S'exprimant dans un contexte de fortes tensions avec l’Occident mais dans un climat apaisé avec la Nasa, Yury Borisov, le nouveau directeur de Roscosmos, a fait une série de déclarations lors d'une rencontre télévisée avec le président russe Vladimir Poutine qui ne sont pas à prendre au pied de la lettre. Il est nécessaire de nuancer ses propos qui ne sont pas à comparer aux propos va-t-en-guerre de son prédécesseur. Explications.


au sommaire


    Lors d'une rencontre télévisée avec le président russe Vladimir Poutine, Yury Borisov, le nouveau directeur de Roscosmos nommé en remplacement de Dmitri Rogozine, s'est exprimé sur l'avenir immédiat du programme spatial russe. Plusieurs sujets ont été évoqués dont la participation de la Russie au programme de la Station spatiale internationale.

    Voir aussi

    Plongeon final de la Station spatiale internationale : le scénario prévu par la Nasa

    Sans surprise, il a acté la décision prise par son prédécesseur de quitter l'ISS après 2024, ce qui en soi n'est pas étonnant. En effet, tous les partenaires de l'ISS ont prévu de quitter le programme après 2024 étant donné que l'ISS sera désorbitée en janvier 2031. Néanmoins, la Russie quittera le navire un peu plus tôt que les autres, ce qui ne devrait pas poser de problème. En effet, ce qui est perçu comme un geste d'apaisement ; Yury Borisov a précisé à Vladimir Poutine que « bien sûr, nous [la Russie, ndlr] remplirons toutes nos obligations envers nos partenaires, mais la décision de quitter cette station après 2024 a été prise ». Dit autrement, le retrait russe du programme se fera en bonne intelligenceintelligence avec les autres partenaires, sans précipitation et sans mettre en danger la viabilité du complexe orbitalcomplexe orbital et ses occupants. On notera que ni la Nasa, ni l'ESA et ni la CSA ont été officiellement prévenues de ce retrait russe.

    Le pari difficilement tenable d'une station russe indépendante

    Yury Borisov a aussi indiqué que la Russie envisageait de mettre en place, à cet horizon 2024, une station orbitale qualifiant ce projet de « priorité du programme spatial ». Il a reconnu que, du fait des sanctions occidentales à l'encontre de la Russie, le secteur industriel spatial se trouvait dans une « situation difficile ».

    Voir aussi

    La future station spatiale russe se dévoile un peu plus

    L'idée d'une station spatiale russe indépendante n'est pas nouvelle. Elle a même été évoquée à plusieurs reprises ces dernières années. Parmi les options envisagées, citons celle, aujourd'hui abandonnée, d'un petit complexe orbital qui réutiliserait certains ou tous les modules du segment russe de l'ISS. Ce projet de séparer la totalité de la partie russe de l'ISS ou seulement une partie était de toute façon difficilement réalisable et un casse-tête technologique inédit.

    Vue d'artiste de la station spatiale russe Ross dont le premier module pourrait être lancé dès 2028. © Homem Do Espaco
    Vue d'artiste de la station spatiale russe Ross dont le premier module pourrait être lancé dès 2028. © Homem Do Espaco

    Le dernier projet en date est celui de la constructionconstruction d'une nouvelle station. Baptisée Ross (Russian Orbital Space StationRussian Orbital Space Station), cette station ne sera pas occupée en permanence. Constituée d'au moins quatre modules avec des ports d'amarrage et un sas de sortie dans l'espace, elle sera installée sur une orbite différente de celle de l'ISS avec une inclinaison à 97° au lieu des 51,6°. Une inclinaison qui permettra la couverture totale du territoire russe contre seulement 20 % par l'ISS. Avant le conflit avec l'Ukraine, la Russie prévoyait le lancement du premier module en 2028 et une mise en service au début de la décennie 2030.

    L'état du secteur spatial russe et les sanctions internationales, économiques et financières qui empêchent la Russie d'acheter certains composants rendent très difficile sa réalisation dans les délais envisagés par Moscou.


    Station spatiale : la Russie pourrait décider de suspendre sa participation dans le programme

    Article de Rémy DecourtRémy Decourt publié le 04/04/2022

    Une nouvelle série de tweets publiée par Dmitri Rogozine, le directeur de Roscosmos, laisse à penser que la Russie pourrait décider de suspendre sa participation au programme de la Station spatiale internationale. Le refus de la communauté internationale de lever les sanctions contre la Russie explique cette décision.

    Les relations spatiales entre les partenaires historiques de Roscosmos et la Russie vont-elles atteindre un point de non-retour ? Dans une série de tweets publiée le 2 avril, Dmitri Rogozine, le directeur de Roscosmos, s'en est, une nouvelle fois, pris aux partenaires du programme de la Station spatiale auxquels il reproche les sanctions prises contre la Russie à la suite de l'invasion de l'Ukraine.

    Voir aussi

    La Russie avertit sur les risques d'une chute de la Station spatiale internationale

    Le « retour à la normale des liens entre les partenaires de la Station spatiale internationale et d'autres projets de coopération ne sera possible qu'une fois levées toutes les sanctions occidentales contre Moscou », a-t-il déclaré. Conscient qu'il y a très peu de chances que cela n'arrive dans un avenir proche, Rogozine a précisé qu'il communiquera au gouvernement russe ses propositions en vue de « l'arrêt de la coopération sur l'ISS avec les agences spatiales des États-Unis, du Canada, de l'Union européenne et du Japon ».

    Une séparation d'une extrême complexité

    Il n'a pas précisé toutefois comment se matérialisera l'arrêt de cette coopération ni si elle se fera par étape. Précisions que, s'il est physiquement impossible -- ou plutôt d'une complexité extrême -- de séparer le segment russe du reste du complexe orbital, les deux segments ne peuvent pas fonctionner l'un sans l'autre dans la configuration actuelle de la station.

    Si Vladimir Poutine décide de suspendre la participation russe au programme ISS tant que les sanctions ne sont pas levées, il y a fort à parier que les États-Unis puissent décider, en concertation avec les autres partenaires, de réfléchir à l'arrêt de l'exploitation de l'ISS bien avant la date prévue et donc de ne pas attendre janvier 2031 pour désorbiter la Station.

    Cela dit, la Russie pourrait y réfléchir à deux fois avant de sortir du programme. En s'éloignant et en coupant les ponts avec ses partenaires historiques, elle pourrait y perdre le peu qui lui reste de statut de « puissance spatiale ». Un statut qu'elle n'est pas près de regagner.

    Le segment russe de la Station spatiale internationale. Notez le cargo Progress amarré au module Zvezda qui a notamment pour fonction de rehausser l'orbite de l'ISS, voire de corriger sa trajectoire pour éviter des débris par exemple. © Nasa 
    Le segment russe de la Station spatiale internationale. Notez le cargo Progress amarré au module Zvezda qui a notamment pour fonction de rehausser l'orbite de l'ISS, voire de corriger sa trajectoire pour éviter des débris par exemple. © Nasa