Après des années de négociations, un accord historique visant à protéger la haute mer vient d'être signé. S'il ne sera adopté définitivement que dans quelque temps, il représente néanmoins une véritable réussite pour la protection de plus de 60 % des océans.
au sommaire
Samedi 4 mars, les États membres de l'ONU ont établi après des années de négociation un traité historique visant à protéger les eaux internationales. Celles-ci, dénommées juridiquement par « haute mer », désignent les zones maritimes non contrôlées par un État, à partir de 370 km au large des côtes. Considérées comme un « bien public mondial », elles représentent plus de 60 % des océans, et n'ont jamais été régulées jusqu'à aujourd'hui.
Aucune loi n'interdit actuellement la pêche, la surpêche, le trafic, ou toute activité qui serait illégale dans le cas d'un contrôle juridique : c'est la liberté qui prévaut. Pourtant, à l'heure où la biodiversité s'effondre, notamment la biodiversité marine, c'est la liberté de garder les océans en vie qui doit prévaloir. Ils jouent de plus un rôle primordial pour le réchauffement climatique, par l'absorptionabsorption du CO2 et la création de plus de la moitié de l'oxygène que nous respirons.
30 % d'aires protégées en haute mer d'ici 2030
La finalisation de ce traité, qualifiée de « moment historique », vise à protéger 30 % de ces eaux internationales d'ici 2030. Car, pour le moment, seul 1 % de la haute mer est à l'abri. L'impact environnemental de chaque activité proposée en haute mer devra aussi être évalué par le pays commanditaire. Enfin, il est prévu un partage des ressources qui seraient exploitées. En effet, les pays en développement, ayant beaucoup moins de moyens, demandent une équité dans cet accès aux ressources, lequel sera assuré par ce traité.
De nombreux pays et organismes se sont réjouis de la finalisation du texte. « Le navire a atteint le rivage », a annoncé la présidente de la conférence, Rena Lee, au siège de l'ONU à New York, après la fin des négociations. L'accord ne sera officiellement adopté qu'à une date ultérieure, encore non fixée, après traduction dans les six langues officielles des Nations unies et examen par des avocats.
Protection de la haute mer : un accord timide mais précieux à l'ONU
L'océan mondial situé au-delà des eaux territoriales aura un jour un statut juridique grâce à l'accord historique obtenu aux Nations Unies. Historique mais modeste : il ne s'agit que de lancer des négociations pour que la haute mer devienne un jour un bien commun, même pour les pays qui n'y ont pas accès. Romain Troublé, de Tara ExpéditionsTara Expéditions, nous explique les enjeux de ces discussions qui concernent la moitié de la Planète.
Article de Jean-Luc GoudetJean-Luc Goudet, publié le 03/02/2015
Oui, les nations se réuniront pour discuter d'un droit applicable à la haute mer, qui disposera donc d'un statut juridique, et cet accord sera contraignant, c'est-à-dire qu'il y aura des obligations à respecter. Voilà de nombreuses années que cette idée est dans l'airair mais elle n'avait jamais pu être concrétisée. Un premier pas avait été franchi en 2012 lors de la conférence sur le développement durabledéveloppement durable dite « Rio+20 » (surnommée ainsi parce qu'elle a eu lieu 20 ans après l'historique Sommet de la TerreSommet de la Terre de 1992, dans la même ville de Rio de Janeiro). L'accord souhaité à ce moment-là n'était pas venu mais les dirigeants avait décidé d'en reparler...
Rien n'avait bougé depuis jusqu'à cette conférence des Nations Unies qui s'est clôturée le 23 janvier sur la décision de lancer les négociations. En effet, la haute mer qui occupe la moitié de la surface du Globe et les deux tiers de l'océan mondial, est encore aujourd'hui une zone de non-droit. Alors que le fond des mers a fait l'objet d'accords, seules existent pour l'océan des réglementations dans certains domaines, comme la pêche ou la chasse aux cétacés, mises en place par des structures comme la commission baleinière mais pas par l'ONU.
« Sur 198 pays, seuls cinq ou six ont véritablement accès à la haute mer et y maîtrisent la chaîne complète, de l'exploration à l'exploitation » rappelle Romain Troublé, secrétaire général de Tara Expéditions, qui avait participé à l'Appel de Paris pour la haute mer. C'est là l'enjeu, souligne-t-il. « Si la haute mer doit devenir un bien commun, alors les autres pays doivent en bénéficier également et ils exigent des garanties inscrites dans un accord signé. »
« L’air que nous respirons vient de là ! »
De nombreuses ONG se sont mobilisées depuis une dizaine d'années autour de ce sujet, notamment celles réunies dans l'Alliance pour la haute mer (High Seas Alliance)). Des pays ont également poussé dans ce sens, en particulier ceux « du sud ». L'accord de vendredi a d'ailleurs été emporté avec une énorme majorité. Trois nations se sont cependant montrées réticentes avant de finalement s'aligner : le Canada, les États-Unis et la Russie, réfractaires à cette démarche depuis son origine.
« Aujourd'hui, on ne peut pas arraisonner un bateau en haute mer explique Romain Troublé. Ce qui compte, c'est le pavillon. Si un navire est pris en flagrant délit de nettoyage de cuves, par exemple, un pays qui se considère lésé parce que le pétrolepétrole va arriver sur ses côtes ne peut rien faire d'autre que demander la permission d'intervention au pays indiqué sur le pavillon ».
Que représente donc la haute mer ? « Pour l'instant, il n'existe que le droit de la mer, qui est avant tout un droit de passage, pour garantir l'utilisation des détroits au trafic maritime. Ce qui est en jeu maintenant, c'est la pêche, bien sûr, mais aussi la richesse venue de la biodiversité et l'importance de sa protection. L'air que nous respirons vient de là ! On y trouve des moléculesmolécules qui peuvent avoir un intérêt scientifique ou médical. Les nations qui y ont accès y maintiennent un fort potentiel de recherche et développement. Il existe par exemple depuis peu un accord sur la biodiversité, qui garantit qu'un pays ne peut exploiter impunément les richesses d'un autre. Mais pour la haute mer, il n'y a rien. »