Les applications mobiles sont-elles vouées à complètement disparaître ? Après Rabbit, c'est au tour de Deutsche Telekom de prendre le pari du zéro app, avec un téléphone portable contrôlé à 100 % par un assistant virtuel boosté à l'IA. Ces innovations sont-elles annonciatrices d'une entrée dans une nouvelle ère du smartphone ? Ou sont-elles simplement le symptôme d'un phénomène de mode temporaire ?


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    Mobilité, musique, messages, rencontres, divertissement ou encore bien-être. Sur nos smartphones, les apps se multiplient, apportant une diversité de services mais également une certaine complexité à notre vie numérique. Mots de passe multiples, usage énergivore, nécessité de sauter de l'une à l'autre, de s'adapter à chaque nouvelle interface. Si nous aurions aujourd'hui du mal à nous passer d'elles, ça ne veut pas dire pour autant qu'elles n'ont pas encore besoin d'être améliorées. Et dans ce domaine, une fois encore, l'IA pourrait devenir une alliée considérable. Reste à savoir comment, cependant, car, alors que certains experts arguent qu'elle pourrait aider à améliorer la navigabilité des applicationsapplications, d'autres prédisent qu'elle pourrait tout simplement signer leur fin.

    Pas le temps de lire ? Découvrez cette news au format audio dans notre podcast Vitamine Tech, 100 % écrit et animé par des humains. © Futura

    Le Rabbit R1 : star du CES de Las Vegas

    Si vous suiviez déjà Futura en ce début d'année 2024, peut-être avez-vous vu passer les images intrigantes de Rabbit R1. Il s'agit d'un petit boîtier en plastiqueplastique orange vif, de forme carrée, et tenant dans la main. À peine plus épais qu'un smartphone, il est doté, sur ses côtés, d'un petit bouton gris et d'un port USB-CUSB-C, et sur sa face d'un écran tactile, d'une caméra et d'une sorte de petite molette ou de roue lisse. Un look simpliste, presque artisanal qui ne lui donne pas forcément l'aspect d'un appareil à la pointe de la technologie. Et pourtant... Dès sa présentation au CES de Las VegasVegas, le Rabbit R1 rencontre un succès phénoménal. Les 10 000 unités mises à disposition lors du salon sont toutes vendues en l'espace de 24 heures seulement.

    Le Rabbit R1, un petit boîtier contenant une intelligence artificielle qui se commande à la voix. © Rabbit
    Le Rabbit R1, un petit boîtier contenant une intelligence artificielle qui se commande à la voix. © Rabbit

    Pourquoi ? Eh bien, parce que sous des dessous discrets, peut-être même timides, ce petit gadget annonce une révolution dans la façon dont nous pourrions interagir avec nos smartphones. Plutôt que de vous offrir un écran d'accueil bardé d'applications, le Rabbit R1 vous propose une forme d'interaction plus intuitive, avec un seul bouton à cliquer : celui de la commande vocale. Un peu comme avec les enceintes connectées, vous pouvez demander à votre Rabbit R1 de vous donner la météométéo, d'ajouter des aliments à votre liste de course ou de lancer de la musique.

    Du LLM au LAM

    Mais là où AlexaAlexa ou GoogleGoogle restent imparfaits et nécessitent généralement des formulations bien spécifiques pour comprendre vos commandes, le petit appareil de la firme Rabbit promet de vous comprendre même si vous vous exprimez normalement. Vous pouvez par exemple lui dire, en veillant bien à appuyer sur le bouton de commande vocale : « Commande-moi un Uber et trouve-moi un podcast à écouter sur la route. Ah, et est-ce que tu pourrais prévenir le client que je vais avoir du retard aussi, s'il te plaît ? » Et là, magie (en tout cas, en théorie) : tout comme un assistant humain, votre Rabbit prend note de vos demandes et les interprète de manière contextuelle pour les exécuter.

    Dans une keynote présentée en début d'année, Rabbit a pu démontrer les capacités de compréhension surprenantes de son petit appareil. © Rabbit, YouTube

    Par exemple, si votre calendrier indique que vous avez un rendez-vous avec un client à Port-Louis dans une heure, mettons, l'appareil va récupérer l'adresse de ce rendez-vous pour renseigner directement votre destination à Uber sans que vous ayez besoin de fournir plus de précision. Il enverra aussi directement un message à ce client pour le prévenir de votre retard. Pour ce faire, l'OS du Rabbit R1 s'appuie sur un grand modèle d'action, ou LAMLAM - Large Action Model en anglais. Basés sur les grands modèles de langage (ou LLM), qui permettent à ChatGPTChatGPT de nous répondre dans un français fluide, les LAMs passent à l'étape suivante en permettant à votre smartphone de non seulement comprendre ce que vous lui dites, mais également d'exécuter des actions en réponse à vos demandes. Bref, en plus d'avoir donné une voix à nos IAs, on leur donne désormais des bras, d'une certaine façon.

    Vers un avenir sans apps ?

    Alors bien sûr, des services comme SpotifySpotify, NetflixNetflix ou Uber auront toujours besoin d'exister pour nous fournir de la musique, des vidéos ou un trajet en voiturevoiture. Mais l'espoir avec les LAMs est de vous permettre de vous affranchir de leurs interfaces tout en continuant de profiter de leurs différents services. Au lieu de naviguer d'une application à l'autre, le Rabbit R1 propose de bénéficier d'une expérience plus fluide, sans que vous ayez besoin de revenir quinze fois à votre écran d'accueil. Imaginez, demain, pouvoir naviguer uniquement à la voix sur votre portable ou votre ordinateur, en parlant naturellement comme à un être humain. Pas mal non ? Alors, notons quand même deux choses. Déjà, le Rabbit R1 n'est pas un portable, en tout cas pas pour l'instant. Il ne permet pas d'appeler et d'après les dires de son créateur, son but est de vous aider à passer moins de temps sur votre téléphone et notamment sur les apps de réseaux sociauxréseaux sociaux. On a donc affaire à un produit qui reste, à ce jour, distinct du smartphone.

    La fin des applis est-elle arrivée ? Cela reste à démontrer. © ra2 studio, Adobe Stock
    La fin des applis est-elle arrivée ? Cela reste à démontrer. © ra2 studio, Adobe Stock

    Ensuite, même si les LAMs font beaucoup parler d'eux ces derniers mois, leur entrée dans la hi-tech est toute récente. Le Rabbit R1 devrait sortir autour de Pâques et c'est seulement alors que l'on pourra commencer à voir s'il est aussi efficace qu'il le prétend. À ce stade-là, j'ai dû répéter Rabbit R1 près d'une dizaine de fois, donc je tiens à le préciser : cet épisode n'est pas sponsorisé par Rabbit. D'ailleurs, on peut signaler qu'en début de semaine, le service de téléphonie Deutsche Telekom a lui aussi pris le pari du zéro-app en annonçant le lancement de son premier smartphone, cette fois-ci, avec une interface 100 % dirigée par l'IA. Bien, maintenant qu'on a vu comment les LAMs pourraient être mis à profit pour modifier notre façon d'interagir avec les portables, essayons de nous projeter quelques années dans le futur et de voir si les apps sont vouées à disparaître complètement ou non.

    Scénario 1 : le Large Action Model prend le pouvoir

    Commençons par l'option numéro 1 : une interface 100 % dirigée par le LAM. Une fois toutes vos applications installées sur votre smartphone, plus besoin de les ouvrir. Si vous avez besoin de connaître l'heure de votre train, il vous suffit de demander la réponse à l'IA, qui ira consulter l'app SNCF, par exemple, puis vous donnera directement la réponse. Plus besoin d'ouvrir Spotify ou Deezer, d'attendre le chargement de la page d'accueil, de cliquer sur Recherche puis de taper le nom d'une musique ; énoncez simplement le titre que vous cherchez et votre portable s'occupera de lancer le morceau depuis l'app. C'est plus intuitif, c'est beaucoup plus rapide, et ça permet de faire autre chose en même temps. Bref, c'est chouette. Dans ce cas, les applications disparaîtraient petit à petit pour devenir de simples banques d'information dans lesquelles l'IA pourra aller piocher selon les paramètres que vous lui fournirez.

    Mais il y a tout de même quelques inconvénients et limitations à garder en tête quand on envisage ce premier scénario. La liste est longue, alors contentons-nous d'en prendre quelques-uns. Pour commencer, comme on vient de le dire, l'IA n'ayant pas encore fait ses preuves sur ce nouveau terrain de jeu, rien ne garantit qu'elle n'atteigne pas un plafond de verre dans sa capacité à comprendre et interpréter nos propos. Est-ce qu'elle comprendra vraiment de quel client vous lui parlez quand vous lui demandez d'envoyer un message ? Est-ce qu'elle est vraiment capable d'enregistrer toute une liste de tâches énoncées naturellement sans rien mélanger ni oublier ? Ça reste à prouver. Autre souci : quand vous demandez à l'IA de vous commander un Uber ou un billet de train, vous pouvez être tenté·e de comparer les prix avant de vous lancer. Auquel cas, vous risquez sûrement de devoir quand même passer par l'application pour avoir plus de détails, comme le temps de trajet, les correspondances ou le type de voiture que vous commandez. De la même façon, vous pouvez être tenté·e de naviguer entre les différents menus d'un service de livraison avant de vous commander à manger.

    Si vous voulez en apprendre plus sur les différentes limitations et incertitudes concernant le Rabbit R1, je vous recommande l'écoute de cet épisode de Waveform, animé par Marques Brownlee (en anglais). © Waveform, YouTube 

    Problème supplémentaire : le fait d'exprimer les commandes vocalement. Même si cela reste le mode de communication le plus intuitif pour beaucoup de monde, il peut vite devenir limitant dans un contexte où parler à voix haute n'est pas forcément souhaitable, voire excluant pour les personnes ayant des troubles de l'élocution ou ne pouvant tout simplement pas parler. Et enfin : les créateurs d'apps n'ont aucun intérêt à ce que vous cessiez de les visiter. Cela veut dire moins de revenus liés à l'affichage publicitaire et potentiellement un amenuisement de votre attachement à leur marque. Leur but sera donc de vous garder le plus longtemps possible sur leur interface, quitte à y intégrer une commande vocale, voire leur propre LAM, pour rendre votre expérience encore plus confortable.

    Scénario 2 : vers des apps « intelligentes »

    Ce qui nous mène à l'option 2 : au lieu de tuer les apps, l'intelligence artificielleintelligence artificielle les accompagne dans une nouvelle ère. C'est le pari pris par plusieurs experts et acteurs du secteur, qui projettent des expériences utilisateur toujours plus intuitives et personnalisées grâce à la collecte et l'analyse de données. Des algorithmes plus performants seront synonymes de réseaux sociaux toujours plus addictifs, d'applications de sport ou de bien-être capables de vous conseiller ou encore de services de shopping susceptibles de vous faire acheter plus en délimitant parfaitement vos goûts. Quoi qu'il advienne, c'est certain, avec l'IA, le smartphone entre à son tour dans une nouvelle révolution.

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