Équipés de balise, des albatros ont participé au programme Ocean Sentinel. Grâce à ces grands oiseaux de mer attirés par les bateaux de pêche, des chercheurs du CNRS et de la Rochelle Université ont pu estimer la proportion des unités naviguant dans l'océan Austral sans système d'identification, et pratiquant une pêche illégale.


au sommaire


    Grâce à des albatros équipés de balise, des chercheurs du CNRS et de La Rochelle Université, associés à l'administration des Terres australes et antarctiques françaises, gestionnaire de la réserve naturelle des Terres australes françaises, peuvent apporter une première estimation du nombre de bateaux de pêche naviguant sans système d'identification dans l'océan Austral. Les résultats du projet Ocean Sentinel sont publiés cette semaine dans PNAS.

    Grand albatros équipé d'une balise au large des Kerguelen. © C. Matheron, Taaf
    Grand albatros équipé d'une balise au large des Kerguelen. © C. Matheron, Taaf

    Des albatros « espions » pour traquer la pêche illégale

    Les albatros, « vastes oiseaux de mer », n'inspirent pas que les poètes. En effet, des scientifiques du Centre d'études biologiques de Chizé (CNRS/La Rochelle Université) se sont appuyés sur ces « indolents compagnons de voyage » pour détecter les bateaux de pêche qui n'ont pas de système d'identification automatique (AIS) dans tout le sud de l'océan Indien. Ces oiseaux présentent deux caractéristiques très intéressantes pour leur mission : ils couvrent de larges distances en vol et sont particulièrement attirés par les bateaux de pêche. De bons candidats pour le programme Ocean Sentinel, mis sur pied par les chercheurs en collaboration avec les équipes de la réserve naturelle et la société néo-zélandaise SextantSextant Technology.

    Plus du tiers des bateaux rencontrés dans les eaux internationales n’étaient pas identifiables

    Avec près de 170 albatros équipés de balises durant six mois, le projet Ocean Sentinel a permis de surveiller plus de 47 millions de km2 de l'océan Austral, offrant la première estimation de la proportion de navires de pêche non déclarés opérant dans cette région. Les chercheurs ont ainsi observé que plus du tiers des bateaux rencontrés dans les eaux internationales n'étaient pas identifiables.

    Zone de prospection dans l'océan Indien des albatros (ligne bleue) et localisation des navires déclarée (points verts) et non déclarés (points rouges) dans les eaux internationales et dans les zones économiques (lignes jaunes). © Weimerskirch et al., PNAS
    Zone de prospection dans l'océan Indien des albatros (ligne bleue) et localisation des navires déclarée (points verts) et non déclarés (points rouges) dans les eaux internationales et dans les zones économiques (lignes jaunes). © Weimerskirch et al., PNAS

    Une localisation à partir des radars

    Les balises d'Ocean Sentinel reposent sur un système ArgosArgos, un GPS et un détecteur de radar miniaturisé unique au monde. Car même si les pêcheurs illégaux ne sont pas équipés d'AIS, ils ont besoin d'un radar pour naviguer. Lorsqu'un albatros s'approche d'un bateau, sa balise détecte le signal radar émis et indique directement sa position aux scientifiques. Si elle ne correspond pas à celle d'un navire identifié par l'AIS dans une zone économique, le bateau est probablement impliqué dans une activité illégale.

    Développé dans le cadre d'un programme européen ERC Proof of ConceptProof of Concept, avec le soutien de l'Institut polaire français Paul-Émile VictorPaul-Émile Victor, le programme Ocean Sentinel encourage le développement d'innovations rendant possible la récolte de données de conservation indépendantes grâce aux animaux. Déjà en phase de test en Nouvelle-Zélande et à Hawaï, la technologie développée pourrait également être adaptée pour d'autres espèces marines comme les requins ou les tortuestortues de mer.