Des bactéries auraient colonisé les cellules de diverses espèces végétales. Une affirmation portée par deux chercheurs, étonnés que cela n'ait pas été observé avant. Cette découverte pourrait avoir de grandes implications pour la compréhension des mécanismes biologiques des plantes.
au sommaire
Vigne, orge, tabac... Les chercheurs Pious Thomas et Christopher Franco ont passé au crible plusieurs espèces végétales. Avec, à chaque fois, la même conclusion : leurs cellules sont infestées de bactériesbactéries. « Normalement, les bactéries endophytes [c'est-à-dire qui vivent à l'intérieur d'un végétal, ndlr] sont connues pour résider entre les cellules végétales », précise Pious Thomas, également P.-D.G. de Thomas Biotech & Cytobacts Center for Biosciences. Théoriquement, ces bactéries ne s'aventureraient jamais à l'intérieur même des cellules. Mais en pratique, les cellules végétales en contiendraient une grande variété, affirme le duo scientifique dans une nouvelle étude.
Les plantes, à l'instar des animaux, hébergent leur propre microbiomemicrobiome. Des champignons, archéesarchées et bactéries dits endophytes. Autant de micro-organismesmicro-organismes supposés vagabonder dans les espaces intercellulaires. Quelques rapports scientifiques ont bien souligné des colonisations intracellulaires, notamment chez le bananier. Mais cela reste occasionnel, estiment les deux chercheurs. D'après leurs travaux, entamés il y a une dizaine d'années, cette « vie étrangère » serait omniprésente dans le règne végétal. Tout du moins, dans les cellules observées en laboratoire.
Une découverte d'autant plus inattendue que ces scientifiques se sont focalisés sur les cultures axéniques. Soit des cultures exemptes de tout germe contaminant. Stériles. Ce qui tend à montrer que les bactéries repérées ne proviennent pas du milieu environnant, mais qu'elles étaient présentes à l'intérieur des cellules depuis le début. Précisons que ces cellules sont saines, les bactéries en question ne semblent pas altérer leur santé.
Des bactéries récalcitrantes en culture
« Il est déconcertant de voir comment cette association bactérienne dans les cultures cellulaires a échappé à l'attention des biologistes des plantes et des microbiologistes, sachant qu'il s'agit d'un phénomène très répandu dans les cultures de tissus végétaux que nous avons testées, s'étonne Christopher Franco. Et que les cultures in vitroin vitro [une forme de culture axénique, ndlr] sont utilisées depuis longtemps dans la recherche fondamentale et appliquée. »
Ces deux scientifiques qualifient les bactéries détectées de « récalcitrantes en culture ». Car, une fois extraites de leur hôte végétal, elles sont délicates à maintenir en vie et à faire proliférer en laboratoire. Dans des conditions appropriées, ces micro-organismes deviennent cultivables. Mais leur récalcitrance intrigue : les bactéries auraient-elles besoin de la cellule végétale pour subsister ?
Si cette question reste, pour l'heure, sans réponse, Pious Thomas et Christopher Franco suggèrent que les bactéries et leurs hôtes végétaux partagent une relation mutualisterelation mutualiste. Une relation donnant-donnant. Il est aussi possible que ces bactéries... soient juste là. Pour les chercheurs, elles pourraient être transmises - par mitosemitose et méïose - aux cellules filles, ce qui expliquerait « leur présence continue en tant qu'habitants intracellulaires ».
Un rôle à découvrir
Ce ne serait pas la première fois qu'un type cellulaire développe une relation mutualiste avec des bactéries. Les mitochondriesmitochondries, responsables de divers processus vitaux pour la plupart des êtres vivants, sont aujourd'hui des organitesorganites présents dans les cellules. Mais la théorie endosymbiotiqueendosymbiotique stipule qu'il y a quelque deux milliards d'années, une protéobactérieprotéobactérie se serait retrouvée - d'une manière ou d'une autre - à l'intérieur d'une cellule. Le temps passant, ce micro-organisme étranger et sa cellule hôte auraient évolué vers une relation symbiotique. Jusqu'à ce que ce corps étranger fasse partie de la cellule, bien que l'ADN des mitochondries diffère toujours de l'ADNADN contenu dans le noyau cellulaire.
Quant aux bactéries visées par cette étude, elles « sont potentiellement impliquées dans certaines fonctions des plantes, telles que le métabolismemétabolisme énergétique, ou comme inducteur de réponses défensives contre d'autres micro-organismes », rapporte Christopher Franco. Les deux auteurs considèrent possible que certaines voies identifiées d'origine végétale soient en fait d'origine microbienne, ou médiées par ces bactéries endophytes.