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Une caractéristique des grottes ornées de Bornéo réside dans leur localisation. La structure géomorphologique des karsts de cette région (ceux-ci ont été ponctuellement soulevés depuis le Myocène, il y a environ 60 millions d'années) fait que les réseaux de galeries s'étagent en moyenne sur trois niveaux, sur plus de 300 mètres d'altitude.
À Bornéo, les grottes ornées, à très peu d'exceptions près, d'une part, n'apparaissent que dans les niveaux supérieurs et, d'autre part, s'avèrent ne pas avoir été des sites d'habitat, au contraire des stratesstrates inférieures, toutes très riches en vestiges d'occupation. La distribution des restes anthropiques, et donc celle des utilisations de ces cavités, s'est ainsi répartie dans le temps, mais aussi dans l'espace.
Un habitat quotidien au niveau inférieur mais pas dans les grottes ornées
Le niveau inférieur, le plus souvent situé à la base des falaises, correspond à un habitat de type quotidien, ou parfois à un simple bivouac temporaire.
Le niveau intermédiaire, qui a parfois aussi servi d'habitat temporaire ou plus stabilisé, se caractérise surtout par son utilisation fréquente comme abri ou niche funéraire à une période postérieure à l'arrivée des Austronésiens, il y a environ 5.000 ans. Cette date est précisément un des pôles temporels et culturels qui structurent la Préhistoire du sud-est asiatique.
Une vaguevague de locuteurs austronésiens, venue probablement du sud-est du continent asiatique, plus précisément de Taïwan en l'état des connaissances actuelles, apportant avec elle les techniques de la céramiquecéramique et des pratiques horticoles plus élaborées, s'est rapidement répandue sur tout l'espace du sud-est asiatique insulaire. Alors que le peuplement de cette partie du monde est largement antérieur à la fin du PléistocènePléistocène (10.000 ans environ), les peintures rupestres de l'Insulinde avaient été attribuées aux périodes post-austronésiennes plus tardives.
Datation : quel âge ont les peintures des grottes de Bornéo ?
Nous-mêmes n'avons pu procéder jusqu'à présent à des datations directes par le carbone 14 pour déterminer l'âge de ces peintures car les pigments se sont révélés exempts de toute matière ou liantliant organique. Heureusement, une coulée de calcitecalcite recouvrant un panneau de mains négatives à Ilas Kenceng a pu être analysée au LSCE du CEA/CNRS (par la mesure du rapport uranium/thorium, elle-même confirmée par celle du carbone 14) et datée d'environ 10.000 ans, ce qui confirme un âge par défaut, antérieur à la fin du Pléistocène (voir bibliographie à la fin de ce dossier). Autres signes indirects convergents d'archaïsme : nous avons quelques représentations d'animaux disparus justement à la fin du Pléistocène (bœuf et tapirtapir).
Le fait est que l'expression rupestre que nous avons découverte à Bornéo présente des similitudes avec celle des aborigènes d'Australie, mais pas suffisamment encore pour confirmer une filiation directe. Au mieux peut-on y percevoir jusqu'à présent un cousinage qui serait beaucoup plus ancien, en particulier dans l'éventail des représentations, groupées ici, sur un espace relativement limité, à la différence d'avec l'Australie, où l'éventail s'étend sur presque l'ensemble du territoire et couvre pratiquement toutes les périodes de sa Préhistoire.
À Bornéo, les travaux de fouilles ont permis de mieux préciser la place de la Préhistoire et de ses divers occupants dans celle du sud-est asiatique insulaire dans son ensemble. Elles ont surtout suscité des recherches sur des pistes novatrices.