Le détecteur de rayons cosmique HiRes de l’Université de l’Utah confirme son accord avec les observations d’un autre détecteur, celui d’Auger dans la Pampa en Argentine. La limite prédite par Greisen, Zatsepin, Kuzmin concernant les energies observables dans les rayons cosmiques tient bon. Les observations d’Agasa ne sont donc pas confirmées et il n’y a pas besoin de faire intervenir de la nouvelle physique au-delà du modèle standard.

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    Le détecteur HiRes encore appelé Œil de mouche dans le désert de l'Utah. Crédit : HiRes collaboration

    Le détecteur HiRes encore appelé Œil de mouche dans le désert de l'Utah. Crédit : HiRes collaboration

    Les rayons cosmiques ont été découverts en 1912. Il s'agit de particules subatomiques constituées principalement de protons, de noyaux d'hélium mais aussi de certains éléments plus lourds, comme l'oxygène, le carbone, l'azoteazote ou encore le ferfer. Le SoleilSoleil et les autres étoilesétoiles émettent des rayons cosmiques de relativement faibles énergiesénergies, tandis que les rayons cosmiques d'énergies moyennes et hautes proviennent très probablement des supernovaesupernovae en relation avec le mécanisme d'accélération de Fermi.

    Il existe par contre des rayons cosmiques possédant des énergies ultra-hautes et que l'on appelle des UHECR (Ultra-High Energy Cosmic Rays) et dont on ne comprend pas bien qu'elles peuvent être les sources. On soupçonne qu'il s'agit là encore de mécanismes du genre de ceux de Fermi mais qui prendraient naissance dans les noyaux actifs de galaxiesnoyaux actifs de galaxies comme semblent le démontrer les observations récentes d’Auger. Ces UHECR sont cent millions de fois plus d'énergétiques que tout ce que l'on sait obtenir des accélérateurs de particules. L'énergie d'une seule particule est celle d'une brique en plombplomb lâchée d'une hauteur de l'ordre d'un mètre !

    Quand un rayon cosmique entre en collision avec les couches de la haute atmosphèreatmosphère de la Terre, il se produit une cascade de productions de particules secondaires. Un exemple de ce qui se produit dans la constitution de ces gerbes cosmiques est représenté sur la figure 1.

    Figure 1. Un rayon cosmique primaire, constitué par exemple d'un noyau de fer, entre en collision avec un noyau d'oxygène de la haute atmosphère. Une gerbe de particules secondaires composées d'électrons, de positrons, de pions etc., et de rayonnements électromagnétiques comme le rayonnement Cerenkov atteint ensuite la surface de la Terre où des détecteurs comme Auger et HiRes peuvent les détecter. Crédit : <em>HiRes collaboration</em>

    Figure 1. Un rayon cosmique primaire, constitué par exemple d'un noyau de fer, entre en collision avec un noyau d'oxygène de la haute atmosphère. Une gerbe de particules secondaires composées d'électrons, de positrons, de pions etc., et de rayonnements électromagnétiques comme le rayonnement Cerenkov atteint ensuite la surface de la Terre où des détecteurs comme Auger et HiRes peuvent les détecter. Crédit : HiRes collaboration

    En 1966,  Kenneth GreisenGreisen de l'Université Cornell et indépendamment  Georgiy Zatsepin et Vadim Kuzmin de l'Insitut de physiquephysique Lebedev de Moscou eurent la même idée suite à la découverte du rayonnement de fond diffus (CMB) par Penzias et Wilson. Si des rayons cosmiques d'énergies suffisantes se propagent dans l'UniversUnivers, ils finiront par entrer en collision avec les photonsphotons à 2,7 K du rayonnement fossilerayonnement fossile en donnant des pions. Ainsi, il se produira une coupure dans la courbe donnant le flux de rayons cosmiques arrivant sur Terre lorsque l'on s'approchera des énergie de l'ordre de 1020 eV, celle correspondant au choc avec les photons du fond diffusdiffus.

    Plus précisément, si l'on considère des particules, comme des protons, possédant initialement une énergie au-dessus de la limite précédente baptisée GZK, pour Greisen-Zatsepin-Kuzmin, une série de collisions avec les photons du CMB finiront pas faire perdre de l'énergie à ce proton pour le faire descendre en dessous de cette limite. Cela se traduit aussi par une distance maximale de l'ordre de 50 mégaparsecs (ou Mpc, soit 160 millions d'années-lumièreannées-lumière environ) pour la provenance de protons dont l'énergie dépasse la limite GZK.

    Mais une anomalieanomalie est apparue il y a quelques années. L'expérience japonaise Agasa, qui a longuement mesuré le flux de UHECR, avait permis de déterminer précisément le spectrespectre de leurs énergies (voir la figure 2). Or, la courbe semblait indiquer un surplus de particules au-dessus de la limite GZK. Cette anomalie serait explicable s'il existait des sources puissantes dans un rayon de moins de 50 Mpc autour de nous. Mais ce n'est pas le cas ! Les astrophysiciensastrophysiciens ont alors commencé à parler de paradoxe de la coupure GZK. Pour l'expliquer, il restait deux possibilités.

    Figure 2. Le flux de rayons cosmiques a été relativement bien étudié à des énergies au-dessous 10<sup>18</sup> eV.  En première approximation, la courbe indiquant ce flux, appelée encore le spectre, décroît rapidement selon une loi de puissance de l’énergie E. Si N représente le flux de particules à une énergie E donnée, alors la courbe représentée sur le schéma donne dN/dE proportionnel à E<sup>&#945;</sup> où &#945;, l’indice spectral, a une valeur globale d'environ 2,8. On note tout de même une structure avec deux ruptures de pente. La première, à 10<sup>15</sup> eV, est appelée le « genou », l'indice spectral &#945; passant d'environ 2,7 à 3,0. La deuxième est situé à environ 5 x 10<sup>17</sup> eV (avec &#945; = 3,3) et s’appelle la « cheville ». Initialement, le paradoxe GZK indiqué par Agasa était visible sous la forme de l'excès de particules à ultra haute énergie en bas à droite au-dessus de la courbe en pointillé prédite par la coupure GZK. Crédit : <em>HiRes collaboration</em>

    Figure 2. Le flux de rayons cosmiques a été relativement bien étudié à des énergies au-dessous 1018 eV.  En première approximation, la courbe indiquant ce flux, appelée encore le spectre, décroît rapidement selon une loi de puissance de l’énergie E. Si N représente le flux de particules à une énergie E donnée, alors la courbe représentée sur le schéma donne dN/dE proportionnel à Eα où α, l’indice spectral, a une valeur globale d'environ 2,8. On note tout de même une structure avec deux ruptures de pente. La première, à 1015 eV, est appelée le « genou », l'indice spectral α passant d'environ 2,7 à 3,0. La deuxième est situé à environ 5 x 1017 eV (avec α = 3,3) et s’appelle la « cheville ». Initialement, le paradoxe GZK indiqué par Agasa était visible sous la forme de l'excès de particules à ultra haute énergie en bas à droite au-dessus de la courbe en pointillé prédite par la coupure GZK. Crédit : HiRes collaboration

    Soit les observations ne provenaient que d'une simple fluctuation statistique, soit une nouvelle physique entrait en jeu qui permettait, par exemple, aux protons de voyager beaucoup plus loin que prévu malgré la limite GZK.

    Les spéculations allaient bon train. On imaginait par exemple remettre en cause les lois de la relativité restreinterelativité restreinte et faire intervenir une « relativité doublement restreinte » issue des travaux des théoriciens de la gravitation quantique à bouclesgravitation quantique à boucles. D'autres proposaient une extension de la physique des neutrinosneutrinos basée sur la théorie des cordesthéorie des cordes et l'apparition, grâce à des dimensions spatiales supplémentaires de grande taille, d’une interaction plus forte entre les neutrinos à ultra haute énergie et les noyaux. On pouvait ainsi espérer échapper aux contraintes de la limite GZK.

    Après les résultats fournis par Auger, les membres de la collaboration High Resolution Fly's Eye (HiRes) publient les leurs : First Observation of the Greisen-Zatsepin-Kuzmin Suppression.

    Ils confirment les observations d'Auger, à savoir que le paradoxe de la limite GZK issu des données d'Agasa n'existe pas. La coupure GZK est bel et bien là et il n'est donc pas nécessaire de faire intervenir des théories aussi spéculatives que celles des supercordes ou de la Loop Quantum Gravity, la gravitation quantique à boucles.