « en mesurant assez finement un certain nombre de paramètres, on peut d'une part localiser sa provenance et d'autre part lui créer une sorte d'empreinte digitaleempreinte digitale qui permet d'associer des caractéristiques à ce porteur pour pouvoir le retrouver plus tard ».

    Des données oui, mais pour qui ?

    Une technologie impressionnante, mais qui amène inévitablement des questionnements quant aux implications éthiques de son utilisation. Les données collectées par Unseenlabs sont d'ailleurs catégorisées comme « assimilées à du matériel de guerre ». Mais, loin de signifier que c'est là l'usage qui en est fait, cette appellation attire plutôt l'attention sur la puissance de la technologie, ce qui permet de soumettre les informations qu'elle obtient à des licences d'export, afin de mieux les protéger. La data récoltée par ses satellites Bro-1, 2 et 3 est donc intrinsèquement protégée par la loi française. D'autre part, les cubesats envoyés en orbiteorbite basse par l'entreprise sont à la pointe des dernières avancées et mises à jour en matièrematière de sécurité informatique, limitant au maximum les risques d'attaque et de détournement de matériel.

    Image du site Futura Sciences

    Le cubesat Bro-1, envoyé en orbite en août 2019. © Unseelabs

    Enfin, ces données sont également protégées par l'engagement philosophique et moral des cofondateurs. Comme le dit Jonathan Galic : « On a pris conscience que cette technologie pouvait servir à autre chose que faire la guerre. » Afin de vivre, l'entreprise a donc choisi de vendre ces informations à la marine nationale, qui s'assure de la sécurité en mer et de la protection de l'environnement, aux armateurs souhaitant éviter des collisions avec des navires non déclarés en mer, ou encore aux compagnies d'assurances, qui cherchent à limiter au maximum les sinistres. Grâce à ces partenaires commerciaux, elle peut par ailleurs aider un autre acteur de la conservation des océans : les ONG.

    Un outil de pouvoir… pour les citoyens

    « Les océans, c'est très vaste, on n'y connaît rien ; c'est un milieu où tout est permis. C'est loin des yeuxyeux, donc les côtés sombres des humains peuvent s'y exprimer plus facilement », commente Jonathan Galic. Il cite des pratiques aussi écœurantes que la pêche illégale qui participe au pillage de certaines zones marines, ou le dégazage des navires, qui vident leurs cuves d'hydrocarbureshydrocarbures en mer. « Ça arrive de partout, et il y a besoin de moyens pour arrêter ces gens-là. » La meilleure façon d'agir pour Unseenlabs, c'est donc de donner gratuitement accès à ces informations à des ONG triées sur le volet (sécurité des données oblige), afin de les armer dans leur combat contre les pilleurs et les pollueurs.

    La marche pour les sciences ouvertes a récemment été porteuse d'initiatives cruciales dans la lutte contre la pandémiepandémie, qui démontrent une fois encore la puissance de l'intelligence collective. Les initiatives comme Unseenlabs ont certes besoin de clients pour vivre, mais elles prouvent néanmoins qu'il est toujours possible de choisir avec qui l'on fait affaire, et à qui bénéficiera l'avancement du savoir et des technologies sur le long terme. Espérons que de nombreux autres projets continueront d'offrir aux citoyens les moyens de dessiner eux-mêmes l'avenir qu'ils souhaitent pour leur planète !