Des chercheurs ont mis au point une nouvelle méthode pour estimer la durée de vie d’une espèce vivante ou disparue à partir de son ADN. Le record appartient ainsi à la baleine boréale dont la longévité atteint 268 ans. Celle de l’Homme n’a, en revanche, pratiquement pas progressé depuis Neandertal. Heureusement, la génétique ne fait pas tout !


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    Les animaux ayant la plus grande longévité sont la praire d'Islande, un mollusque bivalve dont un spécimen de 507 ans a été retrouvé, et chez les vertébrés le requin du Groenland, avec un individu de 400 ans. Mais estimer la duréedurée de vie d'une espèce est particulièrement compliqué. On se base souvent sur des cas exceptionnels qui ne sont pas représentatifs, et l'on observe des différences considérables au sein d'espèces même relativement proches. Alors qu'une souris vit en moyenne 4 ans, l'écureuil gris, un autre rongeurrongeur, vit 24 ans, soit huit fois plus longtemps.

    Une horloge biologique cachée dans l’ADN

    Une équipe du CSIRO (Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation) a établi une nouvelle méthode pour calculer l'âge maximal théorique de plusieurs animaux. Détaillée dans la revue Scientific Reports, elle se base sur la méthylation de l’ADN, une sorte d’horloge biologique. « Lorsqu'on vieillit, nous subissons un déclin de nos fonctions biologiques », explique Benjamin Mayne, biologiste au CSIRO et principal auteur de l'étude. Ce déclin est visible dans la densité d'îlots CpG, des zones de l'ADNADN non codantes qui sont des promoteurs de la méthylationméthylation de l'ADN. Ce processus épigénétique entraîne l'apparition de groupes méthyles dans certains gènesgènes, ce qui conduit à des mutations délétères et la sénescencesénescence des cellules. « Nous avons constaté que nous pouvions estimer la longévité des espèces en nous intéressant aux endroits où la méthylation de l'ADN se produisait sur 42 gènes particuliers », explique Benjamin Mayne dans un article de The Conversation.

    La baleine boréale détient le record du monde de longévité animale parmi les vertébrés, avec 268 ans de durée de vie. © Benjamin Mayne, CSIRO
    La baleine boréale détient le record du monde de longévité animale parmi les vertébrés, avec 268 ans de durée de vie. © Benjamin Mayne, CSIRO

    Les chercheurs ont ainsi calculé l'âge biologique de 252 espèces de vertébrés à partir de leur génomegénome. Bonne nouvelle : avec cette méthode, la plupart des espèces voient leur durée de vie fortement augmenter. La baleine boréale détient le record mondial de la longévité, avec 268 ans, soit 57 de plus que le plus ancien spécimen connu, âgé de 211 ans. La tortue géante de Galápagos, dont le dernier spécimen est mort en 2012 à l'âge de 112 ans, aurait une longévité biologique de 120 ans. L'étude s'est aussi intéressée à des espèces disparues. Le mammouth laineux aurait ainsi eu une durée de vie de 60 ans, à peine moins que les 65 ans de l'éléphant africain actuel. Le pigeon migrateurmigrateur, éteint en 1914, avait une longévité de 28 ans, soit la même que l'actuelle tourterelle des boisbois.

    L’homme moderne, l’exception qui confirme la règle

    Mais le plus étonnant, c'est le cas de l'humain. Les chercheurs ont ainsi établi que les Hommes de NeandertalHommes de Neandertal et de Denisovan avaient une durée de vie biologique de 37,8 ans, soit quasiment la même que celle de l'Homme moderne qui est de 38 ans. Cette longévité paraît ridiculement courte : l’espérance de vie en France est de 85,4 ans pour les femmes et de 79,5 ans pour les hommes, et elle a plus que doublé au cours des 200 dernières années. « Mais il s'agit d'une exception liée au progrès de la médecine et des modes de vie », rétorque Benjamin Mayne. En d'autres termes, l'Homme a réussi à « forcer » l'horloge biologiquehorloge biologique de son génome par son intelligenceintelligence et son adaptation. Songer que l'espèce humaine a une durée de vie inférieure à celle du chimpanzéchimpanzé (39,7 ans) a tout de même de quoi faire réfléchir.

    « Connaître la durée de vie d'une espèce est essentiel pour estimer le risque d'extinction, ou pour établir des quotas de pêchequotas de pêche ou de prélèvement », explique Benjamin Mayne. La méthode est cependant applicable seulement aux vertébrés. On ne saura donc pas si la praire d'Islande de 507 ans est un cas à part ou pas.