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Si la découverte de matériaux supraconducteurs à températures ambiantes avait lieu, notre technologie en serait bouleversée. Nous pourrions alors, par exemple, conduire l'électricité sans perte sur de longues distances.
Nous disposerions surtout de la capacité à produire des champs magnétiques puissants, ou d'en détecter des très faibles, avec des machines compactes et faciles à utiliser. Ce n'est pas le cas actuellement lorsque l'on veut faire des IRM ou accélérer des particules avec le LHC, car il faut travailler avec des aimants supraconducteurs refroidis en utilisant de l'hélium ou de l'azoteazote liquideliquide. (Voir aussi notre article Les aimants des accélérateurs du futur seront-il en bismuth ?)
Cette vidéo explique simplement, en images animées et avec l'aide de la « Petite Voix », ce qu'est le phénomène de supraconductivité et les propriétés des matériaux supraconducteurs (absence de résistance électrique, phénomène de lévitation...). Une vidéo coréalisée avec L’Esprit Sorcier. © CEA Recherche
Un superfluide d'électrons qui s'écoule sans résistance
La question de l'existence de matériaux supraconducteurs à températures ambiantes a suscité beaucoup d'espoirs au milieu des années 80, lors de la découverte des cuprates. Malheureusement, ces céramiquescéramiques sont en fait des supraconducteurs exotiquesexotiques échappant aux filets de la description standard de la supraconductivitésupraconductivité, celle découlant de la théorie BCS. Acronyme des noms de trois physiciensphysiciens (John Bardeen, Leon Cooper et John Robert Schrieffer), cette dernière fut proposée en 1957 et vaudra à ces hommes le prix Nobel de physiquephysique en 1972.
Dans cette théorie, la mécanique quantiquemécanique quantique se révèle un ingrédient essentiel, aussi bien parce qu'elle fait intervenir des phononsphonons (des cousins acoustiques des photonsphotons avec les ondes sonoresondes sonores), que parce qu'elle repose sur la fameuse statistique de Bose-EinsteinEinstein découverte par Satyandra Nath Bose. Leon Cooper avait en effet compris que, dans le cas des supraconducteurs conventionnels, l'interaction entre, d'une part, le gazgaz des électronsélectrons libres dans un métal et, d'autre part, les phonons acoustiques de son réseau cristallinréseau cristallin, permettait à deux électrons de s'apparier.
Les électrons sont des fermionsfermions, c'est-à-dire des particules de moment cinétiquemoment cinétique (spinsspins) demi-entiers (plus précisément ½), et ils ne peuvent pas constituer un gaz de bosonsbosons. Cependant, tout change s'ils s'associent en paires... Des bosons se formant (connus sous le nom de paires de Cooper), il est possible aux électrons de s'écouler à la façon d'un superfluidesuperfluide dans le réseau cristallin de certains métauxmétaux ou alliagesalliages, comme le niobiumniobium-titanetitane.
De gauche à droite : John Robert Schrieffer, John Bardeen et Leon Cooper, les auteurs de la théorie BCS. © University of Illinois
Le bismuth, un mauvais conducteur avec une faible densité de charges libres
Il ne fait pas de doute que des paires de Cooper se forment également dans les supraconducteurs exotiques, mais personne ne sait vraiment ni comment ni pourquoi. Ainsi, toute découverte portant sur ce type de supraconducteurs est bonne à prendre, car elle pourrait livrer le secret de fabrication des supraconducteurs à températures ambiantes. On ne peut donc qu'être intrigué par la découverte exposée par un groupe de physiciens indiens du solidesolide dans un article disponible sur arXiv et qui porteporte sur un métal bien connu au moins depuis le Moyen Âge : le bismuthbismuth.
Rappelons que le bismuth, de symbole chimique Bi de numéro atomiquenuméro atomique 83, est le second métal le plus mauvais conducteur de la chaleurchaleur après le mercuremercure. Sans surprise, puisque le phénomène de conduction thermique et celui de conduction électrique ordinaire sont reliés, il est aussi un très mauvais conducteur électrique pour un métal. La physique du solide indiquait également qu'il ne devrait pas devenir supraconducteur ou, pour le moins, selon la théorie BCS, pas sans descendre à des températures incroyablement basses. Or, voilà que l'on découvre qu'il le devient bel et bien à 0,00053 kelvinskelvins alors que l'on s'attendait à une température de changement de phase 1.000 fois plus basse.
Les physiciens sont vraiment perplexes. En général, les supraconducteurs standard disposent d'un électron libre pour participer à la conduction par atomeatome. Or, dans le cas du bismuth, il n'en existerait qu'un pour 100.000. De nouveau, il faut revoir la copie en ce qui concerne la théorie de la supraconductivité.