Le flux des données fourni par les satellites est colossal. Grâce au big data et à l'intelligence artificielle, des chercheurs de l'Institut de recherche technologique Antoine de Saint-Exupéry sont arrivés à traiter ces données massives, permettant une meilleure observation de la Terre. Les explications d'Ariel Sirat, directeur de cet institut.

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    L'observation de la Terre est un des enjeux importants de l'industrie spatiale car les champs d'applications possibles sont nombreux : environnement, défense, géologiegéologie, climatologieclimatologie, télécommunications. Il existe aujourd'hui un marché de l'observation de la Terreobservation de la Terre qui consiste à exploiter à des fins commerciales la donnée spatiale. Un marché très prometteur, sur lequel compte bien capitaliser l'IRT Antoine de Saint-Exupéry, un des huit Instituts de recherche technologique labellisés par l'État dans le cadre des Investissements d'avenir.

    Cet institut a mis au point des « technologies avancées d'observation de la Terre à la croisée entre traitement d'images, intelligence artificielleintelligence artificielle et big data », nous explique ArielAriel Sirat, son directeur. Cela révolutionne les « méthodes de traitement automatisé d'images satellitaires » en proposant une nouvelle approche permettant de traiter en temps réel des volumes considérables de données spatiales. Avec l'accroissement de ces données et du flux d'images satellitaires, une multitude d'applications sont possibles. « Le potentiel est énorme. » Tout l'enjeu est de « traiter ces flux et d'industrialiser les processus de traitement ».

    L'IRT Saint-Exupéry anticipe également la complexité gigantesque annoncée par le futur big databig data spatial. Il a, par exemple, développé des systèmes d'intelligence artificielle (à l'image du comportement multi-agent d'une colonie de fourmisfourmis) qui « permettent d'optimiser l'acquisition d'images satellite sur une zone géographique et d'acquérir jusqu'à 30 % d'images supplémentaires par rapport aux méthodes actuelles ». Cela permet aussi d'améliorer la réactivité à de nouvelles requêtesrequêtes : « 5 minutes au lieu d'environ une heure actuellement ». Par ailleurs, l'arrivée de constellations de plusieurs dizaines, voire centaines, de satellites, au lieu de quelques satellites aujourd'hui, va générer une « véritable explosion du volume d'images disponibles » qu'aucun opérateur humain ne pourra « digérer, traiter et analyser en temps réel ».

    Observer la Terre à l'aide de l'intelligence artificielle

    En quelque sorte, « nous appliquons le deep learningdeep learning, une technologie d'apprentissage basée sur des réseaux de neuronesneurones artificiels ». Il s'agit d'une technique courante en intelligence artificielle qui permet aux machines d'apprendre. Concrètement, « notre système de reconnaissance artificiel est capable de reconnaître le contenu d'une image et, image après image, d'approfondir sa compréhension de ce qu'il voit ». Ces méthodes sont combinées à du traitement d'image classique et à des techniques de calcul massivement distribué (cloud computingcloud computing), qui permet de traiter en temps réel les flux massifs d'images qui nécessitent des jours, voire des mois, de traitement. 

    À partir de ces algorithmes capables d'extraire les informations utiles, il sera possible de « développer tout un champ de nouveaux services : détection de zones polluées, érosion des sols, surveillance des réserves maritimes, gestion durable des forêts, etc. ». Certains de ces résultats ont d'ores et déjà été transférés aux partenaires industriels (Airbus Defence and Space, Thales Alenia Space et Telespazio) pour une industrialisation et une exploitation commerciale.

    Sur cette image radar, la ligne noire, brisée et discontinue, a été reliée au dégazage d’un seul navire contournant la Grande-Bretagne pour rentrer en Manche, sur une distance de 315 km. © ESA

    Sur cette image radar, la ligne noire, brisée et discontinue, a été reliée au dégazage d’un seul navire contournant la Grande-Bretagne pour rentrer en Manche, sur une distance de 315 km. © ESA

    Détecter les nappes de pétrole

    Par exemple, une des applications transférées à la société Telespazio concerne la « détection de nappes de pétrole à la surface des océans à partir d'images radar ». Il est alors possible de retrouver le navire à l'origine de ces dégazagesdégazages, qu'ils soient sauvages ou accidentels, voire de le suivre (voir image ci-dessous). Cette surveillance est favorisée par « l'intégration en simultané des statistiques météorologiques saisonnières passées et futures dans la programmation des missions afin d'améliorer l'efficacité de la prise d'image », de façon à détecter des nuagesnuages très tôt, ou d'orienter les caméras et capteurscapteurs des satellites au bon endroit. Comme le souligne François Marques, directeur de la stratégie et des applications de Défense chez Telespazio, « la technologie développée par l'IRT Saint-Exupéry révolutionne nos méthodes traditionnelles d'analyse d'images radar. L'utilisation de l'intelligence artificielle, couplée à des techniques de parallélisation très avancées, permet par exemple de traiter de manière automatique la totalité du flux de données collectées sur l'ensemble des mers du Globe, au lieu de se focaliser sur quelques zones d'intérêt. Les performances atteintes en termes de fiabilité des traitements nous confirment qu'il s'agit bien là d'une rupture technologique. »

    Aujourd'hui, l'idée est d'expérimenter de nouvelles applications dans d'autres secteurs, comme ceux de l'agriculture et de l'environnement par exemple. L'accord de Paris sur le climatclimat, signé en avril 2016 (COP 21COP 21), a mis en évidence le « besoin d'outils de surveillance et de contrôle de la situation environnementale à l'échelle d'une région, d'un pays, voire d'un continent ». L'intelligence artificielle et le big data sont tout à fait « capables de surveiller tout un tas de paramètres, comme la déforestationdéforestation, la floraison des plantes, l'état des réserves d'eau, la pollution en temps quasi réel », en exploitant au mieux la multitude des capteurs en orbite. 

    Concernant l'agricultureagriculture, « l'idée est de venir en complément des entreprises qui utilisent déjà l'imagerie satellitaire pour, par exemple, prédire les rendements, anticiper les tendances ou encore donner des recommandations sur le pilotage des cultures (intrantsintrants».