En France, la question du développement de l’éolien s’est invitée dans la campagne présidentielle qui commence tout juste. Dans le monde, le sujet plus large du déploiement des énergies renouvelables sera remis sur le devant de la scène à l’occasion de la COP26. En attendant, des chercheurs notent que la plupart des pays qu’ils ont étudiés ne sont pas en phase avec l’ambition de limiter le réchauffement climatique anthropique à plus 1,5 °C par rapport aux moyennes préindustrielles.


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    Au cœur de l'Accord de Paris sur le climat, il y a celles que les spécialistes connaissent sous le nom de Contributions déterminées au niveau national (CDN). Les engagements pris par chaque pays pour réduire ses propres émissionsémissions de gaz à effet de serre. Avec pour objectif, nous le savons désormais, de contenir le réchauffement climatique anthropique dans une fourchette comprise entre plus +1,5 et +2 °C par rapport aux moyennes préindustrielles.

    L'Accord de Paris prévoit aussi que ces CDN doivent être révisées à la hausse tous les cinq ans. Or, au 31 décembre 2020, seuls 70 des près de 200 signataires de l'Accord avaient soumis leurs nouvelles ambitions. Les autres prenant le prétexte de la pandémiepandémie de la Covid-19Covid-19 pour expliquer leur retard. Mais aujourd'hui nous y voilà. La prochaine Conférence des Parties signataires de la convention-cadre des Nations unies pour les changements climatiques, la COP26, relancera les débats à partir du 1er novembre prochain.

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    Rappelons que la plupart des scénarios énergétiques retenus par le Giec, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climatGroupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, comptent, pour atteindre l'objectif fixé par l'Accord de Paris, sur une croissance très rapide de l'électricité renouvelable. En moyenne, environ 1,4 % de l'approvisionnement dans le monde par an et même 3 % pour les scénarios les plus ambitieux. Or, en amont de la COP26, une équipe internationale de chercheurs nous prévient : aucun des 60 pays étudiés n'évolue aujourd'hui suffisamment vite en matièrematière de développement des énergies renouvelables pour éviter un réchauffement climatique de +1,5 °C et même, de +2 °C.

    <em>« Le monde entier devrait construire des éoliennes au même rythme que l’Allemagne »</em>, estime Aleh Cherp, professeur en sciences et politiques environnementales à l’université de Lund (Suède). © Christophe, Adobe Stock
    « Le monde entier devrait construire des éoliennes au même rythme que l’Allemagne », estime Aleh Cherp, professeur en sciences et politiques environnementales à l’université de Lund (Suède). © Christophe, Adobe Stock

    Le solaire plus en retard encore que l’éolien

    Les scientifiques soulignent qu'il est généralement difficile de mesurer et encore plus de prévoir la croissance des nouvelles technologies. Elle n'est pas linéaire. Mais se présente plutôt comme une courbe en S. Ainsi la croissance est d'abord exponentielle. Puis elle se stabilise. Avant de ralentir lorsque le marché devient saturé. « Cette méthode ne fonctionne pas, ici, car nous ignorons quand et à quels niveaux les énergies éolienne et solaire atteindront la saturation, explique Jessica Jewell, professeur en transition énergétique, dans un communiqué de l’université Chalmers (Suède). Nous proposons de nous appuyer sur des modèles mathématiques pour mesurer la pente de la courbe en S, c'est-à-dire le taux de croissance maximal atteint à son point le plus raide ».

    De cette manière, les chercheurs ont donc estimé les taux de croissance maximum atteints dans les 60 pays qui produisent environ 95 % de l'électricité mondiale. Ils montrent ainsi que le taux moyen de croissance de l'énergie éolienne terrestre atteint 0,8 % -- la moitié des pays se situant dans la fourchette 0,6-1,1 % -- de l'approvisionnement total en électricité par an. Pour l'énergie solaire, ces estimations sont encore plus faibles. De l'ordre de 0,6 % en moyenne - avec une fourchette de 0,4-0,9 %.

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    Seuls quelques petits pays sont parvenus à atteindre des taux de croissance compatibles avec les ambitions de l'Accord de Paris. L'Irlande avec une croissance de 2,6 % par an sur l'éolien et le Chili avec une croissance de 1,8 % par an sur le solaire. Parmi les grands pays, seule l'Allemagne maintient une croissance de l'éolien qui suit la bonne trajectoire -- quant à savoir à quel prix, cela fera probablement l'objet d'un autre sujet prochainement, mais une piste est à découvrir dans le tweet ci-dessous.

    Encore du chemin à parcourir

    Autre constat de cette équipe internationale de chercheurs : contrairement à ce que les spécialistes avaient pu penser, les pays en développement et les économies émergentes -- qui vont consommer beaucoup d'énergie dans les années à venir -- ne profitent pas de l'expérience acquise par les pionniers en la matière et ne présentent pas des taux de croissance de leurs énergies renouvelables élevés. Les scientifiques avancent plusieurs raisons comme le manque de solidité des institutions, le poids des intérêts particuliers, des investissements trop frileux sur les nouvelles technologies ou encore une géographie inadaptée.

    L'étude met ainsi en lumièrelumière plusieurs défis politiques :

    • les pays à revenu élevé devront éviter le ralentissement de l'expansion solaire et éolienne, d'autant qu'il a été récemment observé dans plusieurs régions ;
    • les grandes économies asiatiques telles que l'Inde et la Chine devront augmenter leurs taux de croissance afin que les énergies renouvelables commencent à croître plus rapidement que la demande d'électricité et finissent par évincer les combustibles fossiles, en s'appuyant pourquoi pas sur des subventions, l'élimination progressive ou la taxation des technologies concurrentes et le soutien à l'intégration au réseau.

    « Enfin, nous devons reconnaître qu'il peut y avoir des limites naturelles à la vitessevitesse à laquelle l'éolien et le solaire peuvent être étendus et nous devons donc étudier systématiquement la faisabilité d'autres solutions climatiques », conclut Aleh Cherp, professeur en sciences et politiques environnementales à l'université de Lund (Suède).