Le centre de notre Galaxie est le lieu d’une annihilation particulièrement active d’électrons avec leurs antiparticules, des positrons. Une des explications de la présence de cette anti-matière invoquait la matière noire. Mais quatre années d’observations du satellite Integral permettent probablement de s'en passer.

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    La répartition asymétrique de l'intensité de la raie à 511 keV. Crédit : ESA/ Integral/ MPE (G. Weidenspointner et al.)

    La répartition asymétrique de l'intensité de la raie à 511 keV. Crédit : ESA/ Integral/ MPE (G. Weidenspointner et al.)

    C'est sans doute un peu la déception qui doit animer certains des chercheurs en astroparticules depuis la publication le 10 janvier 2008 d'un article dans Nature. En 2005, les données obtenues par le spectrographe SPI à bord du satellite Integral avaient révélé la présence, dans les régions internes de la Voie lactée, d'une forte émission de lumière assez particulière.

    Plus précisément, les astrophysiciensastrophysiciens observaient ce qu'on appelle une raie d'émission, fine, dont l'énergieénergie est de 511 keV. Une telle valeur est bien connue en physiquephysique des particules : c'est l'énergie émise sous forme de photonsphotons gamma lors de l'annihilation d'un électronélectron et de son antiparticuleantiparticule, le positronpositron (on dit aussi positon). Or, d'après les mesures, c'est une quantité extraordinaire de positrons qui devait être produite chaque seconde pour rendre compte de l'émission observée par Integral.

    Des sources exotiques pour l'antimatière ?

    En cherchant à déterminer l'origine des sources d'antimatièreantimatière responsables de la production de positrons, on s'était vite aperçu qu'elles pouvaient se décomposer en plusieurs composantes possibles, avec une émission ténue répartie le long du plan galactique et une émission plus intense centrée sur le centre galactiquecentre galactique (le bulbe galactique). Initialement, et parce que le nuagenuage de positrons du centre de la GalaxieGalaxie semblait très symétrique, il était tentant de postuler que les positrons pouvaient provenir de l'annihilation de particules exotiquesexotiques de matière noirematière noire dans le halo central symétrique de la Galaxie. Il pouvait s'agir de neutralinosneutralinos, ou de particules massives de Kaluza-Klein dans le cadre des théories impliquant de dimensions supplémentaires, comme la théorie des cordesthéorie des cordes. On pouvait même faire intervenir des mini trous noirstrous noirs primordiaux en train de s'évaporer par effet Hawking.

    Bien sûr, d'autres sources moins exotiques, comme des supernovaesupernovae et des hypernovaehypernovae, sont elles aussi capables de produire des positrons, mais pas dans la quantité nécessitée par les observations.

    Le satellite Integral. Crédit : ESA

    Le satellite Integral. Crédit : ESA

    Hélas, en cumulant les observations obtenues pendant plus de quatre ans, équivalentes à un temps de pose de plus de 50 millions de secondes, les astrophysiciens ont découvert que la structure du plan de la Voie lactée où se trouvait les raies d'annihilation positrons/électrons n'était pas aussi symétrique qu'ils le pensaient. Une cartographie plus fine a révélé un flux deux fois plus intense d'un coté du centre galactique que de l'autre.

    Une explication plus classique : des binaires X

    La forme asymétriqueasymétrique du nuage de positrons semble désormais exclure la matière noire comme source majeure d'antimatière. A l'appui de cette conclusion, on peut voir que la distribution spatiale d'une certaine famille de systèmes X binairesbinaires dans les régions internes du plan galactique coïncide étonnamment bien avec l'extension de l'émission gamma détectée par le satellite Integral.

    Cliquez pour agrandir. A gauche, la carte de la Voie lactée observée par SPI à l’énergie de 511 keV représentée en coordonnées galactiques. Le plan de la Galaxie est la ligne centrale de part et d’autre du centre galactique à la position (0,0). A une émission symétrique de largeur à mi-hauteur de 6 degrés (le bulbe galactique) s’ajoute une extension d’un côté du disque galactique. Le code de couleur indique l’intensité du signal (la plus élevée en rouge).<br />A droite, la répartition des systèmes binaires X de faible masse détectés par le télescope IBIS/ISGRI à bord du satellite Integral. Une concentration plus importante dans la même direction est visible, suggérant que ces systèmes binaires X sont les sources d’antimatière dans les régions internes du disque galactique. Crédit : CEA/CESR. Integral. ESA

    Cliquez pour agrandir. A gauche, la carte de la Voie lactée observée par SPI à l’énergie de 511 keV représentée en coordonnées galactiques. Le plan de la Galaxie est la ligne centrale de part et d’autre du centre galactique à la position (0,0). A une émission symétrique de largeur à mi-hauteur de 6 degrés (le bulbe galactique) s’ajoute une extension d’un côté du disque galactique. Le code de couleur indique l’intensité du signal (la plus élevée en rouge).
    A droite, la répartition des systèmes binaires X de faible masse détectés par le télescope IBIS/ISGRI à bord du satellite Integral. Une concentration plus importante dans la même direction est visible, suggérant que ces systèmes binaires X sont les sources d’antimatière dans les régions internes du disque galactique. Crédit : CEA/CESR. Integral. ESA

    Les astresastres de cette famille appartiennent à la classe des binaires Xbinaires X de faible massemasse, des couples composés d'une étoileétoile de masse inférieure ou égale à celle du SoleilSoleil, orbitant autour d'un astre compact comme un trou noir ou une étoile à neutronsétoile à neutrons. Il est bien connu qu'un plasma chaud constitué d'électrons et de positrons peut se former dans de tels systèmes, à cause des processus d'accrétionaccrétion de la matière de l'étoile compagne sur l'astre compact. Une fraction des positrons peut alors s'échapper et se propager dans le milieu interstellaire avant de s'annihiler pour former l'émission diffuse observée à 511 keV.

    Si l'on ajoute des sources astrophysiquesastrophysiques classiques, comme des supernovae et même le trou noir central, Sagittarius A*, il n'est pas exclu que l'on puisse même rendre compte de la totalité de l'antimatière observée sans faire intervenir de matière noire.