Certaines supernovae très brillantes pourraient provenir de la création de paires de particule et antiparticule. Un groupe d’astrophysiciens pense avoir observé le premier exemple indiscutable de ce type d’explosion d’étoile avec de l’antimatière : SN 2016iet.
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Il y a presque 50 ans, plusieurs astrophysiciensastrophysiciens théoriciens ont prédit que certaines étoiles étaient instables à cause d'un phénomène bien décrit par les équations de l'électrodynamique quantique. En effet, avec une paire de photons gamma suffisamment énergétiques, un calcul mené à l'aide des fameux diagrammes de Feynman, bien connus des spécialistes de la physique des hautes énergies, indique que des paires de particule-antiparticuleantiparticule peuvent être créées.
Dans le cas d'une étoileétoile très massive dépassant les 100 massesmasses solaires, beaucoup des photons produits par les réactions thermonucléaires dans le cœur de ces étoiles sont dans le domaine gamma. Or, ils peuvent donner naissance chacun à une paire d’électron-positron s'ils possèdent suffisamment d'énergie. Il s'agit au fond d'une conséquence assez simple de la formule d'EinsteinEinstein, E=mc2, l'énergie des photons étant convertie en la masse des deux particules.
Lorsque la création de matièrematière et d'antimatière selon ce processus devient importante, la pressionpression du flux de photons gamma sur les couches de l'étoile devient insuffisante pour s'opposer à sa contraction sous l'effet de sa propre gravitégravité, car une partie du rayonnement est convertie en une composante qui se comporte comme un mélange de gazgaz à plus faible pression. Or, cette même contraction va augmenter le taux des réactions nucléairesréactions nucléaires en chauffant le cœur de l'étoile. La production de photons gamma créateurs d'antimatièreantimatière va encore être accrue et le processus devient instable lorsque l'étoile contient au moins 130-140 masses solaires (en dessous, il se produit des oscillations et l'étoile devient pulsante). Il s'emballe.
La température ne va cesser de grimper et en très peu de temps le cœur de l'étoile, contenant un mélange de noyaux de carbonecarbone et d'oxygèneoxygène, va exploser du fait des réactions thermonucléaires qui se produisent alors en convertissant sa matière en noyaux lourds. Prend alors naissance un nouveau type de supernova baptisée Pair Instability Supernovae (PISNe) ne laissant aucun astreastre compact derrière elle (sauf éventuellement un trou noir si l'étoile est suffisamment massive, c'est-à-dire probablement au-delà de 260 masses solaires). L'explosion doit surpasser celle d'une supernova normale et s'accompagner de la production d'une grande quantité de nickelnickel radioactif en plus d'une grande quantité de matière éjectée.
Mais attention, si l'étoile est en quelque sorte annihilée, ce n'est pas la production d'antimatière qui en est responsable, les positronspositrons ne pouvant d'ailleurs pas annihiler les protonsprotons et les neutronsneutrons des noyaux de l'étoile. C'est bien le souffle de l'explosion, l'onde de choc produite, qui disperse totalement la matière de l'étoile génitrice de la PISNe.
SN 2016iet : une supernova exotique repérée par Gaia
Depuis quelques années, des candidats au titre de PISNe ont été détectés mais en dernière analyse, aucun n'a finalement convaincu la communauté des astrophysiciens. Il semble que cela va changer avec l'annonce faite par une équipe de chercheurs principalement états-uniens via un article publié dans The Astrophysical Journal et en accès libre sur arXiv.
Tout a commencé, le 14 novembre 2016, avec la détection par le satellite Gaia de l'ESAESA de la supernova cataloguée sous la dénomination de SNSN 2016iet. Elle a rapidement mobilisé une batterie de télescopestélescopes et d'observateurs, en particulier le télescope Gemini North au sommet du Mauna kea à Hawaï, mais aussi le télescope Magellan situé à l'observatoire Las Campanas au Chili.
SN 2016iet s'est révélée être une supernova très inhabituelle, déjà par le fait que la duréedurée de sa courbe de lumièrelumière était anormalement longue et il a fallu environ 800 jours avant que sa luminositéluminosité tombe au centième de celle qu'elle avait à son maximum. Il y avait aussi peu d'émissionsémissions de raie de l'hydrogènehydrogène, ce qui indiquait une étoile plutôt isolée ainsi qu'un manque de signatures de la présence d'éléments lourds. Il s'agissait somme toute de signatures chimiques très curieuses pour une supernova dont la distance à la Voie lactéeVoie lactée (environ un milliard d'années-lumièreannées-lumière) indiquait qu'elle était intrinsèquement très lumineuse pour être aussi brillante et devait donc provenir d'une étoile particulièrement massive.
Selon les astrophysiciens, toutes ces caractéristiques s'interprètent très bien si l'on est en présence d'une supernova par production de paires qui est, soit une vraie PISNe si l'étoile génitrice était assez massive, soit, dans le cas contraire, une variante que l'on appelle une PPISNe pour pulsational pair-instability supernova, en anglais. Dans ce dernier cas, il y a bien une production d'antimatière et un emballement des réactions thermonucléaires, mais l'explosion résultante ne fait qu'éjecter quelques dizaines de masses solaires, sans détruire l'étoile initiale qui devient dès lors potentiellement pas suffisamment massive pour que se produise à nouveau une PPISNe.
Les chercheurs sont tout de même un peu perplexes du fait que l'étoile génitrice était assez isolée alors que des étoiles dépassant les 100 masses solaires ne naissent de nos jours, et rarement, que dans des amas d'étoiles. Autrefois, ces béhémoths devaient constituer les toutes premières étoiles mais avec ces masses, elles ne peuvent vivre que quelques millions d'années tout au plus.
Par contre, on s'attendait à la formation de ces étoiles géantesétoiles géantes dans un milieu pauvre en éléments métalliques, comme disent les astrophysiciens, ce qui dans leur jargon signifie pauvre en éléments au-delà de l'hydrogène et l'héliumhélium. On trouve ce milieu dans les galaxies nainesgalaxies naines qui n'ont pas pu évoluer chimiquement de façon importante du fait de leurs caractéristiques. Il se trouve précisément que SN 2016iet s'est formée à quelques dizaines de milliers d'années-lumière d'une telle galaxie.
La mise en service prochaine du LSST devrait permettre de détecter un plus grand nombre de supernovaesupernovae et donc, espérons-le, de candidats au titre de supernova par production de paires. Leur existence, qui signale aussi celle d'étoiles massives, sera alors assise sur des bases encore plus solidessolides.
Ce qu’il faut
retenir
- Quand une étoile atteint environ 100 masses solaires, sa température est si élevée que les réactions de fusion thermonucléaire produisent des photons gamma capables de matérialiser des paires d'électron et de positron.
- Cette production d'antimatière peut conduire à un emballement des réactions de fusion.
- Entre 100 et 130-140 masses solaires, l'étoile peut se mettre à pulser en faisant des explosions en supernova sans détruire l'étoile, éjectant juste des dizaines de masses solaires.
- Au-delà de 130-140 masses solaires, la supernova par production de paires devient une Pair Instability Supernovae (PISNe), c'est-à-dire une supernova par instabilité de paires et le souffle de son explosion la détruit complètement.
- Le premier cas solide de supernova par production de paires – PISNe, ou PPISNe si l'étoile est en dessous de 140 masses solaires – a probablement été observé : SN 2016iet.