Des chercheurs allemands ont analysé les propositions de la commission européenne pour la politique agricole post-2020. D’après leurs conclusions, la réforme ne serait pas à la hauteur des enjeux environnementaux.


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    La politique agricole commune (PACPAC), qui représente environ 40 % du budget de l'Europe, fait actuellement l'objet de négociations pour la période 2021-2027. En juin 2018, la commission européenne a publié des propositions pour cette réforme. Mais le projet est-il à la hauteur des enjeux environnementaux et climatiques ?

    Le saviez-vous ?

    En Europe, les surfaces agricoles représentent 40 % des terres. En France, d’après le ministère de l’Agriculture, 28 millions d’hectares sur les 55 millions du territoire métropolitain – soit plus de la moitié - seraient occupés par des activités agricoles.

    Dans un article paru dans la revue Science, des chercheurs allemands ont analysé les propositions de réforme de la commission européenne pour la PAC. Les auteurs de cette publication sont issus de plusieurs centres de recherche allemands : le Centre allemand pour la recherche intégrative sur la biodiversité ou iDiv, le centre Helmholtz pour la recherche environnementale ou UFZ, et l'université de Göttingen.

    Les chercheurs ont étudié les propositions de la commission européenne en se posant trois questions : cette réforme est-elle compatible avec les objectifs de développement durable des Nations unies ? Reflète-t-elle le débat public actuel sur l’agriculture ? Et améliore-t-elle clairement l'actuelle PAC ?

    La réforme n’améliorerait pas la protection de l’environnement

    L'analyse se base sur une revue de littérature comprenant environ 450 publications évaluant l'efficacité et la pertinence de la PAC. D'après le communiqué de presse de l'iDiv, la conclusion des chercheurs est sans appel : les propositions de réforme n'améliorent pas l'actuelle PAC, voire marqueraient un recul.

    Les auteurs pointent les aides attribuées à l’hectare, qui ne seraient pas justes socialement. © Philippe Leridon, Fotolia
    Les auteurs pointent les aides attribuées à l’hectare, qui ne seraient pas justes socialement. © Philippe Leridon, Fotolia

    Guy Pe'er, principal auteur de cette publication, a expliqué que « prendre au sérieux la durabilitédurabilité et les objectifs de développement durable nécessite une réflexion approfondie sur la politique agricole, ses budgets et ses instruments, ainsi que la mise au point de bons indicateurs pour mesurer le succès. Au-delà des mots, nous avons trouvé peu de cela. »

    Les chercheurs critiquent notamment le fait que l'Europe veuille conserver certains outils actuels de la PAC, alors qu'ils sont inefficaces, dangereux pour l'environnement et injustes socialement. Par exemple, 70 % du budget de la PAC concerne des subventions qui utilisent comme critère la surface cultivée. Résultat : 1,8 % des bénéficiaires d'aides captent 32 % des subventions. Cette méthode dite « des paiements directs » désavantage les petits producteurs et n'encourage pas une agriculture plus favorable à l'environnement. En effet, l'intensification de l'agriculture sur de vastes surfaces a tendance à réduire la biodiversité locale.

    L'UE n'a pas la volonté de répondre à la demande du public en faveur d'une agriculture durable

    D'après une enquête européenne, pour 92 % des citoyens et 64 % des agriculteurs, la PAC n'en fait pas assez pour lutter contre la dégradation de l'environnement et le changement climatique. Or pour Guy Pe'er, « de toute évidence, l'UE n'a pas la volonté de répondre à la demande du public en faveur d'une agriculture durable et de mettre en œuvre les objectifs mondiaux en matièrematière d'environnement et de développement qu'elle a également contribué à adopter. Les intérêts des lobbyistes ont clairement dépassé les nombreuses preuves et les intérêts publics. »