La Terre conserve peu de traces de l'important bombardement de petits corps célestes existant encore il y a plusieurs milliards d'années. Peu visible, le cratère qui a été identifié au début des années 2000 en Australie et portant le nom de Yarrabubba a finalement été daté avec précision. C'est le plus vieux connu avec un âge de 2,229 milliards d'années. On s'interroge sur son lien avec un changement de climat majeur à l'époque.


au sommaire


    Des géologuesgéologues le disaient depuis déjà un moment et aujourd'hui une publication dans Nature Communications vient le confirmer, le cratère Yarrabubba qui se situe dans l'Outback australien occidental est actuellement le plus vieux connu sur Terre avec un âge estimé, via la géochimie isotopique, de 2,229 milliards d'années. Identifié seulement au début des années 2000, il n'est pas vraiment visible en surface, ni depuis l'espace contrairement à l'astroblèmeastroblème de Gosses Bluff de cinq kilomètres de diamètre qui s'est formé au Jurassique, il y a environ 142 millions d'années, et qui se trouve dans le Territoire du Nord en plein cœur de l'Australie, comme le montre la vidéo de l'ESAESA tout en bas de cet article. Mais les structures du sous-sol, notamment des arcs de roches magnétisées (voir la photographiephotographie ci-dessous), permettent d'attribuer au cratère Yarrabubba un diamètre de 70 kilomètres.

    Cette taille peut paraître un peu modeste par rapport aux 180 kilomètres de diamètre estimés pour le fameux cratère de Chicxulub, bien plus jeune. Mais certains géologues sont troublés par le fait que l'âge, aujourd'hui bien déterminé semble-t-il de la formation du cratère Yarrabubba, est très proche de celui de la fin d'une des plus grandes glaciations globales de type « Terre boule de neige » que notre Planète a connues : la glaciationglaciation huronienne. On a daté des restes de dépôts d'origine glaciaire de cette époque il y a plus de 2,2 milliards d'années montrant que les glaciers s'étendaient jusqu'aux tropiques et qu'une gigantesque banquisebanquise recouvrait donc toute notre Planète ou presque.


    Une simulation numérique de la formation du cratère Yarrabubba. © Imperial College London

    Un impact qui aurait déstabilisé le climat via un effet de serre ?

    On peut en effet s'interroger sur la curieuse coïncidence entre la date de la chute du petit corps céleste ayant produit le cratère Yarrabubba et celle de la fin de la glaciation globale huronienne, qui survient juste après, à l'échelle des temps géologiqueséchelle des temps géologiques. S'il n'est pas difficile de comprendre comment de grandes glaciations peuvent se produire une fois un point seuil de refroidissement atteint (des glaces suffisamment étendues réfléchissent de plus en plus la lumièrelumière du SoleilSoleil, ce qui refroidit la Terre et fait augmenter la surface de ces glaces), il est d'ordinaire difficile de comprendre ce qui met fin à une glaciation globale (incidemment, on ne sait pas très bien si à chaque fois toute la Terre était couverte de glace ou seulement la majorité de sa surface).

    En général, on pense qu'intervient une production de gaz à effet de serregaz à effet de serre, par exemple du gaz carbonique d’origine volcanique ou encore du méthane. Pour essayer d'y voir plus clair, Thomas Davison de l’Imperial College London a entrepris de simuler l'impact d'un astéroïdeastéroïde de sept kilomètres de large frappant une calotte glaciairecalotte glaciaire d'une épaisseur de deux à cinq kilomètres à la vitessevitesse de 17 kilomètres par seconde (on peut voir dans la vidéo ci-dessus cette simulation). Les calculs montrent que plus de 200 milliards de tonnes de vapeur d'eau auraient alors été injectés dans l'atmosphèreatmosphère. Or, la vapeur d'eau est un puissant gaz à effet de serre.

    La quantité produite représente 2 % de la quantité de vapeur d'eau dans l'atmosphère actuelle. Peut-être, était-ce suffisant pour amorcer une boucle de rétroactionboucle de rétroaction entre élévation de température et diminution de la surface des glaces mondiales.

    Une vue d'artiste de la Terre pendant la glaciation huronienne. © Nasa
    Une vue d'artiste de la Terre pendant la glaciation huronienne. © Nasa

    Toutefois, Thomas Davison incite à la prudence car nous n'avons pas un modèle climatiquemodèle climatique de la Terre d'il y a plus de 2 milliards d'années. La fameuse Crise de l’oxygène (encore appelée le « grand événement d'oxydationoxydation », GEO) venait juste de se produire et c'est peut-être elle d'ailleurs qui en augmentant le taux d'oxygène dans l'atmosphère de la Terre a provoqué indirectement sa glaciation comme l'explique l'article du Cnrs à ce sujet. On ne connaît pas très bien non plus la forme et la position des continents et des océans à cette époque or cela joue sur la modélisationmodélisation du climatclimat, par exemple via les courants océaniques.

    Mais pour ce qui est de la datation du cratère Yarrabubba, les chercheurs ont procédé de la façon suivante.

    Une datation uranium-plomb avec des zircons

    La Terre primitive de l'HadéenHadéen, avant la formation d'un océan primitifocéan primitif, devait être aussi cratérisée que la LuneLune. Mais l'érosion et surtout la mise en place de la tectonique des plaques ont fait disparaître la majorité des cratères. Les plaques océaniques, en particulier, ne durent que quelques centaines de millions d'années avant d'être englouties par subductionsubduction dans les entrailles de la Terre.

    Il existe cependant des sortes de noyaux de continents, des structures très anciennes que l'on appelle des cratonscratons, des parties anciennes et stables de la lithosphèrelithosphère continentale datant d'au moins 500 millions d'années et s'étendant sur quelques centaines de kilomètres au minimum, où l'on peut trouver des restes de vieux cratères d'impact. Celui de Yarrabubba se trouve d'ailleurs sur le Craton de Yilgarn, celui-là même où on trouve les roches de Jack Hills qui contiennent des zirconszircons parmi les plus âgés connus sur Terre.

    Le cratère Yarrabubba a commencé à manifester sa présence en 2001, suite à des mesures d'aimantation de roche qui ont fait apparaître un arc initialement mystérieux. © Nicholas Timms, Curtin University
    Le cratère Yarrabubba a commencé à manifester sa présence en 2001, suite à des mesures d'aimantation de roche qui ont fait apparaître un arc initialement mystérieux. © Nicholas Timms, Curtin University

    C'est également à partir de zircons, ainsi que de cristaux de monazite retrouvés dans des roches ayant visiblement été fondues et recristallisées, que les géochimistes ont daté le cratère Yarrabubba. La méthode utilisée se base sur des mesures d'infimes quantités d'uraniumuranium et/ou de plombplomb dans ces minérauxminéraux. Les noyaux d'uranium considérés sont radioactifs et ils se désintègrent en noyaux de plomb très lentement. On peut donc utiliser ces isotopesisotopes comme s'ils constituaient le sablesable se vidant de la partie haute à la partie basse d'un sablier. Les géochimistes savent que lors du choc de l'impact et de l'élévation de température résultante, ce sablier a été remis à zéro parce que les noyaux de plomb ont été obligés de quitter les zircons. En mesurant donc les abondances des noyaux d'uranium et de plomb, on pouvait remonter à l'âge de l'impact avec une excellente précision, ce qui n'est pas toujours possible.


    Sentinel-2 nous emmène au-dessus du centre de l'Australie sur le site d'une comète ou d'un impact de météorite il y a environ 140 millions d'années. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © European Space Agency, ESA

    L'Australie, tout comme le Canada et l'Afrique du Sud, montre donc à nouveau qu'elle est un lieu privilégié avec ces pays pour avoir conservé des traces de grands cratères d'impact, dont certains sont donc très âgés. Ainsi, l'un des précédents records était détenu par le dôme de Vredefort, à environ 120 kilomètres au sud-ouest de Johannesburg. Datant de 2,023 milliards d'années, on estime son diamètre initial à environ 300 kilomètres, ce qui en fait de toute façon le plus grand astroblème découvert sur Terre à ce jour.